Le Taraflex était une surface bien installée sur le circuit avant que les joueurs ne décident de s’en passer. Jean‐François Caujolle, le directeur de l’Open 13 Provence, est celui qui a mis fin au Taraflex. Extrait du numéro 57 de GrandChelem.
Comment a disparu le Taraflex ?
« Quand je suis arrivé à la tête de Bercy, j’ai stoppé le Taraflex. C’était la conséquence d’une demande très forte de beaucoup de joueurs. Le Taraflex était encore utilisé sur trois tournois : Saint‐Pétersbourg, Lyon et Bercy. Ces trois compétitions se suivaient. Les joueurs s’en plaignaient car il existait un risque important de blessure. Les joueurs se bloquaient en fin de course, tout l’inverse de la résine où ils glissent très souvent. La texture était souple au niveau du pied, mais elle posait de vrais problèmes de blocage. Les joueurs ne se sentaient pas à l’aise, notamment Roger Federer. »
La demande venait exclusivement de Roger Federer ?
« À l’époque, il avait dit assez clairement qu’il viendrait à Bercy uniquement si la surface changeait. Il appréciait le Taraflex au niveau du rebond et du jeu qu’il pouvait créer, mais il redoutait les blessures traumatiques. J’ai imposé un changement de surface lors de mon arrivée. »
Aucun regret ?
« Non et puis on se souvient également que lorsque les difficultés avec le Taraflex sont intervenues, beaucoup de joueurs ne voulaient pas aller au Masters de Shanghai. On a travaillé avec le groupe Gerflor pour qu’ils élaborent une résine. Cela avait été fait à contrecœur. Je me souviens aussi avoir défrayé la chronique car j’avais mis en place un court très rapide à Bercy. C’était en 2010 avec une victoire de Soderling face à Monfils. Mais si on regarde cette édition de plus près, on s’aperçoit que les gros serveurs, à savoir John Isner, Ivan Ljubicic et Sam Querrey, avaient chuté dès le premier tour. Tous ceux qui avaient une bonne main ou qui faisaient service‐volée avaient brillé. Federer et Llodra étaient en demies. Monfils perd en finale alors qu’il est souvent plus à l’aise sur des surfaces dites plus lentes. »
Doit‐il exister plus de différences entre les surfaces ?
« Pour moi, il y a quatre types de surface où tous les styles de jeu doivent s’exprimer : gazon, terre battue, indoor et outdoor. L’indoor doit être le plus rapide. L’outdoor peut avoir des vitesses différentes mais doit rester assez neutre. Le gazon doit être plus rapide que ce qu’il est actuellement. La terre battue reste la surface la plus lente. La prise de conscience à propos de l’uniformisation existe : on joue avec les mêmes balles sur les mêmes surfaces, donc on fabrique des jeux identiques et stéréotypés avec des joueurs qui pourraient produire autre chose ! »
En tant que directeur, sentez‐vous cette prise de conscience ? Prenez‐vous en compte des demandes particulières des joueurs ?
« Si Rafa Nadal vient me voir et me dit : « Je viens à Marseille, mais il faut que tu ralentisses la surface. » Je serais tenté de le faire, mais je ne le ferais pas car l’âme du tennis indoor c’est le jeu vers l’avant et pour l’attaque. Après attention, je sais que Rafa ne ferait pas une telle demande. Il est déjà venu à l’Open 13 Provence (demi‐finale en 2006) et il ne l’avait pas fait. On doit avoir des degrés différents. C’est agréable de voir les joueurs s’adapter à ces changements. J’ai l’impression que beaucoup de directeurs de tournois ont peur des réactions et se disent : « Ne sortons pas du moule et conservons les appréciations de l’ATP. » Il faut un peu bouleverser tout ça et casser les codes ! »
Didier Ailloud, longtemps en charge chez Gerfor du Taraflex sur le circuit, a vécu de l’intérieur le début de la crise autour de cette surface qui visiblement avait des vraies limites d’utilisation au haut niveau.
Pouvez‐vous nous expliquer ce qu’est vraiment le Taraflex ?
« C’est un tapis composé d’une mousse et d’un revêtement plastique. Le Taraflex a longtemps été utilisé sur le tournoi de Saint‐Pétersbourg mais aussi au Grand Prix de Tennis Lyon et à Bercy. Cette surface a aussi été la surface officielle pour le tennis de table et le badminton aux Jeux Olympiques de Pékin. Elle est aussi souvent utilisée en volley‐ball. C’est une surface qui a fait ses preuves comme revêtement de salles omnisports. »
Quelles sont ses spécificités ?
« Elle est confortable grâce à sa mousse qui offre un bel amorti. En revanche, elle restitue mal le rebond. La balle ne gicle pas mais elle prend très bien le slice, mais très peu le lift. C’est sa limite. On peut glisser sur le Taraflex malgré ce que l’on pense mais le souci est finalement que la zone de glissade n’est pas vraiment prévisible. On ne peut anticiper sa fin. C’est moins « contrôlable » que sur une résine. »
Est‐il vrai qu’au Masters de Shanghai en 2005, il y a eu des plaintes venant de la part de certains joueurs ?
« Je peux vous dire que j’ai passé une semaine épouvantable. C’était l’enfer. Je m’y attendais. J’avais déjà eu auparavant de longues discussions avec certains joueurs qui se plaignaient du Taraflex. Roger Federer m’avait notamment expliqué que c’était la seule surface où quand il faisait un kick sur son service, il n’y avait jamais le même type de rebond. Cela le rendait fou. »
Saviez‐vous tout cela ?
« On a toujours cherché à rendre le Taraflex plus performant pour les joueurs de haut niveau comme pour tous les pratiquants de tennis. À un moment, on a même voulu tout repenser de A à Z pour éviter qu’elle soit totalement éjectée du circuit, mais il y avait des problèmes techniques. Comme la résine prenait le pas sur les autres surfaces, on a expérimenté l’idée d’en projeter sur le Taraflex. »
Et cela fonctionnait ?
« Euh (rires), cela aurait pu, mais ce n’était pas totalement efficace. Le but était aussi d’avoir une surface qui soit utilisable facilement dans les clubs. Là, on avait calculé que la durée de vie de ce nouveau Taraflex n’allait pas dépasser quelques années. Donc au final, on n’a pas utilisé cette technique.
Il y a une légende qui explique que c’est la seule surface sur laquelle Roger Federer s’est blessé, car il semblerait qu’elle bloquait trop les appuis…
« Je ne peux le confirmer. Ce que je sais, c’est que sur certains mouvements la mousse se déformait vraiment jusqu’à arriver à un point de blocage sous la pression, ce qui n’est pas le cas avec une résine qui est posée sur un parquet bois, c’est évident. »
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Publié le vendredi 14 avril 2017 à 14:30