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Arnaud Clément : « L’heure de la retraite est encore loin… »

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Pour ceux qui ne sont pas encore arrivés à bout du GrandChelem 16, voici l’in­ter­view inté­grale de notre guest star : Arnaud Clément. A lire avec atten­tion pour se rendre compte que la Clé a toujours été accro à la petite balle jaune. Pour assouvir sa passion, il a même joué de la main gauche…

Quand tu es arrivé sur le circuit profes­sionnel, quel était ton état d’esprit ?

J’ai commencé comme tout le monde par des tour­nois satel­lites. Au départ, je n’étais pas très ambi­tieux. Je ne me voyais pas forcé­ment entrer dans le top 100. Je n’ai, d’ailleurs, jamais eu d’ob­jec­tifs en ces termes. Je savais que j’étais un vrai compétiteur. 

Un mort de faim ?

J’essaie de trouver un mot pas trop vulgaire pour décrire ça. (rires) Je ne sais pas… Oui, « mort de faim »,  c’est l’idée, ça me va bien. Arrivé sur le court, j’avais envie de manger la balle, de gagner chaque échange. J’étais loin d’être le meilleur, tech­ni­que­ment comme physi­que­ment. Mais, menta­le­ment, j’étais plus accro­cheur que beau­coup. Et j’ai réussi à prendre des points assez vite.

Est‐ce que tu te souviens d’un match déclic ? Ta première victoire sur un top 10, quelque chose de ce genre…

Avant de battre un top 10, il y a pas mal d’étapes préli­mi­naires. Je me souviens d’un tournoi satel­lite, par exemple. J’étais 0, j’avais 17 ans. J’avais battu un Première Série et remporté le titre dans la foulée. Je prenais mes premiers points, un vrai bonheur ! C’était quand même une belle perfor­mance. A mon sens, ça a été un événe­ment décisif : cette victoire m’a montré que je pouvais battre des mecs que je n’avais même pas la possi­bi­lité d’af­fronter auparavant.


Ton clas­se­ment l’année suivante ?

Je suis monté ‑15, puis ‑30. Ensuite, j’ai eu une belle progres­sion. D’abord, 33ème au clas­se­ment fran­çais et, l’année suivante, numéro 6. A partir de là, j’ai vrai­ment explosé. Cela coïn­cide avec ma première victoire sur un top 10. J’avais joué… Que je ne dise pas de bêtises ! C’était une surface rapide… Oui, c’est ça ! A Vienne, contre Sergi Bruguera, numéro 6 mondial. Un super souvenir. Par la suite, j’ai eu d’autres succès face à des top 10, même en étant hors top 100. Ce sont ces victoires, celles‐là, qui m’ont démontré que je pouvais faire du tennis mon métier.

Tu avais encore des doutes ?

Non, je ne pouvais pas avoir de doutes, c’est même une ques­tion que je ne me suis jamais posé. J’ai toujours été passionné par ce sport. Je me suis toujours éclaté à jouer sur un court et c’est ça l’essentiel. Au lycée, par exemple, je n’ai jamais été en section sport‐études. Du coup, pas d’horaires aménagés, ni aucune chose de ce genre. Ca me laisse penser que je n’ai pas eu un parcours clas­sique. C’était frus­trant, d’ailleurs, car je ne pouvais pas jouer au tennis autant que je le souhai­tais. Et puis, progres­si­ve­ment, j’ai changé de rythme : quatre à cinq fois par semaine, puis des tour­nois le week‐end, puis deux à trois fois par jour… Comme par hasard, c’est une période durant laquelle j’ai énor­mé­ment progressé. Les premières années, j’étais vrai­ment comme un dingue… Dingue de jouer des tour­nois, dingue de me dépenser sans compter !

A cette époque, tu ne pensais qu’à jouer, pas forcé­ment à en faire ton métier ?

Oui, m’éclater, jouer… Et puis, quand j’ai atteint le top 100, je me suis dit : « Voilà, c’est bon, j’y suis ! Je gagne ma vie en faisant le truc que j’aime le plus au monde ! » Aujourd’hui, je suis conscient de la chance que j’ai. Une chance rare. 

Ta grande période, tu la déli­mi­te­rais comment ? 2000–2003 ?

Plutôt 2000–2001. C’est à cette époque que j’ai été le plus régu­lier, que j’ai joué mon meilleur tennis. Par la suite, j’ai eu de très bonnes périodes égale­ment, mais plus courtes et de manière moins régu­lière. Là, en 2000–2001, pendant 6–8 mois, j’étais vrai­ment très dur à battre.

Au moment de ta finale à l’Open d’Australie ?

Un peu avant, même. Ma finale à l’Open d’Australie, c’est début 2001. En fait, la dyna­mique dont je parle a commencé lors de l’été 2000, aux Etats‐Unis. J’y ai enchaîné une demi‐finale à Cincinnati, deux autres demi en ATP 250 et un quart à l’US Open. Ensuite, durant la saison indoor, j’ai gagné mon premier tournoi ATP, à Lyon, en battant Rafter en finale. C’est après l’Open d’Australie, évidem­ment, que j’ai obtenu le meilleur clas­se­ment de ma carrière [ndlr : 10ème joueur mondial en avril 2001].

Et puis, il y a aussi eu des périodes de galère, quelques bles­sures…

Pas vrai­ment de « galère », mais des périodes, disons, « diffi­ciles ». Des périodes où t’es moins bien, un peu dans le doute au niveau de ton jeu. Comme celle que j’ai eue à gérer l’année dernière, avec toutes ces défaites au premier tour. Mais, fran­che­ment, je n’ai pas à me plaindre, je n’ai jamais eu que des petits trucs : petite pubalgie, petit arra­che­ment, petite attelle pendant 6 semaines… C’est pas grand‐chose, par rapport à d’autres !

C’est à ce moment‐là que tu as joué de la main gauche ?

Oui. J’avais mon attelle au poignet droit… J’étais absent des courts depuis trop long­temps, trop de semaines ! Il fallait que je rejoue ! 

Qu’est‐ce qui t’a manqué pour aller encore plus haut ? As‐tu un grand regret ?

Il y a des matches où l’on a des regrets et d’autres où l’on s’en sort contre toute attente. Evidemment, certaines défaites marquent plus : par exemple, derniè­re­ment, mon quart‐de‐finale à Wimbledon. Je me procure une balle de match. C’est certai­ne­ment une occa­sion unique qui ne se repré­sen­tera plus. Mon autre grand regret, ce sont ces deux années où la France s’est retrouvée en finale de Coupe Davis. Autant, la première fois, la logique tennis­tique voulait que ce soit « Scud » et « Seb » qui jouent. Autant, l’année d’après, contre les Russes, c’était un peu mon tour… Et je me suis blessé au poignet juste à ce moment‐là ! C’était terrible…

A 32 ans, tu es plus proche de la fin que du début. La retraite est‐elle quelque chose que tu envi­sages ?

Pas une seule seconde. L’année dernière, quand je faisais de très mauvais matches, à la sortie du court, je me disais : « Ca ne sert à rien de conti­nuer si je joue comme ça. » Mais ça ne durait jamais long­temps. Une heure, tout au plus. Après, je repar­tais. Quand on est au fond du trou, c’est diffi­cile, d’autant que la concur­rence est rude. Mais, heureu­se­ment, dans le creux de la vague, j’ai toujours trouvé les ressources pour repartir. Même à 31 ans, l’année dernière, j’ai trouvé la force de rebondir ! C’est une vraie fierté. Aujourd’hui, l’évidence est là : je ne pense pas à arrêter, ce n’est pas d’actualité. Je ne me mets pas de barrière, je ne me mets pas de limites. Jouer encore un an, encore deux ans… Non ! Tant que je suis physi­que­ment compé­titif, tant que j’ai l’envie, tant que ça m’éclate… Je peux jouer ! Je sens bien que la récu­pé­ra­tion est de moins en moins facile, que ça devient un peu plus dur par moments… Mais bon, voilà, moi, j’aime toujours ça ! Et ce n’est pas mon âge qui va me dire d’arrêter ! Physiquement, je suis encore pas mal. Au‐dessus d’un certain nombre de mecs bien plus jeunes que moi. Pour l’ins­tant, la retraite est encore très loin. Je n’y pense pas une seule seconde.

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