Le 16 mai dernier, se déroule un match incroyable sur le Central de la Caja Magica. Rafael Nadal affronte Novak Djokovic en demi‐finale de son Masters 1000, à Madrid. L’ex-numéro 1 mondial l’emporte 3–6 7–6 (5) 7–6 (9) en près de 4 heures. Une confrontation d’une intensité rarement égalée, dans un contexte très particulier, au scénario étourdissant qui en font l’une des perles de la saison 2009. C’est mon coup de cœur de l’année.
Avant la rencontre, les deux acteurs de cette soirée très particulière restent sur des séries respectives impressionnantes. Rafael Nadal, numéro 1 mondial, est invaincu sur terre depuis 33 rencontres. Titré à Monte‐Carlo, à Barcelone et à Rome, on lui promet une année record. Seule ombre au tableau : une certaine usure physique et une gestion de calendrier discutable. En face, Novak Djokovic, lui, s’impose comme son dauphin sur terre, après deux finales perdues contre lui, à Monte‐Carl’ et Rome, et un titre à Belgrade.
La rencontre est à l’image de leur dynamique respective : exceptionnelle. Sans refaire le fil détaillé du match, l’on peut se rappeler… Novak semble prendre l’ascendant d’entrée de jeu. Puissant, il parvient à déborder le Majorquin en coup droit comme en revers, s’appuyant sur son lift à la perfection. Côté revers, notamment, on le voit trouver variations et angles très intéressants. L’on se dit que c’est enfin son heure, après ses deux échecs précédents.
Mais n’est pas numéro 1 qui veut. Les deux hommes ne lâchent rien tout au long du deuxième et se rendent coups pour coups. L’Espagnol retrouve peu à peu un niveau de jeu digne de lui, Djoko, de son côté, commence à fatiguer. Néanmoins, il obtient plusieurs occasions de faire le break et semble pouvoir tuer le match à tout moment. Advient le jeu décisif. Nadal, qui n’a jamais été aussi proche de la défaite, prend l’ascendant après quelques points arrachés de nulle part. Il pilonne le revers du Serbe avant de balancer des pralines long de ligne. Après avoir sauvé deux balles de set, Novak craque sur la troisième. Deuxième set, Rafael Nadal, 7 jeux à 6, 7 points à 5.
Le troisième set est baigné d’une atmosphère irréelle. Terre, sueur, poussière, crampes, ahanements… « Raaaaafa Raaaaafa » dégringolant en masse. La Caja Magica se transforme en véritable arène, chauffée à blanc, foulée par deux héros antiques se livrant un combat sans merci. Chaque coup porté est un coup de massue, d’une violence et d’une férocité guerrière. A l’image des trois balles de matches sauvées par Nadal dans le jeu décisif. Trois sauvetages sur des points incroyables, des points gagnants à prise de risque maximale. Un énième retournement de situation, Djoko joue dans le filet et Rafa s’écroule sur la terre battue madrilène. Il se relève, se dirige vers son adversaire. Le respect entre les deux est palpable et dans les regards, et dans la poignée de main. La touche finale : un enfant s’échappe des gradins et vient embrasser le numéro un mondial. L’ultime caresse d’une toile sublime.
A l’issue d’une telle rencontre, l’on ne peut plus être exactement le même. De nature federienne, j’ai vu s’ancrer en moi, de manière définitive, quelque chose de nadalien.
Mais cette partie fut également décisive pour le reste de la saison 2009. Rafa en ressort usé physiquement. Il ne peut rien contre Federer en finale. Et ressent déjà la douleur d’une certaine tendinite…Le reste de son année sera complètement bouleversé.
A l’heure de choisir un coup de cœur – un joueur, un fait, un record, – j’ai préféré choisir un match. Un match qui cristallise l’essence du jeu. L’essence du jeu et l’essence du tennis en 4 heures. 4 heures différentes, 4 heures hors du temps. Ce 16 mai 2009 reste, à mon sens, une petite bulle à part sur l’ensemble de l’année.
Publié le lundi 28 décembre 2009 à 11:03