John McEnroe, actuellement à Paris pour participer au tournoi des légendes, a fait une apparition très intéressante en conférence de presse. Il revient sur le match de Tsonga, le possible Grand Chelem de Djokovic, la puissance de Nadal et l’attitude de Federer. Des joueurs qui sont dans une époque totalement différente de celle qui l’a connue.
On a vu Djokovic sauver beaucoup de balles de match, que ce soit ici (quatre, contre Tsonga, ndlr) ou à l’US Open (deux, contre Federer, ndlr). Quelle était votre approche dans les grands matches ?
Je ne faisais pas les choses aussi bien que lui. Quand on a une balle de match contre soi, c’est plutôt dur, pour dire les choses gentiment. Il faut être en mesure de jouer comme il l’a fait dans le match contre Tsonga, de jouer des balles aussi fortes… C’était le match où Tsonga a le mieux joué. Il avait très, très mal commencé. Quand il est arrivé à cette balle de match (la première), Novak a touché la ligne deux fois. Puis, il a fait une volée, ce qui est assez extraordinaire quand on considère qu’il ne monte pas très souvent au filet. Le passing‐shot n’était pas mauvais du tout de la part de Tsonga. Il y a trois balles qu’il aurait pu sortir du court. Et puis, le coup droit contre Federer à l’US Open… Il était exaspéré. La foule était derrière Roger. Il a sorti ce coup comme si c’était : « c’est cela ou rien ». Il était sur la défensive. On peut dire la même chose sur les premières des balles de match ici. Quand vous réussissez à sortir des points comme cela, que vous réussissez à jouer des matches comme cela, vous réussissez à inscrire votre nom dans l’histoire. On parlera de lui comme de l’un des plus grands joueurs à avoir existé. Je respecte les capacités d’un type comme Novak qui réussit à trouver un moyen de s’en sortir, à trouver les moyens de sortir des coups comme celui‐là. Cela ne se produit que dans de grosses occasions, dans de gros tournois comme celui‐là, quand on voit de si grands joueurs, qui sont aussi bons, qui réussissent à sortir des coups aussi merveilleux. Évidemment, je suis très triste pour Jo. Il a mis sa serviette sur sa tête ; cela m’a rappelé ce qui m’est arrivé en certaines occasions. La vie est belle, ma vie est belle, mais il y a des moments que l’on ne réussit pas à oublier. Il ne réussira pas à l’oublier, j’en suis sûr.
Si Djokovic gagne deux matches ici, comment le qualifieriez‐vous ? Que dites‐vous à ceux qui disent ce n’est pas un vrai Grand Chelem parce que ce n’est pas sur une même année calendaire ? Quel est l’exploit de réaliser cela à une époque où on a des Nadal et des Federer ?
Pour moi, c’est déjà un exploit extraordinaire. C’est quelque chose de très, très dur. Maintenant, c’est vrai que l’entraînement et la diététique sont beaucoup plus rigoureux qu’à mon époque. Du coup, les joueurs ont beaucoup amélioré leur jeu. Cela étant, il est de plus en plus difficile de remporter ces matches à ce niveau du tournoi au meilleur des 5 sets. Et ce, même s’ils sont en parfaite forme physique et mentale parce que ce sont des athlètes qui sont en bien meilleure forme que tous les athlètes que j’ai jamais vus. Des gars comme Rod Laver étaient en super forme à mon époque, bien entendu. Aujourd’hui, si ce type est capable de gagner quatre Grand Chelem d’affilée, je trouve cela génial. Même si ce n’est pas un Grand Chelem officiellement, cela donne un statut. Si j’avais eu ces quatre titres d’affilée, j’en serais extrêmement fier et je les afficherais dans ma maison pour le restant de ma vie. Alors, oui, ce n’est pas sur une année calendaire, mais moi, cela me suffirait !
Raonic pour inquiéter le Top 3 ?
Que trouvez‐vous de plus extraordinaire chez Nadal ?
Oh, mon Dieu ! Quand je regarde ce joueur, que j’ai vu des milliers de fois, je n’arrive même pas à pouvoir choisir une chose. Il a amélioré son jeu, son service, il monte à la volée, il a également une capacité de défense extraordinaire. Il court sur toutes les balles. Il réussit à glisser sur la balle, à trouver un moyen de la jouer. Il sort des coups qui ont l’air d’être impossibles, en tout cas pour moi quand je jouais. C’étaient des balles qu’on n’aurait jamais jouées, il y a dix ans. Ce sont des choses dont on n’aurait jamais parlé, auxquelles on n’aurait jamais rêvé. Cela doit être décourageant de jouer Nadal sur terre battue. Quand Borg jouait, à mon époque, il était plus en forme, plus affûté que tout le monde. Il n’y avait pas moyen de passer une balle sur ce type. C’est la même chose quand on joue contre Nadal. Être capable de battre ce type… On se rend compte combien Soderling jouait bien. C’est vraiment dommage qu’il ne soit pas là, cette année. Le résultat qu’il a réussi contre Rafa, c’est extraordinaire. C’est comme Panetta, qui a réussi à battre Borg. Soderling est bien accompagné, parce que ce type‐là ne lâche rien. J’ai vu Nadal quatre ou cinq heures avant un match. Il est là, dans les vestiaires, il se prépare, c’est incroyable. Lui, il fait absolument tout. Il est très professionnel, il est extrêmement bien préparé. Je n’aurais jamais fait cela. Battre ce type va être sacrément difficile.
On dit que Roger ne montre pas beaucoup ses émotions sur un court. Vous, vous les montriez beaucoup ?
Eh bien, l’une des rares fois où on l’a vu montrer des émotions, c’était à la fin du second set, dans le tie‐break (contre Del Potro, ndlr). Je ne sais pas si c’était une coïncidence, mais si j’étais son coach, je lui dirais : « Tu as vu ce qui s’est passé après ? Tu as gagné 3 sets d’affilée, et facilement. » Il sait bien gérer ce qu’il doit faire. S’il commençait à montrer des émotions, on ne peut pas se dire que cela le rendrait meilleur joueur. Il a progressé comme cela, il est à l’aise comme cela. Il n’y a aucune raison de penser qu’il va modifier quoi que ce soit. Il a réussi à avoir le public derrière lui. Par contre, je me demande pourquoi des gars, que ce soit Tim Henman ou d’autres, ne montraient pas leurs émotions. Jo‐Wilfried, cette année, a permis au public de l’aider. Et cela a aidé le public, réciproquement.
On a parlé de l’évolution du tennis. Mais qu’en est‐il de l’évolution du coaching ? Et voyez‐vous des joueurs qui seraient capables de resserrer l’écart avec Djokovic, Nadal et Federer ?
C’est difficile. Jo‐Wilfried a vraiment fait de gros progrès. Murray a essayé tout ce qu’il pouvait. Raonic aurait pu être cette personne, selon moi. Il va falloir qu’il modifie son jeu. Il est beaucoup trop derrière la ligne de fond de court, selon moi. S’il veut effrayer les meilleurs joueurs, il va falloir qu’il rentre plus dans le court et qu’il commence à attaquer davantage, sinon il se soumet à la loi des meilleurs joueurs. Pour ce qui est du coaching, pendant que je commente à la télé, j’observe et je me dis : « Il faudrait que le coach secoue un peu ses joueurs ». Pour Gasquet, par exemple, je me suis dis : « Mon Dieu, secoue‐le, secoue‐le ! » Pour Andy, c’était pareil à certains moments. J’avais envie de leur dire : « Bats‐toi, fais quelque chose ! » Pour ce qui est du coaching, tous ces joueurs gèrent leur stress à leur manière. Novak parle à ses parents et à tout le monde. Rafa, de temps en temps, jette un coup d’œil vers le haut. Cette épidémie commence à atteindre les femmes (rires). Moi, en tant que fan, ce que j’aurais aimé voir, et ce doit être intéressant à voir sur un jeu, c’est de faire descendre le coach pour une minute ou deux sur le court. Ce pourrait être intéressant.
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Publié le jeudi 7 juin 2012 à 15:11