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« Moments Federer… » par Florent

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Après déli­bé­ra­tions, voici les résul­tats de notre concours : « Racontez‐nous votre rencontre avec Roger Federer. » Il vous fallait nous expli­quer en un texte travaillé ce qui vous a fait aimer le Suisse. 62 textes reçus et des discus­sions houleuses. Voici le temps des récompenses.

Premier prix »> AURECLINT et ZASTH
Deuxième prix »> FLORENT MALECKI
Troisième prix »> à venir
Prix de l’idée origi­nale »> à venir

« Roger, mon amour », le livre événe­ment sur Roger Federer est dispo­nible ici. Il n’en reste plus que 98 exemplaires.

Ce texte s’est vu attribué la deuxième place du concours « Roger, mon amour ». Un peu poussif au début, il est rédigé dans une langue propre. La deuxième partie du texte, le dialogue et la chute sont parti­cu­liè­re­ment bien trouvés et l’ont démarqué des autres. Bonne lecture !

En 2009, j’étais étudiant en droit et le choix d’un Master pour l’année univer­si­taire suivante deve­nait de plus en plus urgent. Cependant, de Masters, je ne connais­sais que les suivants : Miami, Monte‐Carlo, Paris‐Bercy et ainsi de suite. Malheureusement, aucun d’entre eux n’était acces­sible avec une licence de Droit…
Pour l’heure, je venais de passer mes partiels de fin d’année et, pour une fois que les examens ne tombaient pas en plein Roland Garros, je saisis­sais l’oc­ca­sion de me rendre pour la première fois au tournoi de la Porte d’Auteuil.

En ce lundi 1er juin 2009, j’as­sis­tais donc, dans les gradins du stade Philippe Chatrier, au huitième de finale oppo­sant Roger Federer à Tommy Haas. Devenu favori pour le titre après l’éli­mi­na­tion de Rafael Nadal, Federer semblait pour­tant sombrer de façon inéluc­table dans ce match. Deux sets à zéro pour Haas et aucun signal sur les écrans radar, qui aurait permis de dire que Federer allait revenir.

Quatre jeux à trois pour Haas dans le troi­sième set et balle de break contre Federer. L’échange s’ins­talle et, soudain, un flash m’éblouit. Littéralement. Je ne comprends pas bien ce qu’il se passe. Federer s’est décalé pour frapper un coup droit décroisé. Un coup droit solaire. Un rayon de lumière a fendu le court dans une diago­nale pure. L’arbitre annonce : « Egalité ». La balle était bonne. Elle avait touché la ligne. Haas ne le soup­çonne sans doute pas, mais le match vient de basculer. Après cette fulgu­rance, Federer gagne les trois sets suivants et, une semaine plus tard, Roland Garros. Pour ma part, je savoure la fin de la rencontre, mais mon esprit est resté bloqué sur cette frappe éthérée. Ce n’est pas le coup le plus spec­ta­cu­laire de la carrière de Federer. Mais, pour moi, c’est l’une de ses créa­tions les plus inspirantes.

Jeu, set et match, Federer. Fébrile, je me préci­pite au bord du court pour obtenir un auto­graphe. Federer parvient à ma hauteur. Je réussis à lui soumettre ma grosse balle jaune…

« Arrêtez de trem­bler, je n’ar­rive pas à signer », plaisante‐t‐il.

J’imagine que le sourire que je lui lance alors est crispé et pathé­tique. Le temps qu’il signe, je parviens à balbutier :
« Roger… Ce coup droit à 4–3 dans le troi­sième set, il…il…
– Il était pas mal, hein ? » sourit‐il.

Pas mal, oui. Puis il me remercie et enchaîne les signa­tures sur les autres supports qu’on lui tend.

Toute ma vie je me souvien­drai du coup droit que Federer a créé ce jour là. Je regrette simple­ment d’avoir été aveuglé sur l’ins­tant. Mais je me suis juré de ne plus être atteint de cécité lors de tels moments. Surtout lors­qu’il s’agit de « Moments Federer » comme l’écri­vain David Foster Wallace ou encore le philo­sophe André Scala ont pu les qualifier.

C’est pour­quoi j’ai immé­dia­te­ment troqué mes codes juri­diques contre un appa­reil photo. Finalement, j’ai fait un Master. Et même plusieurs, d’ailleurs. Puisque, désor­mais, je sillonne Masters, Grand Chelems et autres tour­nois pour tenter d’im­mor­ta­liser les gestes tennis­tiques les plus lumi­neux. Évidemment, Roger Federer est le joueur qui en distille le plus.

Mais ce coup droit décroisé, un jour de juin 2009, que personne n’avait vu venir, je regret­terai toujours de ne pas l’avoir figé sur papier glacé.

Peu importe. Ce jour là, Roger Federer a inspiré ma vie.

Comme celle de bien d’autres personnes.

Florent Malecki