« Je ne veux pas lancer des fleurs à Domenech mais quand je vois la difficulté, parfois, de gérer cinq joueurs, j’imagine ce que ça peut être quand t’en as vingt‐deux. » Cette phrase résume à elle seule l’état d’esprit dans lequel se trouve Guy Forget après sa semaine mouvementée de Coupe Davis. Dans une interview donnée à L’Equipe, le capitaine s’exprime librement sur ses difficultés actuelles, entre l’affaire Simon, la gestion des égos et l’après Belgrade. Analyse.
Comment réagit un capitaine lorsque son joueur l’allume, lui et son staff, dans une interview parue un lundi de pré‐rencontre ? Mal, évidemment « Quand un truc comme ça sort, le staff se sent attaqué, moi je me sens remis en question et les autres joueurs aussi ». En homme d’expérience, Forget a laissé les médias s’emballer, préférant s’attacher aux excuses de son numéro 1. « Gilles était navré vis‐à‐vis de nous tous. Il s’en est excusé. Rapidement, je l’ai vu blaguer avec les autres joueurs et même avec moi au début ! Et pourtant, je vous promets que je prenais sur moi parce que j’ai mal dormi… » Reste que ces insomnies, pour la première fois depuis belle lurette, n’étaient pas seulement dues aux choix des titulaires du week‐end.
Venons‐en à ces choix justement. Souvent payantes l’an passé, les décisions du capitaine n’en ont pas moins froissé certains de ses joueurs. Des joueurs qui les ruminent d’ailleurs encore. « L’an dernier, je l’ai eue un peu mauvais d’être 5e homme à Lyon » confiait il y a peu Gasquet à L’Equipe. « Mais je n’ai pas envie de ressasser ça ni d’ajouter de l’égo à de l’égo. » Force est de constater que les pilules sont difficiles à faire passer avec de tels compétiteurs, copains ou pas. « Jo veut être plus fort que Gaël et inversement, Gilles veut montrer qu’il a sa place et Richard retrouver son statut de top 10. Qu’on ne me la fasse pas à l’envers, on ne parle pas de 4 copains. On parle de garçons en compétition » rappelle Forget. Fini le « on est potes, on s’adore » à tout bout de champ. Place à la réalité des rancœurs, amertumes et autres déceptions propres à la vie commune de « mecs hyper égocentriques ». Exemple pratique par Guy Forget : « L’an dernier, à Lyon contre l’Argentine : t’en as un qui était 5e, Richard en l’occurrence, qui pense qu’il aurait dû être dans les quatre, un qui est 4e qui pense qu’il aurait dû jouer (Simon) et t’en as un qui est 3e qui a joué et qui a gagné (Llodra). Eh bien, encore aujourd’hui, même après ce qui s’est passé, les trois estiment que c’était à eux de jouer ! » Bonjour les maux de tête…
Les égos, c’est une chose, la gestion de l’équipe de France dans son ensemble, c’en est une autre. Et mine de rien, après 12 ans de capitanat, certaines choses deviennent lourdes à supporter. « L’entente entre les joueurs, les relations avec les médias, la gestion d’un groupe et des égos des mecs, tout ça, c’est mon rôle de capitaine. Et à chaque fois que tu évalues mal une situation, tu la reprends dans la gueule. » La différence, c’est que cette fois, Guy s’est clairement senti visé par les déclarations des uns et des autres. « Pour la première fois, j’ai l’impression de devoir me justifier. » Se justifier malgré le ratio victoires défaites qui le place au second rang des meilleurs capitaines français de l’histoire. Se justifier malgré la bonne image qu’il s’efforce de donner à cette équipe de France depuis 12 ans.
Alors l’emblématique capitaine craint‐il de sauter ? Probablement pas. Sinon, il ne s’exprimerait pas aussi librement. « Je n’ai pas peur de ne plus être capitaine » clame‐t‐il même. « J’ai simplement peur de perdre. » Si le second engendre souvent le premier, Forget pourrait ne pas attendre une nouvelle défaite pour céder sa place. « J’ai un contrat qui a été renouvelé pour 2 ans, mais je ne pense pas que j’irai au‐delà. Qu’on gagne ou pas la Coupe cette année ou l’année prochaine, je passerai vraisemblablement dans un autre secteur. Je peux même vous dire que si demain il y a un conflit tel que mon départ pourrait apaiser les esprits, je laisse ma place. Même pour le quart en Allemagne. »
C’est un capitaine visiblement usé des égos surdimensionnés, déchaînements médiatiques et remises en question permanentes qui va sonder ses troupes dans 15 jours en Floride. Histoire de mettre les choses au clair entre un Llodra défaillant, un Simon polémiste malgré lui, et des Gasquet, Tsonga, Monfils absents à Vienne. « À Miami, je vais tous les rencontrer. Je veux être sûr de savoir quelle est l’ambiance et où chacun en est, tennistiquement, au niveau de l’esprit… J’ai dit hier soir à Jérémy, Julien, Gilles et Mika : « À vous quatre, vous pouvez battre l’Allemagne ». Mais d’autres vont revenir. Et je vais devoir en laisser sur le carreau…» Un éternel recommencement…
Publié le mardi 8 mars 2011 à 17:59