« Regarde cette mappemonde, le monde est gigantesque ! »
Quelle place pour les parents dans l’éducation du haut niveau ? C’est ce que nous sommes allés demander à Scott Silva, le papa de Jan Silva, ce petit prodige qui a rejoint l’académie de Patrick Mouratoglou à l’âge de 5 ans. L’occasion d’écouter un américain nous parler de la Belgique, de l’Allemagne, de la Finlande, et de la France. Beaucoup de la France. Attention interview spéciale mondialisation.
Est‐ce que vous avez lu le livre de Patrick Mouratoglou ?
Non, car il n’a pas encore été traduit mais je sais bien de quoi il parle. Il reprend toute la philosophie de Patrick sur la façon de devenir un champion, comment il faut croire en soi, qu’on soit tennisman ou pas.
Qu’est‐ce qui vous a séduit dans son projet d’Academy ?
C’est qu’il nous aurait été impossible de le faire sans la proposition de Patrick, impossible de monter un projet sportif tout en restant uni en tant que famille. En Amérique, on serait obligé de consacrer un temps énorme à la progression de nos enfants tout en prenant un job à plein temps pour pouvoir soutenir ce projet financièrement. On repasserait à la maison, on repartirait au club, on conduirait les enfants, on ne rentrerait pas avant 11 heures tous les soirs. Ce serait impossible. Ici nous avons tout sur place, les courts, les entraîneurs, un masseur. Ici on peut voir une blessure arriver. Ici on essaye d’envisager tous les obstacles qui peuvent se mettre en travers de sa route.
Vous venez des Etats‐Unis, vous vivez en France, apprendre une autre langue comme Jan, est‐ce que c’est important ?
Oui c’est très important de voyager et d’apprendre des langues. Imaginez que Jan devienne un tennisman professionnel et qu’il gagne…Roland-Garros, et au moment de s’adresser à tout le monde parle français. Ce sera quelque chose quand même ! Et je sais que les Français seront heureux d’avoir une part de cette victoire parce qu’il a été élevé ici. Nous avons une vision mondiale de ce sport et non une vision de super américain où il n’y aurait rien en dehors des Etats‐Unis. Regardez cette mappemonde derrière nous, le monde est gigantesque. Jan devra aller jouer partout en Belgique, en Allemagne, en Finlande parce que ce monde est gigantesque. Il aura une vision plus large qu’un gamin qui n’est resté qu’en Californie.
Mais est‐ce que finalement il ne va pas devenir un joueur français ?
(Eclats de rire)
(Rires) Parce que s’il gagne Roland, les Français vont dire qu’il est français. On sera très fier de sa victoire.
(Rires) Oui je sais. Je vais vous répondre. Il est mi finlandais, mi américain mais il y a un an, j’ai mis une vidéo de Jan sur Youtube qui s’intitulait : « Est‐il l’avenir du tennis américain ? ».
C’est vous qui avez écrit ça ?
Oui c’est moi qui l’ai écrit. Mais c’est une interrogation. Je n’ai pas écrit que mon fils était l’avenir du tennis américain, j’ai soulevé la question. Et l’autre jour j’ai reçu un mail qui me demandait : « Mais pourquoi il ne serait pas l’avenir du tennis finlandais ? ». Et derrière ça, puisqu’il s’entraîne en France on pourrait effectivement se demander pourquoi il n’est pas non plus l’avenir du tennis français. C’est très drôle. C’est sûr qu’il va développer beaucoup de choses très françaises, dans sa façon de vivre sa passion, et que si un jour il gagne Roland Garros, ce qui serait un vrai rêve pour moi, pourquoi ne prendrait‐il pas un drapeau français pour faire comme Gustavo Kuerten qui avait dessiné un coeur sur la terre battue. Juste pour dire « Merci la France. Si la France n’était pas là, tout ça n’aurait pas été possible ».
Vous mettiez un point d’interrogation sur cette vidéo de Youtube, quels sont les arguments rationnels qui peuvent laisser penser que votre fils sera un jour le numéro 1 ?
(Longue respiration) D’abord il est dans un environnement qu’il n’aurait pas eu aux Etats‐Unis. Tous les jours, il croise Marco Baghdatis, demi‐finaliste et finaliste en Grand Chelem. Cela montre à Jan ce qu’il peut devenir. Il a la possibilité de rêver et de voir ce que c’est de réussir en tant que tennisman. Deuxième chose, à 5 ans il a déjà impressionné beaucoup de gens. Partout où il est passé, partout il a eu des articles, en Australie, en Estonie, en Slovénie, de personnes qui disent ne jamais avoir vu ça. La dernière chose, c’est que Patrick croit en lui et fait ce qu’il faut faire avec lui pour qu’il grandisse en tant que joueur et en tant qu’être humain. Je l’ai déjà dit à Jan : « Tu n’es pas qu’un tennisman, tu es une personne humaine, et il y a plein de choses à découvrir dans la vie ». Il joue au basket, il joue au foot, il écoute de la musique, il ne fait pas que du tennis. Il est éduqué comme un enfant normal. Il se passe juste que Jan adore le tennis. Quand il était petit, il prenait la balle et allait jouer au mur pendant des heures, tout seul, de son propre fait. Voyant qu’il développait de lui‐même ce désir d’y arriver, j’estime qu’il a ici à l’Academy tout ce qu’il faut pour y arriver. Je crois qu’il peut être un vainqueur de Grand Chelem.
Est‐ce que vous rêvez pour Jan d’une carrière à la Tiger Woods, quelqu’un qui réinvente son sport ?
Je pense que si vous regardez leur trajectoire, c’est pour l’instant la même. Ils ont une vie très semblable. Ils viennent tous les deux d’un mariage mixte. Ils ont tous les deux un père afro‐américain, et ils sont tous les deux des prodiges qui font des choses anormales. Ils ont démarré tous les deux leur sport à un an, à peine après avoir fini d’apprendre à marcher. Ils ont tous les deux fait les grands médias américains à 5 ans et visiblement ça ne leur pose aucun problème. Pour des gamins de cet âge, vous avez toujours les parents qui sont la voix de l’enfant. Là ces deux enfants ont parlé de leur propre voix dès les premières émissions. Devant des millions de téléspectateurs, ils arrivent sans aucune pression. Jan débarque sur le plateau avec sa raquette et c’est comme s’il était à la maison. Même chose sur un court, vous lui mettez vingt personnes qui le regardent, il ne sera pas affecté par cette expérience, il va au contraire prendre du plaisir. Il est content, il sourit, il joue avec les gens assis dans les tribunes, il a cette capacité à interagir avec les gens qui peut lui permettre un jour d’amener encore plus de personnes à regarder du tennis. Sur une vision à long‐terme, Tiger a complètement transformé son sport. Tous ces gars qui arrivaient avec une préparation physique très limite sur le circuit, après Tiger Woods ça n’était plus possible. Il a apporté la dimension athlétique dans le golf. De notre côté, nous voulons apporter autre chose encore. Lors d’une émission, on a offert une quarantaine de jouets à Jan. Tous les jouets étaient pour lui. Nous lui avons demandé de choisir celui qui l’aimait le plus et nous avons offert tous les joueurs pour une association d’aide à l’enfance afin que des enfants qui n’ont rien reçoivent ces jouets pour Noël. Ca c’est le genre de choses que nous voulons apporter dans le tennis. Jan a le potentiel pour gagner des millions de dollars, des millions. L’important c’est qu’est‐ce qu’on fait de cet argent ? Nous, nous n’avons jamais eu d’argent et là je pense que si tout le monde travaille bien, nous en aurons pour vivre confortablement. Mais à la fin, ce n’est pas l’objectif. L’objectif c’est ce qu’on en fait.
Publié le jeudi 15 mai 2008 à 06:10