Enseignant, entraîneur, chercheur, formateur, auteur de plusieurs ouvrages, Olivier Letort ne cesse de trouver les solutions pour rendre l’apprentissage du tennis plus facile et ludique. Depuis plus d’un an, il parcourt le territoire pour donner du sens et de nouvelles perspectives à des enseignants en mal de nouvelles expériences et d’expérimentations sur le terrain. Pour toutes ces raisons, nous avons décidé de lui donner la parole à travers des mots clés qui sont au cœur de la vie du « professeur » de tennis.
VOCATION
« C’est essentiel, surtout pour durer. Je pense que c’est aussi lié à des rencontres inspirantes. On a tous un souvenir d’une matière où l’on a eu un professeur qui était intéressant, charismatique. Comme par hasard, cette matière que l’on n’aimait pas particulièrement est devenue notre spécialité. Cette situation, on l’a tous vécu. C’est aussi l’idée de la transmission du savoir. Pour ma part, je suis devenu enseignant de tennis grâce à trois personnes qui ont marqué mon enfance. »
PASSION
« Elle est née quand j’étais petit. Je jouais au tennis dans l’appartement. Chaque fois que je pouvais, je tapais dans la balle. Contre un mur, dans la cour, partout en fait. Après, je dois aussi avouer que je suis venu au tennis parce que mon père y jouait. Je faisais partie du club des cheminots de Vaugirard, et l’enseignant était un certain Pierre Massias, je m’en souviens très bien. Cela m’a tout de suite plu. L’été, on allait à Saint‐Brevin. J’y ai rencontré Pierre Forget, le papa de Guy. C’était un grand monsieur. J’avais 8 ans, et je me suis dit en le voyant, c’est ce métier que je veux faire quand je serai grand. Comme mon père voulait absolument que je passe le bac, je me suis exécuté mais je savais que mon objectif était définitivement de devenir professeur de tennis. »
FORMATION
« C’était différent d’aujourd’hui. J’ai effectué ma formation dans un CREPS, puis j’ai enseigné au TC Paris, plutôt en tant qu’entraîneur avec des joueurs de très bon niveau. Assez vite, après les deux ans en tant que BE 1, j’ai passé mon BE 2. J’avais soif d’apprendre, d’expérimenter, de progresser, de m’améliorer. Je me souviens aussi avoir accompagné Jacques Hervé dans une démarche de compétition, c’était très intéressant, très formateur. »
RECHERCHE
« Un jour, j’étais à Gennevilliers sur une compétition de jeunes au bord du grillage et j’ai eu comme un flash. Je voyais deux enfants qui jouaient sur un court normal avec des raquettes et des balles dures. Je sentais bien qu’ils souffraient, que c’était difficile, presque illogique. C’est à ce moment précis, que je me suis dit que je devais chercher une solution, du moins y réfléchir, y passer du temps. J’ai alors mené un itinéraire assez spécial. Je suis allé dans des MJC, dans des ateliers de poterie, de musique. J’ai rencontré beaucoup de professeurs, d’éducateurs qui étaient au contact des enfants. Je me suis documenté. Je suis aussi allé à l’Insep pour évoquer les sujets de motricité. J’ai essayé de comprendre les mécanismes qui font que l’on aime réussir, que l’on aime apprendre. Ce fut une sorte de voyage avec beaucoup de surprises. À l’issue de ce « périple », j’ai construit un projet, celui du tennis évolutif. J’ai eu alors la chance de tomber sur un président de club à Fontenay‐aux‐Roses, Denis Biaugeaud qui a été très compréhensif, progressiste. Il a cru en mon projet et on a pu l’expérimenter alors même que le CTR de notre ligue nous avait clairement dit : « le tennis cela fait 100 ans qu’il se joue avec un grand court et des raquettes d’adultes et dans 100 ans ce sera toujours la même chose même pour les enfants ». Très vite, malgré les pressions, j’ai compris que je devais continuer dans cette voie, et surtout que le tennis évolutif était aussi adapté aux adultes. Certains me prenaient pour un illuminé. C’était il y a longtemps. Aujourd’hui on peut en rire, mais à l’époque, quel combat. »
CURIOSITÉ
« Pour moi, c’est le mot clé, celui qui doit guider l’enseignant. C’est elle qui amène tout, le questionnement, l’envie, la connaissance. On doit la cultiver. Je lie la curiosité à la notion d’ouverture, vers l’autre, vers l’inconnu, vers la remise en cause permanente. Un enseignant doit être curieux de tout, d’un cordeur qui finit une raquette, d’une nouvelle méthode d’entraînement, d’un livre sur le mental, etc. Il doit continuer à se former, être attentif aux évolutions de son sport, aux remarques de ses élèves, il doit mener son éducation pour avoir une vraie culture tennis. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, la tendance est au formatage. On oublie la réalité de ce métier. Et ce métier c’est le TERRAIN, ce n’est pas en face d’un ordinateur, on a oublié que c’est sur le court que ça se passe. »
ENVIE
« Un bon prof c’est celui qui te donne ENVIE. ENVIE de progresser, d’apprendre. Et le souci, c’est que l’on a progressivement oublié tout cela. Dans la formation qui est donnée pour devenir DE, la valeur de l’apprentissage qui est essentielle a été enterrée. On nous parle de projets, de présentations PowerPoint, alors que le terrain n’a plus la place qu’il mérite. Dans mes formations, tous les enseignants me disent la même chose. Ils sont contents d’être sur un court, de découvrir des nouvelles méthodes, de sentir concrètement les choses. Ils parlent d’un second souffle, d’une découverte. Et pourtant je ne suis pas un magicien. J’ai juste mis l’apprentissage au centre de mes formations. Et l’on sait tous que c’est la clé de la fidélisation. Si un élève progresse et réussit, il revient, encore faut‐il le mettre dans les conditions de la réussite. Regardez comment est enseigné le service depuis des lustres et vous comprendrez où se situe le problème. Moi, je garantis un apprentissage du service en une séance. Du coup, compter les points en engageant devient un jeu, et après on peut passer au perfectionnement. »
TECHNIQUE
« Autour de ce mot on y met n’importe quoi. On confond tout. On aime apprendre des gestes qui seraient idéaux alors que si on regarde les champions, personne n’a le même geste. Or malgré cela, Nadal et Federer ont la même technique. Ce qui est important, c’est le moment de la frappe, sa qualité, ce que l’on ressent à cet instant précis. C’est pourquoi quand je vois des champions qui font du « shadow tennis », je ris aux éclats. J’ai une belle image à ce sujet. Dans le temps, pour apprendre à nager, on mettait une personne sur un banc et il devait faire les bons gestes de la brasse. Une fois qu’il y était parvenu, on le mettait à l’eau. Pourtant au lieu de flotter, il coulait. C’est un peu ce que l’on fait encore dans l’enseignement du tennis. Quand je donne un cours d’une heure de tennis à des enfants avec ma méthode d’apprentissage, il touche la balle 400 fois. Dans un cours normal, 40. Cherchez l’erreur ! »
PANIER
« Je n’ai rien contre le panier, mais c’est devenu une facilité. Au PANIER, on s’éloigne du jeu tennis, de cette conversation avec un adversaire. Pour faire du physique c’est bien, mais pour l’apprentissage c’est peu efficace. »
TECHNOLOGIE
« Là aussi, je pense que c’est un gadget, un leurre. Cela doit rester un outil, mais sans oublier l’essentiel, le terrain, le jeu. Quand la vidéo est arrivée, on a cru que c’était une solution miracle. Avec le temps, cette mode est passée. C’est très bien de se voir jouer mais cela ne remplace pas le contact avec la balle. »
HAUT NIVEAU
« Je dirais plutôt performance. Et la performance dans le tennis est tellement dure à évaluer, il y a trop de paramètres qui rentrent en ligne de compte pour pouvoir théoriser là dessus. On essaye d’y mettre des points de passage, de tirer des conclusions mais j’ai envie de dire que c’est impossible. Roger Federer perdait tous ses matchs au début quand il était petit, pourtant on lui a fait confiance. Un champion par définition est hors du commun. La performance est une alchimie dont la formule est exacte chez certains, inexacte chez d’autres. On ne peut faire du copier coller, cela ne fonctionnera pas. »
PLAISIR
« C’est le but, l’objectif. J’entends partout dire que le tennis est dur, qu’il n’est plus adapté à nos rythmes de vie, à notre approche du sport, que l’on ne transpire pas suffisamment. Ce sont des conneries. C’est l’enseignement du tennis qui n’est pas adapté à la notion de plaisir, de dépenses physiques. On a toujours aimé compter les points, faire de la compétition, se dépenser. Si l’apprentissage est uniquement déceptif et sans plaisir alors oui, il y a échec et abandon. C’est le COEUR du sujet, et c’est la qualité de l’enseignement, de la « leçon », du contenu proposé, de l’enthousiasme du professeur, du plaisir qu’il prend à en donner qui fait la différence. Et il ne faut surtout pas me dire que c’est difficile à mettre en place, c’est une question d’ouverture d’esprit, de volonté, de remise en question. »
Un an et demi, 1 200 enseignants
« Quand j’ai décidé de me lancer dans l’aventure de la formation, je ne pensais pas que j’allais être aussi sollicité. J’ai rencontré plus de 1 200 DE et AMT dans des clubs, des ligues. J’ai été accueilli avec le sourire et beaucoup d’envie. Je ne pensais pas que la situation était aussi critique. J’ai formé des professeurs de province, de région parisienne, dans des grands et petits clubs, des enseignants avec trente ans de métier ou tout juste diplômé. Le constat était toujours le même, et peut se résumer en une phrase : Qu’est ce que c’est bon d’être sur le court, de découvrir de nouvelles choses et de le faire avec envie et plaisir. »
Une formation incomplète ?
« Je pense sincèrement qu’il faudrait revoir la formation du DE, je n’ai rien contre l’idée de la polyvalence, rien contre le fait qu’un DE puisse apprendre à mener un projet et à le structurer administrativement mais cela ne doit pas se faire au détriment du terrain, de la pédagogie et de l’apprentissage, je dirais même de la connaissance. Or, aujourd’hui c’est le cas et on est en train d’en constater les dégâts, il faut enrayer cette spirale. »
La fin du mini‐tennis ?
« La réforme de Galaxie Tennis a fait bouger les curseurs, et il y a de bonnes choses comme de mauvaises hélas. La première conséquence c’est le quasi abandon de l’idée du mini tennis. Le court blanc, ce n’est pas le mini tennis. Or le mini tennis a été la révolution qui a permis de créer, de proposer aux enfants une vraie solution pour dès le début prendre du plaisir. Je suis très inquiet. Il faut défendre bec et ongles le mini tennis, c’est essentiel, décisif. »
Olivier Letort – Bio Express
Diplômé d’un BE3, Olivier Letort a été classé 2⁄6 pendant dix ans. Il est le Créateur du concept de compétition et d’apprentissage « TENNIS COOLEURS ». Il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages permettant de comprendre et de mettre en pratique ses méthodes d’apprentissage. Depuis un an et demi il a choisi de proposer des formations aux clubs, ligues avec un vrai succès.
Vous pouvez trouver toutes les informations sur ses activités sur son site internet : www.tenniscooleurs.com/fr/
Publié le jeudi 16 février 2017 à 16:00