Après Stefan, c’est au tour de Borg de nous dresser son bilan, une partie de cet entretien a été publiée dans le numéro de Grand Chelem qui sort ce mercredi, tout le reste c’est cadeau made in GrandChelem/Welovetennis.
A la fin 2007, vous aviez prédit que Rafael Nadal gagnerait à Wimbledon en 2008, quels sont les arguments tennistiques qui vous faisaient penser ça ?
Parce que j’étais là, l’an dernier à cette finale. J’étais dans le stade et j’ai vu que Rafael avait été à deux doigts de gagner le match. Il a été assez malheureux, a manqué un peu de chance dans le 5ème set, et Federer est revenu en jouant très bien les points importants. Mais j’ai surtout croisé Nadal après le match et j’ai vu qu’il était très déçu, et qu’il pensait vraiment qu’il avait eu une grosse chance de gagner ce match. Mais pour moi, de la façon dont il jouait, s’il continuait à faire progresser son jeu sur herbe, il pouvait gagner Wimbledon un an plus tard, et finalement c’est ce qui s’est passé. C’est un joueur différent, il est plus agressif, il sert mieux, il rentre mieux dans le terrain que l’an dernier.
Est‐ce que vous êtes allés le voir après le match pour le féliciter en tant que premier fan ? (Sourires)
Non (Sourires). Vous savez, à chaque fois je vois Nadal et Federer jouer l’un contre l’autre, c’est une grosse pression pour moi. Je veux dire que pour toute personne qui aime le tennis, qui aime un peu ce jeu, voir Nadal contre Federer c’est un spectacle fantastique, et particulièrement cette année où ils ont sorti une finale incroyable.
Est‐ce que comme John McEnroe, vous pensez que c’est la plus grande finale que vous ayez vu ?
Oui, c’est la plus grande finale que j’ai vu dans ma vie. Sans aucun doute. Je ne pense pas qu’on reverra un match de ce niveau avant au moins cinq ans ou même jamais. Mais vous savez tous les records sont faits pour être battus.
… par Roger Federer ?
J’aime beaucoup Roger. C’est un gars bien, il est très professionnel, il a les pieds sur terre, il formidable pour le jeu. Il a déjà gagné 13 grands chelems mais je pense qu’il va encore gagner beaucoup de grands chelems dans les prochaines années. Je pense que c’est probablement le meilleur joueur que le tennis ait vu.
Qu’est-ce que vous pensez de son attitude en finale à Roland Garros ? Est‐ce que vous pensez qu’il peut encore gagner à Paris ?
Oui, je pense qu’il peut encore gagner à Paris. Pour moi il a encore trois ans pour gagner Roland Garros. Et je pense que l’année prochaine, il aura une grosse chance parce qu’il va jouer son jeu. Jusqu’à présent, il a essayé plein de choses contre Nadal mais il n’a jamais vraiment joué son jeu. Il a fait des choses qu’il ne devrait pas faire. Il a fait un très mauvais match cette année à Paris. Il manquait de confiance et il a tenté des choses qui ne marchaient pas. Maintenant sur terre battue Nadal est vraiment très fort sur la distance de 5 sets.
Est‐ce que c’est la même chose de faire le doublé Roland‐Wimbledon dans les années 80 et dans les années 2000 ?
D’abord je dois dire que je suis très content que quelqu’un ait fait ce doublé. C’est un doublé très dur parce que ce sont deux surfaces qui demandent des qualités différentes. Nadal s’est formidablement adapté à ce changement. Il a été le meilleur joueur cette année, il finit logiquement numéro 1 après avoir attendu pendant trois ans dans l’ombre de Roger. Mais je pense que la saison 2009 va être très intéressante et que Roger va revenir au sommet.
Mais est‐ce que ce n’est pas un peu différent de faire ce doublé sans signer un service‐volée en deux quinzaines ?
(Sourire) Ecoutez, c’est vrai que Wimbledon est plus lent avec une herbe plus haute. Le rebond est meilleur mais plus lent. (Silence) C’est un jeu un très différent, mais ça ne changera rien au fait que Roland Garros et Wimbledon restent deux surfaces différentes avec deux jeux différents. Il faut énormément travailler pour s’adapter de l’un à l’autre et Nadal a beaucoup travaillé. De toute façon à l’avenir, tant qu’il y aura des Nadal‐Federer, je ne raterai aucun de leur match.
Comment vous sentez Roger Federer surtout après qu’il ait remporté un nouveau grand chelem ?
Moi j’avais prédit qu’il allait gagner l’US Open. Il a joué son meilleur tennis pendant cette quinzaine. En 2009, je le vois redevenir numéro 1 avec au moins un Grand Chelem. J’en donne aussi un à Nadal et un à Djokovic. Mais Roger redeviendra le premier.
Et les outsiders ?
Murray. Gasquet. Beaucoup de jeunes joueurs sont en mesure de gagner un grand chelem. Tsonga a crée une belle surprise l’an dernier en Australie. Je crois qu’on aura encore une surprise en Australie au début de l’année.
Justement en parlant du tennis français, est‐ce que vous accepteriez de coacher Gasquet ou Monfils ? Ou au moins de leur donner des conseils ?
(Rires) Non, je n’ai pas de conseils à leur donner. Ils sont jeunes mais ils commencent à comprendre ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Gasquet a du talent. Il est plus mature, plus expérimenté. Il peut jouer top 10. Mais lui et Monfils ont des coachs pour ça, et s’ils suivent bien leur conseil, ils devraient y arriver. Maintenant, je suis de beaucoup plus près les joueurs suédois.
Alors justement quel est le problème en Suède ? C’est la fédération ? Les structures ?
On a sorti des très grands joueurs dans le passé. Je suis passé en premier et derrière il y a eu Wilander, Edberg, de très grands joueurs. Mais ces dernières années, on avait une organisation déficiente. On est en train de la changer en mettant des anciens joueurs à la direction de notre organisation, et je vous dis que dans les 5 ans, la Suède va sortir de très grands noms.
Est‐ce que vous suivez le tennis féminin et qu’en pensez‐vous ?
Serena est redevenu la top joueuse qu’elle était et je crois beaucoup en les sœurs Williams. J’espère également que Maria Sharapova va être épargnée par les blessures. Mais vous voulez mes prédictions pour Wimbledon ?
Bien entendu !
(Sourires) Je pense justement que le tennis féminin est imprédictible. Il y a au moins 8 joueuses qui peuvent gagner un grand chelem et ça rend ce tennis très excitant. Y compris pour savoir qui sera numéro 1 mondiale. Mais je crois en les Williams.
Pour finir, quelle est le mot ou l’expression française la plus difficile à prononcer ?
Je t’aime (Rires)
Puis Björn signe notre une sur le duel Nadal‐Federer avec le texte suivant « Je vous aime tous les deux. Vous êtes les meilleurs joueurs du monde ». Signé Björn Borg
Publié le vendredi 5 décembre 2008 à 16:57