Il y a plusieurs façons de lire l’avènement au plus haut‐niveau de Caroline Garcia. Celle qui consiste à y voir une lente progression classique au sein d’un concurrence mondiale en mal de leaders, ou l’autre plus psychologique où la Tricolore combat un adversaire invisible mais présent partout. Explications.
On a beaucoup, ici, accusé Caroline Garcia de trahir la patrie en annonçant sa sortie de l’équipe de France de Fed Cup alors même qu’elle y avait brillé de mille feux notamment en finale de l’édition 2016. Tout le monde avait cru que l’aventure sous le maillot bleu était un point de passage et une vraie ouverture de son clan assez hermétique et peu enclin à accepter les interventions extérieures. On s’était donc trompé. Il faut dire que le projet Garcia est avant tout celui d’une famille. Forcément ce choix avait suscité de nombreux commentaires, pire, des faits puisque la joueuse avait du être examinée par le docteur fédéral pour que son absence au barrage en avril dernier soit justifié. Humiliation ou manque de confiance de la part des instances fédérales, appelez cela comme vous le voulez, dans un souci de clarté, la FFT avait donc jugé bon de la faire passer par la case contrôle. On comprend alors forcément les éléments de langage, répétés par la joueuse en conférence de presse lors de son premier Roland‐Garros enfin réussi : « J’ai eu des moments difficiles mais aujourd’hui je sais sur qui je peux compter. »
Et ce qui, synonyme de recentrage après une ouverture de deux ans, c’est la famille, les proches, les racines. En manque de rebond, peut‐être de motivation après une finale de Fed Cup où elle avait surement eu l’impression d’être abandonnée, Caroline Garcia trouvait donc dans ce combat contre les critiques, une motivation supplémentaire. Bien avant elle, ce ressort a été tiré à maintes reprises par les « papas entraîneurs ». On citera forcément Monsieur Bartoli, toujours enclin à ne pas rentrer dans le système pour éviter que la championne, la sienne, ne soit polluée par des concepts voire des valeurs indignes de leur conception même de la performance. Au final, la nouvelle naissance de Caroline, c’est forcément un peu cela, l’idée d’être finalement un peu incomprise, dans sa bulle, son monde, dans son tennis avec à son chevet, un père omniprésent.
« It’s tennis. We know it can change very fast. » -@CaroGarcia on shaking up the rankings@WTA_Insider podcast—> https://t.co/rIpz25gjFg pic.twitter.com/QIWZURrFXE
— WTA (@WTA) 8 octobre 2017
Aujourd’hui que les résultats sont là, il sera difficile de mettre en péril ce mode de fonctionnement, alors même que la véritable question qu’il faudrait se poser est de savoir si Caroline Garcia serait arrivée plus vite si elle avait osé passé à autre chose. Et cette autre chose, c’est forcément des professionnels de la profession. Dans l’entretien que nous a accordé Sam Sumyk, le coach de Garbine Muguruza a une phrase symbolique : « Chez les filles, il y a de plus en plus de parents qui coachent et qui ne connaissent pas vraiment le tennis. » Notre breton national visait‐il quelqu’un en particulier ? On pense que non, tant Sam Sumyk est un électron libre qui a fait ses preuves et dont la parole ne peut être mise en doute.
Alors, il faut juste regarder la joueuse, sa vélocité, sa technique, son abnégation pour comprendre l’idée que réaliser ses rêves et aussi celui des siens constitue une source de motivation incroyable. Encore adolescente, pas encore femme, le parcours de Caroline ressemble à s’y méprendre à celui de son aînée Marion Bartoli. Avec quelques différences de taille, le tennis féminin de Marion était celui de Justine, Serena, Venus. S’il ne faut pas minimiser les performances de la Lyonnaise, il faut bien reconnaître que cette valse de numéro 1 coïncide avec un tennis féminin en pleine mutation. Que ce lundi 9 octobre, Caroline Garcia soit numéro 9 mondial n’est finalement pas une surprise tant cela semble logique. Et maintenant qu’elle a a atteint cette étape, il s’agira juste de savoir si la méthode du martyre peut encore fonctionner ou si l’idée d’être encore plus performante passe par quelques changements. Car l’histoire du tennis ne retient que les vainqueurs de Grand Chelem. Et si l’histoire a fait un vrai clin d’œil à Marion, il ne faudrait pas que Caroline, qui possède un tennis qui lui est largement supérieur, passe à côté de ce type d’exploits. Chez Marion, c’est le changement qui a causé des dégâts, chez Garcia, ils ont été écartés, chez Serena, ils ont permis à la joueuse de se relancer. Bref, il n’y pas de secrets, juste l’envie de prouver. Et de ce côté là, Caroline Garcia semble avoir des ressources très largement au‐dessus de la moyenne.
Publié le lundi 9 octobre 2017 à 17:11