Roger Federer s’est longuement confié à la presse suite à sa victoire à Bercy. Le Suisse raconte son match, parle de l’importance de ce titre ainsi que de sa relation si particulière avec le public français. Enfin, il évoque avec envie le Masters de Londres. Interview.
LA PREMIÈRE VICTOIRE A BERCY
Vous avez peut‐être une liste de choses à faire dans votre carrière. Vous pouvez maintenant rayer la mention « Gagner Bercy’ de votre liste.
Je n’ai pas vraiment de liste, ce n’est pas comme ça qu’on fait. En tout cas, j’ai eu plus de succès que je n’ai jamais pu rêver. Je sais que, dans le tennis, rien n’est impossible, mais je ne considère pas les choses comme une liste à remplir. Je trouve que j’ai très bien joué cette semaine du début jusqu’à la fin et j’ai réussi à aller jusqu’au bout ici. Je ne pourrais pas être plus heureux. J’ai fait de nombreuses tentatives de gagner ce tournoi à Paris Bercy, et pour un certain nombre de raisons, je n’ai pas pu réaliser ce rêve jusqu’à présent. C’est donc fantastique. C’est une victoire qui signifie beaucoup pour moi.
Vous avez obtenu de nombreux trophées dans votre carrière. Qu’est‐ce que celui‐là représente ?
Je ne sais pas encore… On en reparlera l’année prochaine quand je reviendrai. Mais je peux vous dire une chose : il est très lourd. J’ai failli avoir un claquage au biceps. J’en ai eu un ou deux dans ma carrière. A Gstaad, j’en ai eu un tellement lourd que je pouvais à peine le soulever, on aurait dit un rocher. C’est de l’acier, alors vous imaginez la force que j’aie ! (Rires.)
On vous a senti assez ému une fois la balle de match jouée. A quoi avez‐vous pensé à ce moment ?
C’est incroyable de gagner à Bercy pour la première fois. J’ai tellement espéré le faire un jour depuis presque dix ans. J’étais déjà tellement content après ce superbe match contre Berdych que j’avais presque oublié que je n’avais pas encore gagné le titre. En me réveillant, ce matin, j’étais très nerveux, crispé et avec un peu le rhume, cela n’a pas aidé. Je me suis senti presque pas bien. Je me suis souvent senti très crispé avant des finales. Pour finir, c’est là où je joue le mieux. J’ai espéré que ce serait un de ces jours. Après la balle de match, il y a un énorme relâchement et de la pression qui part. Il y a un feeling super et aussi une fierté. Et le public, pour finir, a été sympa toute la semaine avec moi et toutes ces années. C’est quelque chose qui est difficile à expliquer.
Cette crispation, c’est un signe de vigilance ?
Oui, c’est un peu de tout. C’est : excité d’être en finale, le respect pour Jo, le respect du public, le respect de la situation, de vouloir bien faire. Tous ceux qui font quelque chose devant un public en live connaissent cette peur de passer complètement à côté. C’est tout cela un peu ensemble. J’ai quand même beaucoup joué récemment. Mentalement, c’est difficile jour après jour de faire la même chose. Se lever… Parfois on ne se sent pas aussi bien, c’était un de ces jours‐là.
SA VICTOIRE CONTRE TSONGA
Vous êtes arrivé en moins de 15 minutes à mener 4⁄0. Pensez‐vous que ça a complètement démoralisé Jo ?
C’était quatre jeux très importants pour moi parce que, dès le premier jeu, il a eu une balle de break et je me suis rendu compte de toute l’énergie qu’il avait et qu’il servait très bien. Il jouait de manière très agressive et ça m’a un peu inquiété. Je me suis dit : « C’est le Jo que je ne voulais pas rencontrer ». Et puis je sauve ma balle de break et je renverse la situation. Je le breake dans la foulée. Ce sont ces deux jeux qui ont fait la différence pour le match entier. C’est fou à dire mais ça m’a vraiment mis en confiance pour la suite du match. Après ça, j’ai réussi à garder ma vitesse de croisière pour conclure le set 6⁄1. Ensuite, Jo était dos au mur. J’ai réussi à le mettre sous pression et à jouer plus agressif. Au milieu du deuxième set, j’ai beaucoup moins bien servi. J’ai gardé le meilleur pour la fin. J’ai joué un très bon tie‐break et j’ai réussi à m’imposer.
Qu’est‐ce qui manque encore à Jo, à votre avis, pour franchir un cap et venir titiller le top 5 ?
Pas grand chose. Il est à ce niveau pour moi. Entre 5 et 15, même 20, c’est très similaire, sans manquer de respect à ceux qui sont entre 5 et 10. C’est très serré. Beaucoup sont entre 4 et 8. Je pense qu’ils profitent d’être dans les 8 avec les tirages au sort. Je pense qu’il est possible que cela reste pareil l’année prochaine. Une fois dans cette position, on fait un grand tournoi et tu es dans les 5. Aujourd’hui, peut‐être, il a raté d’un côté une occasion mais en même temps, c’est un pas en avant de refaire une finale ici. Après, il peut faire plein d’autres choses l’année prochaine. Il a largement le talent pour le top 5. Ce n’est pas le problème.
LE PUBLIC FRANCAIS
En général, ce public n’aime pas trop les joueurs qui ne sont pas français. Comment expliquez‐vous qu’ils vous apprécient autant ?
Moi aussi, j’ai eu quelques expériences difficiles. On m’a sifflé quand j’ai perdu contre Tim Henman. Parfois, il faut traverser des moments difficiles avant de voir la lumière au bout du tunnel. C’est un peu comme traverser la tempête. J’ai dû faire ça aussi dans ma carrière. Même au sommet, il y a des difficultés. Ce n’est pas facile. En fait, je n’ai jamais changé en tant que personne et j’ai toujours montré beaucoup de fair‐play. J’ai joué assez bien. C’est comme ça que j’ai peut‐être séduit un certain nombre de Français. Je crois que dans le monde, c’est en France qu’il y a le plus de licenciés en tennis. Ils connaissent bien ce sport. Et aussi, ça fait longtemps que je suis sur le circuit, j’ai donc eu la possibilité de me présenter au public français et c’est peut‐être pour ça que j’ai des supporters ici et j’en suis très reconnaissant.
SA FORME ACTUELLE
À quoi attribuez‐vous la forme que vous avez eue ces deux dernières semaines ? Est‐ce dû aux six semaines de repos après la Coupe Davis ?
Je pense que c’était effectivement un bon programme. C’était prévu depuis longtemps. Même si j’avais perdu plus tôt à Bâle, je crois que, de toute façon, ça aurait été quand même la bonne décision pour préparer le Masters. En tant que sportif et en tant que personne, il faut à la fois des objectifs à court terme et à long terme. Moi, j’ai les deux. Il y a certaines choses sur lesquelles il faut faire l’impasse. D’une certaine manière, j’espère pouvoir apprendre aux nouveaux joueurs cette nécessité qu’il y a de s’éloigner un peu du jeu de temps en temps, parce que je sais combien c’est difficile sur le circuit. Finalement, tout a bien marché pour et je vais arriver à Londres en grande confiance. J’espère que je ne vais pas me sentir trop mal pendant les deux prochains jours parce que je sens que je suis un peu enrhumé, rien de grave. J’espère revenir à Londres en bonne forme.
Les gens disent que vous jouez peut‐être votre meilleur tennis en cette fin d’année. Vous confirmez ?
En fait, ça fait quelques mois que je joue bien. Je n’ai pas gagné l’US Open, il m’a manqué un point pour arriver en finale. Je trouve que j’ai eu de bons moments où j’ai très bien joué comme à Wimbledon ou Roland Garros. J’ai aussi eu des défaites très dures cette année. Mais j’ai continué à penser que l’année n’était pas terminée et que je pourrais terminer au sommet. C’est le cas. Et puis dans une semaine, il y a un moment très important qui arrive.
LE MASTERS
Vous avez fait allusion à votre confiance en allant à Londres. Pouvez‐vous nous dire comment vous envisagez ce Masters ?
Je me sens bien. Le tirage au sort va déjà être intéressant… Je pense que les deux groupes permettront à chacun d’avoir l’opportunité de gagner le tournoi un peu différemment que d’autres années où il y avait un ou deux favoris et le reste n’était que des surprises. Cette année, c’est beaucoup plus équilibré. Ces deux groupes sont de niveau égal. J’attends avec impatience ce tournoi. Il va falloir que je m’habitue à un court qui rebondira probablement mieux. La sensation de jeu va être un peu différente. Je vais d’abord aller en Suisse et ensuite prendre l’avion jusqu’à Londres. J’espère être parfaitement au point dès lundi.
Cette victoire, c’est le titre plus important depuis un an, depuis ta victoire en Masters. Cette année, tu es redescendu n°4 mondial et tu n’as pas gagné de Grand Chelem. Cette victoire, est‐ce une réponse à ceux qui avaient un doute sur toi ?
Je m’en fous honnêtement. Sérieusement. Je ne joue pas pour prouver aux journalistes, je joue pour moi, pour mes fans, pour l’équipe, pour la Suisse, pour faire plaisir. Après, si cela marche bien, super. Si cela ne marche pas bien, tu passes des moments un peu difficiles. Je ne peux pas avoir 10 ans de compliments. Pour moi, c’est quelque chose de complètement normal ou compréhensible de se faire parfois critiquer. En revanche, je ne comprends pas quand on regarde un truc qui est arrivé en 2 heures, tu oublies ce qu’il s’est passé 10 ans plus tard ou ce qui peut se passer les 5 prochains mois. Pour moi, je vois la grande image, quand je regarde le classement. C’est la difficulté. Honnêtement, il faut vraiment beaucoup aujourd’hui pour me perturber de mon plan, pour perdre la tête. Je suis toujours resté calme, je ne me suis vraiment jamais senti sous pression cette année parce que je crois que j’ai gagné plus que 60 matches d’affilée contre des joueurs en dehors du top 20. J’ai rarement perdu dans les tournois récemment. Pour moi, c’est une année solide avec des moments très difficiles car j’ai perdu des matches que je n’aurais jamais dû perdre. En perdant ceux‐là, j’ai perdu quelques occasions immenses pour faire d’autres trucs. C’est une année un peu comme cela. D’autres années, j’avais plus de chance. J’espère que je peux reproduire un beau tennis. Si j’arrive à faire comme cette semaine, tout est possible.
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Publié le dimanche 13 novembre 2011 à 20:21