Warren, est‐ce que tu peux nous rappeler qui tu es ?
Je suis un ancien joueur professionnel arrivé juste avant l’ère Open en 1968. J’ai joué six ans sur le circuit mondial, j’ai été élevé en Australie pendant l’ère de Rod Laver, Fred Stolle, Lew Hoad. J’ai toujours adoré ce jeu et j’ai continué dans le tennis en tant qu’entraineur. J’ai arrêté très tôt ma carière parce qu’on ne pouvait pas en vivre mais par contre j’ai monté des clubs aux Etats‐Unis et je me suis occupé de plein de joueurs comme Kevin Curren, Steve Denton, Bill Scanlon, Kathy Jordan des joueurs que j’ai emmené de la base jusqu’au top 10. Mon plus gros regret est que Kevin Curren se soit arrêté au pied de la dernière marche de Wimbledon en 1985 face à Boris Becker, mais c’est la vie. Enfin mon plaisir c’est que quand je suis devenu le capitaine de l’équipe anglaise de Coupe Davis et le DTN du tennis anglais, j’ai aidé à la formation de joueurs comme Jeremy Bates, Andrew Castle, Tim Henman. Tim, je l’ai emmené en Australie quand il avait 15 ans.
Hier on trainait au tournoi junior de Beaulieu, sur une terre battue où on n’a pas vu une volée de la journée. Qu’est‐ce que tu en penses ?
C’est très frustrant. On a envie de voir des joueurs qui pourraient démontrer qu’on peut encore jouer ce tennis‐ là sur toutes les surfaces, et je suis un peu déçu par les entraineurs aujourd’hui qui appuient trop sur l’importance du lift, du jeu du fond du court, du gros coup droit avec prise western. C’est un tennis très performant mais quand leurs joueurs doivent sortir un revers slicé ou une volée, vues les prises qu’ils ont, ça devient très difficile.
Oui, il y a également cette dictature du revers à deux mains qui impliquent toute une façon de jouer derrière, y compris dans l’approche du filet.
Oui c’est un truc assez incroyable car pour moi qui vient de cette génération de grands attaquants australiens, voir aussi peu de joueurs avec un revers à une main ça me paraît être un handicap, principalement face à un adversaire un peu malin. Parce que dès que vous avez à jouer un coup un peu technique, en toucher, ça devient problématique. Pour moi, la responsabilité vient des coaches. Ils appellent ça le tennis moderne, moi je trouve qu’on a plutôt reculé. Je viens d’un temps où savoir jouer sur terre, sur herbe, sur dur, c’était normal. Il faut revenir à une formation technique qui permette de jouer sur toutes les surfaces. Je continue de penser qu’il est possible de gagner en faisant service volée partout, y compris la terre.
Mais sorti de Rafter ou de Henman en demi à Paris, ou de McEnroe et Noah en finale mais qui ne montaient pas sur les deux balles, est‐ce qu’on peut gagner sur terre en faisant service volée ?
Oui, je pense que c’est possible mais il faut être intelligent, avoir un bon toucher et savoir négocier le jeu intermédiaire, en approche du filet. Il est là le problème. Il y a des très grands joueurs de fond qui n’osent pas venir au filet parce qu’ils négocient mal cette zone de terrain intermédiaire où il faut choisir d’avancer ou de reculer. Et puis il y a la question du toucher. Je viens d’un monde où on sait ce que veut dire un toucher de balle ou jouer avec la main. Or on est dans un tennis où la raquette fait beaucoup de choses. Mais je crois dur comme fer qu’on peut prolonger un tennis qui rentre dans la tradition des grands champions sachant tout faire avec la main.
Et après tout, les gens devraient se rappeler que les deux numéros 1 sont Federer et Henin, des joueurs qui savent tout faire comme leurs ainés. Pourquoi les entraineurs et les joueurs n’essayent pas d’imiter les vrais champions ?
Oui c’est un vrai mystère pour moi. Pete Sampras était dans le même canevas, Rod Laver, mon vieil ami, Ken Rosewall
Lew Hoad ?
Oui bien sûr Lew Hoad
Mon idole !
C’est la mienne aussi. Et c’est une honte en considération de ces grands champions que les joueurs actuels ne soient pas capables de présenter un tennis tout terrain. D’autant qu’ils prendraient un grand plaisir à s’amuser un peu plus avec la balle.
C’est quand même plus agréable de faire des volées, non ?
Oui mais, je pense qu’il y a un problème qui vient des organisateurs, c’est qu’ils veulent plus de rallyes du fond du court plutôt que du chip and charge et des amortis. Cette variation est la définition du tennis. Quand vous pensez que sur les cent premiers joueurs, soixante‐dix à quatre‐vingt ne viennent pas au filet, et pourtant ne nous trompons pas, ce sont des grands joueurs, mais le jeu manque de cette variété.
Publié le jeudi 15 mai 2008 à 04:50