Il y a des évènements qui peuvent être interprétés comme de petits détails sans importance. Pourtant, si l’on veut bien les décrypter avec justesse, ils peuvent devenir des révélateurs. Mieux, nous permettre de nous projeter, de comprendre ce que l’avenir nous réserve.
A ce sujet, je pense, que les échanges de Roger Federer avec l’arbitre de chaise, puis le juge arbitre, suite à l’incident de sa demande non justifiée du Hawk‐Eye face à son compatriote Stanislas Wawrinka, en huitièmes de finale d’Indian Wells, sont de cette nature.
Avant de théoriser, il me semble utile de faire un rappel des évènements. Roger Federer vient de perdre le second set alors qu’il servait pour le gain du match. Sur sa remise en jeu, au début de l’ultime manche, le voilà confronté à trois balles de break suite au refus de lui accorder ce challenge sur un de ses propres services qu’il jugeait faute (voir vidéo). Selon l’arbitre, il n’aurait pas dû frapper un coup supplémentaire après ce service. C’est à dire une demi‐volée qu’il a vraiment jouée, mais qui est restée dans le filet à son grand désespoir.
Et ce qui devient intéressant dans la séquence vidéo, c’est l’attitude du Suisse. Sa moue, son air incrédule. Cette façon de ne pas comprendre qu’on puisse lui refuser sa demande. Excédé et, malgré tout, à la limite de pousser le bouchon plus loin, fatigué par le combat que lui propose son compatriote, Roger est tout près d’éclater ou de monter le son.
C’est là que je veux en venir. Je crains qu’un jour, usé, désabusé, le Suisse fasse non pas le match de trop, mais le geste de trop. Car si Roger symbolise la classe à l’état brut, cette image et cette attitude ont été construites, elles ne sont pas innées. C’est lorsque l’on est acculé, mais aussi fatigué, que notre profond intérieur resurgit. En quelques mots, notre instinct animal revient d’actualité, accompagné fort logiquement d’une certaine cruauté. Dans ce registre, Federer est un sanguin et, quoi qu’on dise, complètement accroc à sa position : son statut de meilleur joueur de tous les temps.
Ce qui me gêne vraiment dans l’incident avec Stan, c’est qu’il y a malgré tout la volonté de tricher. Là où cet incident aurait été monté en épingle s’il avait question de Tomas Berdych, par exemple, il n’a fait aucune ligne dans les médias. On ne touche pas au Roi Federer.
Alors, pour faire court… Je crains – et vous l’avez compris – que Roger Federer, plutôt las du circuit et des matches quelques fois sans enjeux, puisse, par péché d’orgueil, penser qu’il peut changer les règles. Se penser au‐dessus. Et se laisser envahir par un égo légitimement prégnant, au détriment du respect de l’adversaire et du jeu, au détriment d’une forme de cohérence personnelle qu’il s’est bâtie au fur‐et‑à mesure des années. On le sait, l’orgueil du Suisse est aussi puissant que la rage de vaincre de Rafael Nadal quand celui‐ci est mené trois jeux à un par Del Potro dans la seconde manche de la finale d’Indian Wells.
Mon propos n’est pas une charge contre le Suisse, mais plus une mise ne garde. Attention à la paranoïa due à sa toute puissance, attention au pétage de plombs, attention à l’issue coup de boule d’un certain jour de juillet 2006, pour cet homme aux 17 titres du Grand Chelem.
Et, dans ces cas‐là, on peut en un seul geste effacer le travail de toute une carrière. D’autres, avant lui, ont commis cette erreur, ils s’en mordent encore les doigts.
NDRL : la séquence débute dont il est question dans ce texte du Blog de la Rédaction est à 2:25.
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Publié le lundi 18 mars 2013 à 20:46