AccueilATPPlus qu'énorme : Jo Wilfried Tsonga en finale de l'Australian Open

Plus qu’é­norme : Jo Wilfried Tsonga en finale de l’Australian Open

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Autant vous dire qu’à la rédac’, tout le monde est en émoi. Un gars comme Tsonga, ça ne vous laisse pas de bois. Même Apolline n’a pu s’empêcher de faire la « ola » à chaque coup droit décroisé surpuis­sant du Français (mais ça, elle vous en parlera elle‐même, un peu plus tard). Jo Wilfried nous l’avait confié lors de notre entre­tien avec lui sur le n°5 de GrandChelem, consacré aux outsi­ders :  » Quand je reviens sur le circuit, je suis fort et je gagne un tournoi. » On dirait qu’il se connait bien, le bougre. Allez Jo, nous à GrandChelem on y croit et en atten­dant on relit ton inter­view qui lais­sait déjà présager une telle performance. 

Qu’est‐ce que ça veut dire outsider ? 

C’est celui qu’on ne connaît pas, qui n’a pas encore fait ses preuves et qui va s’at­ta­quer aux ténors. 

Est‐ce que tu te consi­dères comme ça ? 

Pour l’ins­tant oui, je me consi­dère comme un outsider parce que je n’ai pas encore eu de gros résul­tats. Quand je serai dans les vingt premiers, je ne me consi­dè­rerai plus comme un outsider. 

Est‐ce que ça dépend des tour­nois dans lesquels tu t’en­gages car tu peux être favori sur un chal­lenger et outsider sur un Grand Chelem ? 

Non, je ne mets pas de pres­sion par rapport à ça. Il y a des chal­len­gers où j’étais favori, je les ai gagnés. D’autres, je ne l’étais pas, je les ai gagnés quand même. Le top 100, c’est un premier objectif pour rentrer dans les grands tour­nois. Après il y a le top 50 pour rentrer dans les Masters Series. 

Est‐ce que les deux années très dures que tu as traver­sées ont renforcé ta réso­lu­tion d’outsider ? 

Oui quelque part, ça a été un mal pour un bien. Ca m’a fait prendre conscience de pas mal de choses dans ma vie de tous les jours. D’abord je suis beau­coup plus professionnel. 

Concrètement ça veut dire que tu faisais quoi avant que tu ne fais plus maintenant ? 

Avant j’ar­ri­vais, je m’échauf­fais à la va‐vite et je rentrais sur le terrain. Maintenant j’ai compris que l’échauf­fe­ment faisait partie d’un tout. Avant j’avais égale­ment tendance à tout donner. Même quand j’étais fatigué, je tirais sur la corde et je me mettais en danger. Aujourd’hui il y a des soirs où je suis capable de m’obliger à aller au lit même quand je ne me sens pas fatigué. 

Et qu’est‐ce que tu appris person­nel­le­ment avec cette attente ? 

D’abord que dans la vie, il n’y avait pas que le tennis mais plein d’autres choses à décou­vrir sur cette terre. Ensuite ça m’a permis de me rappro­cher de ma famille. C’est‐à‐dire que le tennis m’avait obligé à laisser une partie de mon lien avec ma famille et mes amis. 

Ils étaient tous là quand tu avais des problèmes ? 

Oui c’est juste­ment là que l’on recon­naît ses vrais amis. Dans ces moments‐là on apprend beau­coup de choses entre ceux qui sont là par intérêt et ceux qui sont là pour toi. 

Et pour ta copine, comment c’était ? 

Comme elle joue au tennis, c’était plus facile pour elle de comprendre ce que je traver­sais. Je ne dis pas que c’était tous les jours « peace and love » mais c’est ça qui m’a permis de tenir pendant ces mois. 

Est‐ce que quand on ne joue pas au tennis, on a le temps de lire ? 

Quand on ne joue pas au tennis, on a le temps de lire. Quand on joue au tennis, on a égale­ment le temps de lire, et moi je ne lis pas souvent (Sourires)

Mais comment tu peux connaître la vie de Mohamed Ali ou de Martin Luther King sans lire ? 

Non, bien sûr, ces gens‐là m’in­té­ressent alors je me suis docu­menté sur eux, et ça passe forcé­ment par les livres. 

Tu as lu des livres de Martin Luther King ? 

J’au lu une biogra­phie sur lui qui retra­çait tous les évène­ments de sa vie depuis son enfance. Ca m’inspire. 

Comment tu es arrivé à lui ? 

C’était chez mes parents. J’ai vu sa photo dans un cadre .J’ai demandé « C’est qui ? » et mes parents m’ont expliqué. Il y avait des gens qui trou­vaient que je lui ressem­blais physiquement. 

Est‐ce qu’il y avait des spor­tifs auxquels tu pouvais t’identifier ? 

Oui, bien sûr il y avait Richardson en hand­ball, certains footballeurs… 

Mais en tennis, c’était qui ? 

Oui il n’y avait pas grand monde mais avec le temps les choses changent. 

En réfé­rence à cela, est‐ce que tu peux nous dire dans ces trois derniers mois quel est le match où tu t’es dit « A partir de main­te­nant, ils vont voir le vrai Tsonga » ? 

C’est allé très vite et je n’ai pas eu le temps de faire le point sur ces trois mois, mais pour tout dire je n’ai jamais quitté cette impres­sion depuis 3 ans. J’ai toujours su que quand je revien­drai, je serai fort. 

Ah oui ?

Oui, parce que j’avais des bles­sures, je reve­nais et je rempor­tais des tour­nois, puis je me bles­sais à nouveau, et à chaque fois que je reve­nais je gagnais des tour­nois. Donc pour moi, c’est toujours allé très vite et ces six derniers mois ont été la suite logique de ce qui se passait depuis trois ans. Je dirais qu’au contraire c’est main­te­nant que j’at­tends le déclic. 

Justement tu sens que ça bouge pour toi en ce moment au niveau médiatique ? 

Oui (sourires)

C’est‐à‐dire, au niveau publicitaire ? 

A tous les niveaux. 

Tu saisis dans ces moments‐là ce que tu peux repré­senter pour le tennis, par ta couleur ? 

Oui, mais c’est pas ça qui prime. La couleur, aujourd’hui, dans le sport… 

Oui dans le sport mais dans le tennis fran­çais, il n’y a pas beau­coup de Noirs… 

Oui (silence), il y a le dernier Français qui a gagné Roland‐Garros, y a Gaël (Monfils), et (silence) puis y a moi (sourires). Mais notre géné­ra­tion est quand même mieux représentée. 

Alors pour revenir sur le terme d’out­sider qui veut dire celui qui est dehors, aujourd’hui on est au contraire au CNE, au centre de la Fédération pour faire cette inter­view. Pourquoi tu ne pars pas dehors dans une struc­ture privée ? 

Moi j’ai envie de te répondre « Pourquoi je ne resterai pas là » 

Alors pour­quoi tu ne resterai pas là ? 

(Rires) Parce que je suis avec Eric (Winogradsky) et ça se passe très bien. Avec mon entraî­neur physique, avec le staff médical. Avec les diri­geants du CNE, ça se passe égale­ment très bien. S’il y a des gens qui se sentent mieux ailleurs, tant mieux. 

Est‐ce qu’il y a une ques­tion d’argent ? Tu sais bien qu’il y a des gens qui sont payés par des struc­tures privées pour aller s’en­traîner chez elles. 

Non, moi, ça ne rentre pas dans mes critères. J’ai été blessé pendant ces deux dernières années alors la première chose qui compte, c’est est‐ce que je me sens bien, est‐ce que je suis heureux. Je suis bien ici donc je ne me suis même pas posé la question. 

A la sortie de Roland‐Garros, il y a eu une polé­mique sur les résul­tats des Français et le manque de prépa­ra­tion sur terre battue, qu’en as‐tu pensé ? 

D’abord je pense que c’est un débat qui a lieu d’être. Roland‐Garros, c’est quand même un Grand Chelem qui est chez nous. Je trouve très bien que tout le monde ait donné son avis, que les gens de l’ex­té­rieur donnent leur avis. Il faut que ça abou­tisse à quelque chose, mais c’est très diffi­cile avec le climat qu’on a en France de s’en­traîner toute l’année sur terre battue à la diffé­rence des Espagnols. 

Mais toi tu t’en­traînes sur quoi ? 

Moi j’ai toujours joué sur les deux, mais à un moment tu as un calen­drier où tu t’aper­çois que tous les grands tour­nois se jouent sur dur, donc tu en tiens compte. C’est comme ça. Les Sud‐américains, ils ne s’en­traînent que sur terre donc ils ne vont jouer que sur terre pendant la saison parce que sur dur, ils ne sont pas très bons. 

Pourtant les Espagnols jouent de mieux en mieux sur dur et s’en­traînent toujours sur terre. 

Oui et il y a aussi des Français qui jouaient très bien sur dur, qui ont commencé à progresser sur terre et qui aujourd’hui jouent très bien sur terre. Je pense qu’il faut laisser le temps au temps. Je trouve que notre géné­ra­tion joue assez bien sur terre. 

Toi tu rêves de gagner Roland ? 

Ah oui en premier, ce serait le top. 

Pourquoi ? Parce que c’est en France ? 

Parce que c’est en France. Moi je serai fier de gagner devant mon pays. 

Est‐ce que tu comprends dès lors la pres­sion que certains joueurs se mettent en arri­vant ici ? 

Non, c’est quelque chose que je ne comprends pas. Moi j’y arrive en tant qu’out­sider juste­ment, donc c’est forcé­ment bonus. Je ne comprends pas cette pression. 

Mais est‐ce qu’on est pas un peu incons­tant côté français ? 

Oui on est incons­tant, mais on est incons­tant par rapport à qui ? Par rapport à Federer ? à Nadal ? Et les autres ? Roddick, il a des chutes de concen­tra­tion et il a égale­ment du mal. Les autres ont tous du mal. C’est juste­ment celui qui règle le mieux ces sautes de concen­tra­tion qui devient numéro 1. 

Quelles sont les choses qui te restent à travailler aujourd’hui ? 

Moi j’ai l’im­pres­sion que j’ai tout à travailler (Rires). C’est ça mon problème. Ce que j’es­saye de régler en ce moment, c’est le compor­te­ment, c’est être constant. Techniquement j’ai encore beau­coup de boulot. Et enfin il y a l’his­toire d’ex­pé­rience. L’expérience, c’est fondamental. 

Un outsider, c’est égale­ment un gars capable de t’at­ta­quer au coin du bois, quand on discute avec votre géné­ra­tion, on vous trouve tous très gentil, peut‐être un peu trop. On a l’im­pres­sion que la géné­ra­tion des Noah, des McEnroe étaient des tueurs capables de foutre un jour­na­liste dehors. 

(Silence) Si tu veux, je peux le faire, je peux te mettre dehors 

Eclats de rire Ce que je veux dire, c’est que vous n’avez pas cette logique de conflit. 

Oui, peut‐être mais ça dépend. Si tu viens me titiller sur des trucs où je suis sensible, je vais être un peu moins mielleux. 

Est‐ce que tu trouves que les jour­na­listes comprennent bien ce que vous faites sur un terrain ? 

Quelque fois c’est un peu rébar­batif, on est obligé de parler de Nadal et de Federer, et ça donne les mêmes réponses. 

Comment pourrait‐on progresser ? Il faudrait venir vous voir vous entraîner ? 

Oui, moi je vois rare­ment un repor­tage où tu vois des joueurs qui s’en­traînent, qui déconnent, qui en chient. La vie du tennisman, c’est un tout. Le passage sur le court le jour du match, c’est 5% de l’activité. 

Pour finir, c’est une vie inté­res­sante, tennisman ? 

C’est une vie géniale. Géniale. Depuis que j’ai 13 ans, je voyage partout dans le monde, je vois des choses que tout le monde ne voit pas. C’est magique quoi !