Déterminé, féroce, guerrier d’un côté. Serviable, poli et timide de l’autre. C’est le portrait de Rafael Nadal, réalisé par Christian Despont et dont nous vous proposons quelques extraits.
Docteur Rafa : Sa gueule de vainqueur plaît aux Américains, et facilite la lecture manichéenne, idéale, du bon polar sportif, où il y a toujours un gentil et un méchant. Le décorum entretient une haine factice – Nadal avec le regard noir, Nadal avec Don King, magnat de la boxe – sur le toit des taxis, les murs des buildings, les écrans de télévision.
Peu de sportifs auront véhiculé une image aussi fausse, aussi éloignée de leur personnalité…
Mister Nadal : Dans « la vraie vie », à peine revenu de ses conquêtes éperdues, Rafael Nadal est un garçon discret et taiseux qui, face à l’éloge bon marché, adopte des postures de résistant. En dehors, les Nadal retrouvent leur petit garçon (souvent chez le marchand de glaces du coin, parfois sans garde du corps). Entre deux tournois, « Rafa » revient machinalement vers les pontons de son enfance buissonnière, à Manacor, Majorque, village de pêcheurs et bastion d’une classe moyenne prospère. Manacor où le tennis est une idée intéressante, où « les vieux de la place vont à la mairie, les veilles de grandes finales, pour demander quelle chaîne montrera le gamin de Sebastian », rapporte une consœur espagnole.
Les Valeurs : Le numéro un mondial glisse encore des « thank you » aux ramasseurs de balles qui lui apportent une serviette‐éponge, et salue timidement tous les portiers et chauffeurs du stade.
Son oncle Toni perpétue un enseignement familial du bon sens commun et de la relation de cause à effet. « Depuis que Rafa est petit, nous avons toujours fonctionné de cette façon. Il sait que, dans la parabole des talents, un joueur comme Richard Gasquet arrive à 7 et lui à 5. Pour devancer Gasquet, Rafa doit travailler plus que lui. »
L’anecdote : Tout le vestiaire raconte encore son bizutage. Rafa a 7 ans, son adversaire 12. Premiers interclubs, premiers émois de compétiteur. Toni, tonton magique, réconforte : « Ne t’inquiète pas. Si ça tourne mal, je provoque une averse et ils arrêtent le match ». Le petit bonhomme est rapidement mené 3–0. Déjà hors norme, il marque les deux jeux suivants lorsque, soudain, des gouttes d’eau lui picotent le visage. Contrarié, Rafa marche vers son oncle, secoue discrètement la tête, et chuchote : « Tu peux arrêter la pluie. Je crois que je vais le battre, ce gars‐là. »
Publié le samedi 30 août 2008 à 12:12