« Je considère qu’il n’y a pas de bons coaches, cela impliquerait qu’il y en ait de mauvais. Non, il y a de bons et de moins bons joueurs. A charge au coach de rendre meilleur celui qui l’est moins, ce qui implique des dizaines de paramètres à harmoniser. »
Le débat est posé. Sam Sumyk, l’un des entraîneurs français les plus titrés en Grand Chelem, ne manque ni de verve, ni d’aplomb lorsqu’il s’agit de se poser la question : « Qu’est‐ce qu’un bon coach ? » Une question qui, selon lui, n’a pas de légitimité. « Chaque entraîneur essaie de faire au mieux dans l’intérêt de son poulain », affirme celui qui a accompagné Victoria Azarenka dans ses plus grands succès. Ajoutant, non sans sourire : « Donc tous les coaches, à des niveaux de signification, différents sont… excellents. Voilà mon point de vue. »
Mais, car le Breton est un drôle d’animal, il n’évite jamais les pirouettes les plus virtuoses. S’il n’y a pas de mauvais coaches, il n’y a pas… « Oui, c’est ça, il n’y a pas de grands entraîneurs non plus. La notoriété dont jouissent certains ne repose pas sur une qualité particulière. La difficulté, à mon sens, est de réunir plusieurs qualités, le plus souvent discrètes, et de ne jamais céder au triomphalisme en cas de réussite ponctuelle. Car c’est le doute qui permet d’avancer. »
Mais alors ? mais alors ? « La seule façon d’être un bon entraîneur, c’est de ne pas avoir de certitudes. Comme le dit un mec de chez moi (NDLR : Olivier de Kersauson), malgré l’expérience, on n’est jamais à l’abri de se trouver à la limite de son petit savoir. »
Alors, Sam, ce préambule posé, s’attache à déconstruire nos certitudes. Voici 10 idées reçues sur ce qu’est un bon coach. Cachent‐elles du vrai ? Sont‐elles fausses ? Monsieur Sumyk vous donne son avis. Attention, ça décape…
Un bon coach, c’est un coach qui…
… sait s’entourer ?
Lapalissade ! Celui qui s’entoure de brêles a de probables chances de se faire virer rapidement… Et ce serait un bon choix ! Je ne connais personne qui s’entoure de médiocres, hormis, peut‐être, les super‐égotypes qui veulent briller dans la merdasse. Evidemment, s’entourer du meilleur encadrement possible, c’est un gage de réussite prospective. A la condition que les personnes qui sont dans cet encadrement ne fassent pas d’ombre à l’égo du coach. S’enrichir de toutes les différences, faire avec l’égo de l’autre, respecter les connaissances et les complémentarités de chacun. Une cuisine savante et extrêmement difficile a réaliser. L’expérience et les échecs antérieurs sont autant d’armes pour être performant. En réalité, non, je ne sais pas ce qu’est un bon coach, pas plus qu’un mauvais.
… permet à son joueur de ne pas se blesser ?
On retourne la question ! Le bon coach, c’est celui qui permet à son joueur de se blesser tout le temps, comme ça il peut glander et observer, de loin, les traitements et les soins (rires)… Non, sérieusement, le job, le vrai, passe par des heures d’étirements, de souplesse, de soins divers, etc. La blessure reste la hantise d’un coach. J’en ai, du reste, subi les conséquences personnellement avec les blessures de Vika. Mais pendant que sa musculature s’assouplit, moi je deviens raide… Dualité sans précédent.
… apprend à son joueur à être autonome ?
Quel est le sens sportif de l’autonomie ? Je réfute ce terme. On travaille en équipe. Donc on est, chacun, dépendant de chacun d’entre nous. S’entourer, partager, c’est aussi se confier, se donner. Et donner, ce n’est pas être autonome, c’est devenir plus indépendant. Je crois que je préfère cette expression : « sportivement indépendant ». Garder son jardin secret, ses pensées intimes, c’est une forme d’autonomie, certes, mais le sport que nous pratiquons vit par la notion d’équipe.
… gagne de grands titres ?
Ouais, qui fait gagner, peut‐être, ou qui y contribue plutôt. Le grand champion, pour moi, c’est celui qui s’assume, qui assume ses titres et qui sait associer l’autre à sa réussite. Le modèle d’humilité. Non, en fait, le champion, c’est celui qui sait d’où il vient, sait où il est et ne sait pas de quoi demain sera fait. Dans tous les cas, les titres sont éphémères. J’ai été moi‐même, autrefois, champion de la presqu’île de Quiberon… Un titre ô combien honorifique (sourire). Mes fans ont totalement oublié… Désolant (rires)…
… fait progresser son joueur techniquement ? physiquement ? tactiquement ?
Encore une lapalissade ! Tu connais un champion qui s’entoure d’un coach pour régresser ? La machine à tirer vers le médiocre, j’ai tout dit.
… qui s’installe dans la durée et voit à long terme ?
Le grand coach serait celui qui s’installe dans la durée… Parce qu’il doit aussi être devin ? Qui peut s’installer durablement dans le temps avec un champion ? Les manques de résultats probants te mettent en position inconfortable, sur un siège éjectable. Une mauvaise communication entre belligérants et hop ! la porte se profile ! Oh, ‘sûr qu’il faut aussi un nécessaire turnover (sourire) ; des coaches qui en ont marre des caprices de leur star, ça existe. Alors la séparation paraît dès lors nécessaire et vitale. De la respiration, s’il vous plaît !
… qui a été un joueur de haut niveau ?
Mais c’est quoi le niveau ? Par rapport à qui, à quoi ? Et bien, je n’ai plus qu’à rendre mon tablier… Avoir été un grand joueur ne signifie pas qu’on fera un grand coach. Le contraire non plus, du reste. Cela dit, s’entourer, ponctuellement, d’anciens grands joueurs reste une très bonne chose, selon moi.
… qui est payé par le joueur et primé au rendement ?
Je ne sais pas pour les autres, mais la notion de rendement m’agace. Quand on s’engage avec un joueur, le fric est anecdotique et le rendement encore moins. Je constate simplement et modestement que tout travail mérite salaire… plus ou moins important selon les gains du‐dit joueur !
… qui regarde beaucoup de matches pour chercher des solutions ?
J’avoue, alors, que je suis un mauvais coach… Regarder pour regarder, quel intérêt ? Par contre, quand je regarde Roger (Federer), je reconnais qu’égoïstement… je me fais plaisir !
… qui aime le tennis ?
(Rires) Non, non, le bon coach préfère la pétanque, suivie de la sieste et précédée par le pastis… Bref, plaisanterie mise à part, aurais‐tu oublié Obélix‐de‐mon‐pays, la Grande Celtie ? Lui aussi était tombé dedans quand il était petit… Alors concluons !
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Publié le vendredi 21 février 2014 à 11:07