C’est le 17 février 2007 que Monica Seles a annoncé sa retraite définitive du circuit WTA . L’occasion pour GrandChelem de l’introniser sans tarder dans son Hall of Fame sur un critère simple : tout le tennis des années 2000, de Sharapova la mannequin hululante à Davenport la puncheuse tout azimut, de Marion Bartoli la bimanuelle montée sur ressort jusqu’à Novak Djokovic le premier vainqueur serbe d’un Grand Chelem, tous savent ce qu’ils doivent à Mademoiselle Seles.
C’est quoi une championne, se demande‐t‐on à chaque numéro de GrandChelem ? En pensant à Monica Seles, on croit apercevoir un début de piste. Une championne, c’est justement une trace, pas uniquement celle qu’on laisse derrière soi et qui disparaîtra dans quelques heures, mais celle qui donne envie de suivre. Qui a eu envie de sucer la roue de Monica Seles ? Qui a eu envie d’être Monica Seles ? La liste est longue et c’est bien sa longueur qui marquera l’importance de la joueuse à deux mains dans l’histoire du jeu.
Plus que toute autre, Steffi Graf a eu envie d’être Monica Seles, principalement quand pendant 3 ans, de 1991 à 1993, l’Allemande n’a plus trouvé les solutions contre l’Américaine, cette dernière décisive sur les gros matches comme sur ce fabuleux 3ème set à 10–8 à Roland Garros en 1992. Trois ans où Monica Seles va enquiller huit levées de Grand Chelem alors qu’elle n’a pas 20 ans, effaçant des tablettes Maureen Connoly, l’auteur du premier Grand Chelem en 1953, à la carrière prématurément brisée par une blessure. Monica va connaître le même épisode mais en plus funeste encore : l’agression en mai 1993 à Hambourg par Gunter Parche, un détraqué, fan de Graf, qui en lui plantant 10 centimètres de lame dans le dos, réussira son coup, remettant l’Allemande en scène pour toute la fin de sa carrière. Un malaise total et persistant que ni Graf, ni quelques autres joueuses ne réussiront à dissiper (voir Le cri d’horreur). A sa suite et après son retour en 1995, c’est au tour de Lindsay Davenport de mettre Monica Seles dans sa ligne de mire, d’abord pour lui subtiliser son statut de numéro 1 américaine. Il lui faudra deux ans et deux défaites serrées pour enfin prendre la mesure des missiles balistiques balancées par une Seles 2ème version un peu plus enveloppée et soumise à de grosses crises de boulimie depuis son traumatisme. Après 1998, Davenport ne perdra quasiment plus un match signant la statistique la plus impressionnante du circuit face à sa compatriote : 10 victoires à 3.
Avec 14 ans de différence d’âge, elles ne se seront par contre croisées qu’une seule fois – en 2002, victoire de Seles, 6–0 6–2 – et pourtant s’il est une joueuse qui doit encore tout à Monica Seles, c’est bien Maria Sharapova. Même histoire d’émigration des pays de l’Est aux Etats‐Unis, même passage chez le gourou Bollettieri, même début précoce et fracassant, mais surtout même propension à hurler ce cri strident sur chaque frappe du fond du court. A la grande époque, le « Henrrrrrrriiiii » lâché par Monica à Wimbledon, évalué à 80 décibels, avait attiré les foudres de Martina Navratilova et Nathalie Tauziat, gênées pour entendre l’impact de la balle. La polémique avait obligé Miss Grunts (Mademoiselle Grincements) à se taire l’espace d’une finale contre Graf qu’elle avait abandonné en deux sets secs, semblant pour le coup privé de son ressort vocal. Sharapova se souviendra surtout des leçons de mannequinat de Seles : son entrée très marketing les bras plein de roses face à Zina Garrison à Paris pour son premier tournoi du Grand Chelem en 1989, ses tenues de soirée toutes plus affriolantes et cette déclaration très tôt assumée : « Le tennis n’est pas tout dans ma vie, je me vois bien faire une carrière à Hollywood ». Maria mais aussi Serena et Venus retiendront parfaitement la leçon pour accrocher les sponsors.
Enfin, plus proche de nous, que serait Marion Bartoli sans Monica Seles ? Certainement pas une joueuse dans le top 10. Pas de jeu à deux mains, pas de position avancée dans le court sur le retour, pas de principe de prise de balle hyper précoce. Seles fut là encore une source d’inspiration sans égale pour la joueuse française. Mais c’est au coeur de son pays d’origine, la Serbie, qu’on pourra retrouver les traces de passage de la native de Novi Sad. Si la génération des Djokovic, Ivanovic et Jankovic peut aujourd’hui rêver en grand, c’est parce que Seles aura là aussi montré l’exemple en éclaireuse. Le lien entre Djokovic et cette dernière étant plus étroit encore par le fait d’avoir partagé le même entraîneur de jeunesse, la grande Jelena Gencic.
De tout cela il faudra se souvenir à l’heure où Monica nous a lancé son dernier cri : « Le tennis a toujours occupé et occupera toujours une majeure partie de mon existence. Je continuerai à jouer quelques exhibitions, à participer à des oeuvres de charité, à promouvoir mon sport ». Go, go, Monica and don’t look back !
Publié le jeudi 15 mai 2008 à 00:39