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Ivan Ljubicic : « J’ai besoin de voir des gars comme Federer, des gars comme Ivanisevic »

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Dans le cadre de GrandChelem 25 et la sortie du livre « Grand Chelem, mon amour », on est allés à la rencontre d’Ivan Ljubicic. Quoi de mieux qu’un vieux bris­card du circuit pour disserter sur ses propres coups de foudre, avec tout le recul et la sagesse des ans ?

GrandChelem 25, dispo­nible ici.

Quels sont, selon vous, les plus beaux matches de la décennie 2001–2011, en Grand Chelem ?

Je pren­drais la finale de Wimbledon, Federer‐Nadal, qui se finit dans la nuit. C’est en quelle année, déjà ? Ah oui ! 2008. Il y a Federer‐Roddick, égale­ment, en 2009. Mais je mettrais Federer‐Nadal large­ment devant. C’est, en tout cas, ce qui me vient immé­dia­te­ment à l’esprit. Je me rappelle aussi d’un Ivanisevic‐ Rafter, à Wimbledon, en 2001. (Il réfléchit)


La décennie va jusqu’en 2011 ! Vous avez le droit de choisir des matches de cette saison aussi…

Hum, oui. Mais ne comptez pas sur moi pour choisir la finale de l’US Open !

(Etonné) Pourquoi ?

Sur le plan du tennis – et du tennis pur –, c’est tout le temps la même chose. Quand Djokovic et Nadal s’affrontent, ils font toujours, toujours la même chose, ils jouent toujours de la même manière. Et, moi, j’ai besoin de voir des gars comme Federer, des gars comme Ivanisevic. Bref, des joueurs qui proposent des approches diffé­rentes du jeu. 

D’autres matches vous ont marqué, alors ? Federer‐Nadal, à Melbourne, par exemple ?

A Melbourne, je ne cite­rais pas celui‐là. Mais la demi‐finale Verdasco‐Nadal. Oui, ça c’était vrai­ment un super match !

Roland Garros ? La finale Coria‐Gaudio ?

Hum… (Il réflé­chit) Ce n’était pas un match superbe. Ce n’était pas du beau tennis, en fait. Mais le scénario était inté­res­sant, c’est vrai. Non, je parle­rais plutôt de Federer‐Djokovic, cette année. Une grosse oppo­si­tion, oui, avec une très belle qualité de jeu. Mais, pour moi – et je vais sortir un peu du sujet –, l’une des plus grandes perfor­mances jamais produite par un joueur de tennis, c’est celle de Federer au Masters, contre James Blake (en 2006). On ne peut pas le classer comme grand match, parce que Federer a dominé de la tête et des épaules. Mais ça reste un match fantas­tique, par la qualité du joueur qu’est Roger. Il y a aussi Federer‐Nalbandian, toujours au Masters, en 2005. C’était une très belle partie également.


Et le mara­thon Isner‐Mahut ?

Parce qu’il fait partie de l’histoire, il faut le sélec­tionner parmi les plus grands matches de la décennie, c’est sûr. Mais ce n’était pas un beau match plus que ça. Je veux dire, c’était fantas­tique pour diffé­rentes raisons, mais, sur le plan du jeu, ce n’était pas forcé­ment très beau.

Pour vous, un grand match consacre une très grande qualité de tennis ?

Oui, c’est ça la défi­ni­tion d’un grand match, à mon sens. Alors, atten­tion, c’est mon critère de juge­ment. Peut‐être que le public attend des choses diffé­rentes pour dire d’un match qu’il est « grand ». La drama­turgie, le show… Mais ça n’est pas mon cas. C’est pour ça que j’ai cité ce Federer‐Blake. Pour moi, c’est le plus beau tennis qu’un joueur ait jamais produit.


« Les cinq meilleurs de la décennie, pour moi : Federer, Nadal, Djokovic, Hewitt et Roddick »

Alors vous avez dû aimer la finale Federer‐Hewitt, à l’US Open, en 2004. Federer avait large­ment dominé, pour gagner 6–0 7–6 6−0…

Oui, c’est vrai, ça aussi, c’était un grand match. De toute manière, dans les années qui ont suivi et, notam­ment en 2006, Roger est devenu fran­che­ment imbattable. 

Difficile de ne pas le classer parmi les cinq joueurs les plus marquants de la décennie…

C’est sûr ! Avec Nadal, évidem­ment. Et Djokovic, aussi, main­te­nant. J’aurais bien cité Guga (Gustavo Kuerten), mais il ne rentre pas vrai­ment dans la décennie. Il a beau­coup gagné avant 2001. En quatrième, je mettrais plutôt Lleyton Hewitt. Et puis… (Il réflé­chit). Difficile de choisir entre la constance d’un joueur, son palmarès ou ses qualités intrin­sèques. Je dirais bien Marat Safin, mais… Vous savez quoi ? David Nalbandian me vient à l’esprit. Je trouve que c’est un incroyable joueur de tennis, même s’il n’a pas été très régu­lier tout au long de sa carrière. Il ne faut pas oublier Nikolay Davydenko, non plus. Et puis, en dernier, je pren­drais Roddick. Il est au top niveau depuis si long­temps ! Voilà les cinq meilleurs de la décennie, pour moi : Federer, Nadal, Djokovic, Hewitt et Roddick. 

Ca a été une grande décennie de tennis…

Absolument. Le niveau de jeu a été formi­dable. Et il l’est encore plus aujourd’hui. Je pense même que la prochaine décennie sera encore meilleure. C’est un phéno­mène normal, lié à la progres­sion du jeu. Pour ce qui est de cette décennie, elle a été marquée par l’énorme domi­na­tion de Federer, entre 2004 et 2008. Puis, Nadal est arrivé. Et, main­te­nant, c’est Djokovic. Je trouve que c’est bien d’avoir cette riva­lité. Ce qu’aiment vrai­ment les gens, c’est de voir les tout meilleurs joueurs s’affronter dans de grandes rencontres.

Vous qui jouez sur le circuit depuis 1998, vous avez vu des chan­ge­ments dans les surfaces, les styles de jeu, les habitudes ?

Oui, bien sûr. Beaucoup de choses ont changé. Les surfaces sont diffé­rentes, les balles aussi. D’ailleurs, les balles ont peut‐être plus évolué que les surfaces. Elles sont vrai­ment plus grosses qu’avant. La dimen­sion physique, égale­ment, qui est devenu beau­coup plus impor­tante. Je me rappelle, en 1998 et 1999, lorsque je suis arrivé sur le circuit, une ving­taine de joueurs seule­ment voya­geaient avec leur prépa­ra­teur physique et leur kiné. Aujourd’hui, on dispose tous d’une telle équipe. Absolument chaque joueur. Le physique est vrai­ment devenu primor­dial. Mais, pour moi, la chose qui a le plus changé – et c’est la plus impres­sion­nante –, c’est la régu­la­rité des tops players, comme Federer et Nadal. Ils ne perdent quasi­ment pas de matches face à des gars en‐dessous de leur clas­se­ment. Je suis sûr que ça se ressent au niveau des points et qu’il est plus dur d’être top 10 aujourd’hui qu’avant. Ca s’explique par la constance des meilleurs qui mono­po­lisent les points et les titres. Un gars qui n’est pas dans le top 5 aura beau­coup de mal, aujourd’hui, à gagner un grand titre. C’est pour ça que je suis très fier d’avoir réussi à gagner à Indian Wells, un Master 1000, l’année dernière ! Pour gagner un tournoi de cette enver­gure, il faut battre consé­cu­ti­ve­ment trois ou quatre tops players. Autant vous dire que c’est plutôt diffi­cile ! (Rires)

Le livre « Grand Chelem, mon amour » est dispo­nible. Retrouvez les 40 matches de légendes de la décennie 2001–2011. Un livre de la rédac­tion de GrandChelem/Welovetennis.