Quelques extraits un peu poussés de l’entretien accordé par Lynette Federer au Matin, dont on vous parlait plus tôt – quand la presse suisse s’intéresse au sujet local, c’est très souvent intéressant. La maman de Roger aborde des sujets très variés, de son vécu de mère de champion, à l’image de son fils, en passant par la place de Mirka et celle de ses enfants, le tout, saupoudré d’anecdotes toujours délicieuses. On incite les fans de Federer à consulter le document originel et complet ici. A GrandChelem/Welovetennis, on accorde beaucoup d’importance au concept d’ »éducation », d’où il vient, de sa perception et de son importance dans la construction de ce qu’on affuble des termes hautement galvaudés « personnalité » et « identité ». La place d’une mère, dans ce processus, paraît assez primordiale, en fonction de son implication. D’ailleurs, on remarque que l’éducation, tant chez les Federer que chez les Nadal, est une chose loin d’être prise à la légère. La manière dont les parents vivent le succès de leur enfant, avec recul, mesure et sérénité, voilà, peut‐être, un paramètre décisif dans les victoires futures.
L’amour du jeu : « Roger aime infiniment ce jeu »
« Je n’ai jamais envisagé cela [que Roger devienne un si grand champion]. Quand il était tout petit, les gens nous disaient à quel point il était talentueux. Mais il était également doué pour le foot, pour le tennis de table, pour le squash. En fait, peu importe la balle qu’il avait dans les mains, il en faisait quelque chose de bien. Mais le talent seul ne mène pas au succès. Cela dépend de ce que tu en fais. Avec Roger, ce qui était incroyable c’est que tout en étant très ambitieux pour sa carrière, il restait un enfant qui aimait avant tout l’aspect ludique du sport. Bien sûr, les entraînements n’étaient pas toujours drôles. Mais en fin de journée, il réalisait toujours que son cœur, sa passion, était le jeu. Et lorsqu’il fut assez mature pour comprendre pourquoi il était nécessaire de travailler son don, cela est devenu un immense plaisir. Et je crois qu’il prouve cette passion chaque fois qu’il entre sur un court. S’il a accumulé tant de succès, c’est parce qu’il aime infiniment ce jeu. »
Le caractère : « Roger, je ne peux pas accepter de [ne pas te voir] donner le meilleur de toi »
« Quand j’avais roulé une heure depuis Bâle pour aller le voir jouer et qu’il réalisait un magnifique premier set, avant de changer complètement de comportement dans le second, où l’on avait alors l’impression qu’il n’en avait juste rien à faire, qu’il ne jouait pas. Et dans le troisième set, lorsqu’il réalisait qu’il devait gagner ce match car il était meilleur, c’était trop tard, il avait perdu. Sur le chemin du retour, je lui disais : « Roger, je suis désolée. Je travaille et je ne peux pas accepter de faire une heure de route pour venir à ces tournois et te voir te comporter ainsi, ne pas donner le meilleur de toi. Là, tu dis à ton adversaire : « Hey ! Je te demande de me battre, tu peux me battre. » Mon mari et moi avons continué de le lui répéter jusqu’à ce que le déclic se fasse. Jusqu’à ce qu’il comprenne que plus il serait calme sur le court, mieux il jouerait. C’est comme on doit répéter des centaines de fois à un enfant de se brosser les dents avant qu’il ne réalise lui‐même que c’est une bonne chose de le faire. »
L’image : « Personnellement, je ne vois pas Roger comme un modèle »
« En tant que parents, vous n’avez pas besoin de voir votre enfant sur scène, sur un court central, ou enfiler une blouse de médecin pour être fiers de lui. J’aurais été fière de Roger et heureuse qu’il soit jardinier ou qu’il fasse n’importe quel autre métier du moment qu’il se sente bien dans ce qu’il fait, qu’il soit confiant. Personnellement, je ne vois pas Roger comme un modèle. Il est mon fils et s’il vient à la maison demain, je peux toujours lui dire : « Assieds‐toi correctement. » Il va rire, mais je resterais sa mère jusqu’à ma mort, alors j’aurais toujours ce privilège… Mais j’avoue bien sûr que cela me touche de savoir qu’il se comporte bien, qu’on le prend en modèle. On reçoit de si belles lettres. Parfois, des gens écrivent : « Il m’a sauvé la vie. » Ou : « Grâce à vous, votre personnalité, j’ai recommencé à croire en moi. » L’influence qu’il a est incroyable. »
Le champion : « Ce qui m’importe, c’est qu’il soit heureux »
« Les gens le qualifient ainsi [meilleur joueur de tous les temps] depuis quelques années et j’imagine que cela durera encore un moment, mais pour moi, ce n’est pas important. Il a tellement accompli, tellement fait pour le tennis, alors je serais juste heureuse qu’il puisse jouer aussi longtemps qu’il le souhaite. Ce qui m’importe, c’est qu’il soit heureux, en santé, qu’il ait du plaisir à jouer et soit un bon père de famille. »
La place de Mirka : « Une grande part du succès de Roger revient aussi à Mirka »
« Mirka a un rôle très, très important. Essentiel. Mais ce n’est pas forcément évident pour elle. Pour revenir à ce que l’on disait, il est assurément plus simple pour moi de partager mon fils avec le reste du monde que pour elle, en tant qu’épouse. Reste qu’elle est toujours là pour le soutenir, le conseiller. Lorsque nous n’avions pas encore de manager, nous travaillions les deux ensemble, avec Roger et mon mari. Cela nous a rendus forts en tant qu’équipe. Puisqu’elle a elle‐même été joueuse professionnelle, elle connaissait les rouages du circuit et elle savait dans quelle direction aller. Une grande part du succès de Roger revient aussi à Mirka. »
Le livre « Grand Chelem, mon amour » est disponible. Retrouvez les 40 matches de légendes de la décennie 2001–2011. Un livre de la rédaction de GrandChelem/Welovetennis.
Publié le dimanche 18 décembre 2011 à 15:50