Cocorico, le système d’arbitrage français est réputé, envié et considéré comme le meilleur dans le monde entier ! Il était donc opportun de s’intéresser au modèle tricolore avec Gaël Raison, responsable du pôle arbitrage à la FFT, ainsi que d’interroger un arbitre et des juges de ligne sur les compétences qui font la différence.
Comment devient‐on arbitre en France ?
Gaël Raison, responsable de l’arbitrage fédéral au sein de la direction sportive, dirigée par Rémy Azémar (nouveau juge‐arbitre de Roland‐Garros)
« La porte d’entrée est le club, tout commence par le club avant d’arriver au haut niveau. On vient à l’arbitrage pour différentes raisons : un besoin pour les matchs par équipes, le tournoi du club, etc. Il y a ensuite une prise de contact avec le comité qui organise les formations. Ces dernières peuvent être délocalisées dans les clubs selon le nombre de candidats ou peuvent être organisées au comité. Auparavant, la formation se faisait uniquement en salle avec un examen écrit : on ne montait jamais sur la chaise. Or c’est la base, nous avons donc remis le terrain et la pratique au centre du jeu. On débute donc par la formation puis on passe un examen théorique et pratique. Venant de l’EPS (Éducation physique et sportive), j’ai créé des fiches de compétences afin de clarifier le contenu ; désormais, on sait partout en France ce que l’on attend d’un A1, A2 ou A3… Nous avons aussi un site dédié avec différentes vidéos pour présenter les compétences requises. Nous allons être partie prenante du LIFT (L’Institut de Formation du Tennis) mis en place par la Fédération française de tennis ; l’arbitre va donc intégrer ce process. Nous avons toujours été précurseurs en matière de formation. »
Comment fonctionne l’arbitrage en France ?
Gaël Raison
« Il y a une culture de l’arbitrage en France, rendue possible grâce au maillage de la compétition sur notre territoire : tous les matchs sont arbitrés entre les championnats de France individuels, par équipes (de la première à la quatrième division nationale), les tournois ITF juniors, Tennis Europe et bien sûr les ITF et Challengers. Sans compétition, il n’y a pas d’arbitre. C’est une question d’image : les joueurs étrangers qui viennent en France savent que c’est “pro” et organisé. Nous sommes un pays de jeunes arbitres avec la mise en place de différentes actions et d’un véritable suivi avec des formateurs. La clé de notre succès réside dans le repérage de ces jeunes (entre 15 et 16 ans). Ils passent tous par le Trophée national jeune de l’arbitrage (TNJA) qui a lieu sur la semaine de la Balle Mimosa à Nantes et sur celle des championnats de France 15⁄16 ans à Dijon. Nous avons un groupe d’une centaine de jeunes arbitres que l’on désigne sur les ITF juniors, les Tennis Europe, les championnats de France… Ils sont suivis par des formateurs qui sont là pour les conseiller et les guider afin qu’ils progressent. Il y a donc une vraie transmission. »
Comment juge‐t‐on une balle ?
Robin Asport (A3, juge de ligne à Roland‐Garros depuis 2014, étudiant en Master d’économie)
« On se met en place au début de l’échange, quand le serveur fait rebondir sa balle. Juger une balle dépend de sa ligne ; néanmoins, certaines choses ne changent pas comme la concentration sur le moment clé où la balle arrive. Je ne regarde que la balle et rien d’autre. Sur dur, on va avoir tendance à annoncer un peu plus vite, à juger dès l’impact au sol. Sur terre, on prend légèrement plus de temps, une demi‐seconde ou quelques dixièmes, car on peut s’appuyer sur la trace. Plus la balle est proche, plus l’annonce sera forte. Inversement, si elle est loin, elle sera plus légère. Les gestes vont aussi avoir une importance : si la balle est proche de la ligne, on va conserver notre geste d’annonce plus longtemps. Cela est aussi valable sur les grands courts où les applaudissements peuvent masquer notre annonce. Le but est d’être visible par l’arbitre de chaise. »
Gaël Raison : « Nous sommes un pays de jeunes arbitres avec la mise en place de différentes actions et d’un véritable suivi avec des formateurs »
Comment travaille‐t‐on sa concentration ?
Maëva Quessette (A3, juge de ligne à Roland‐Garros depuis 2014, étudiante en deuxième année de pharmacie à Toulouse)
« La concentration est le point essentiel pour un juge de ligne. Avant de rentrer sur un court, je coupe tout, j’arrête de rigoler, je me focalise sur le match et l’ampleur qu’il peut avoir pour les joueurs. Je veux ainsi m’imprégner de l’atmosphère du match. Les juges de ligne sont divisés en équipes, alors on essaie de se motiver, cela permet de créer une cohésion et à chacun de trouver sa concentration. Le regard de l’arbitre de chaise est essentiel quand on arrive sur le court, il nous donne confiance. Quand on entre sur le court, on adopte aussi un rythme particulier qui nous amène dans une sorte de bulle. Lorsque je suis sur la chaise, je prépare mes affaires (les balles, les serviettes, des bouteilles, le micro ou d’autres choses selon les tournois) bien à l’avance afin de penser uniquement à moi, à mon match. J’étudie les joueurs afin de savoir comment ils réagissent sur le terrain. À l’instar des joueurs, c’est un processus de concentration pour adopter les mêmes habitudes. »
Comment juge‐t‐on une trace ?
Emmanuel Joseph (badge d’or depuis janvier 2006)
« D’abord, il faut avant tout toujours garder un œil sur la trace. Dès qu’on sent que la balle est proche et qu’un joueur peut nous demander de la vérifier, on garde la trace du coin de l’œil. En même temps, on regarde si le joueur y montre un intérêt immédiat ou s’il continue à jouer le point par un replacement par exemple ou par un coup qui montre qu’il essaie de gagner le point. Ensuite, la partie technique intervient avec la descente de la chaise, toujours en gardant la trace bien en vue, on montre la trace que l’on va lire, puis rapidement on lit et on prend la décision. Il est possible d’expliquer rapidement notre décision. Néanmoins, il reste une partie délicate : par exemple, quand la balle est jugée bonne, savoir si le point doit être rejoué ou non. Il faut une concentration importante tout au long de la partie. C’est pourquoi l’arbitrage sur terre est jugé plus technique, comme pour les joueurs (ils y jouent différemment, avec des glissades, etc.) par la lecture des traces et la concentration nécessaire pour faire une bonne inspection et prendre la bonne décision finale. »
Quelle est la ligne la plus difficile à juger ?
Robin Asport
« On dit que la ligne la plus difficile à juger est celle du service. Premièrement, on aura forcément une balle à évaluer sur tous les points, ce qui n’est pas forcément le cas des autres lignes selon la physionomie de l’échange. La vitesse de balle joue aussi un rôle prépondérant dans cette annonce et la complique, tout comme la trajectoire. Chacun a ses habitudes et sa ligne de prédilection où il se sent plus à l’aise. »
Maëva Quessette
« Il existe une technique différente selon les lignes et celle du service est assez particulière. Quand le serveur lance la balle, on fixe uniquement la ligne. Ce rythme ne me convient pas trop, je ne me trouve pas très bonne sur cette ligne‐là. »
Quelques chiffres
Un site Internet est dédié à l’arbitrage :
mon-espace-arbitrage.fft.fr (accessible depuis « Mon espace tennis »). La connexion s’effectue avec ses identifiants de « Mon espace tennis ».
Les chiffres de l’arbitrage en France : (au 1er décembre 2017)
A3 : 93
A2 : 1 000
A1 : 7 000
Les badgés :
7 badges d’or
4 badges d’argent
6 badges de bronze
20 badges blancs
Formateurs de niveau national (FA3) : 43
À Roland‐Garros :
300 arbitres, dont 80 étrangers et 45 arbitres de chaise professionnels
Juges‐arbitres :
6 badges d’or
8 badges d’argent
8 badges blancs
FJAT3 : 95
JAE3 : 31
8 000 juges‐arbitres niveau régional
15 000 juges‐arbitres en France
Publié le vendredi 27 juillet 2018 à 16:30