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Borg‐McEnroe, ouvrez grand les yeux (1÷2)

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Tous les passionnés atten­daient un vrai film de tennis. Avec Borg‐McEnroe ce vœu a été exaucé. Cette plongée dans l’âge d’or du tennis se révèle jouis­sive surtout quand certains détails de spécia­listes sont respectés. Revue en cinq points très précis de ce qui fait la force de ce Borg‐McEnroe à ne manquer sous aucun prétexte.

L’âge d’or du tennis

Raquettes en bois, Club54 à New‐York, grou­pies, survê­te­ments vintage, tout y est, il suffit alors d’en­clen­cher la machine à remonter le temps et on est bien à côté de Björn Borg ou mieux dans sa peau à la conquête d’un 5e titre à Wimbledon en 1980. Plusieurs scènes astu­cieu­se­ment placées dans la chro­no­logie du film nous rappellent que l’on vit une période de folie un peu comme l’avè­ne­ment des Beatles dans les années 60. Björn Borg subit tout cela avec un certain flegme et une vraie distance. C’est aussi ce que l’on comprend lorsque ses agents lui proposent des contrats miri­fiques pour jouer des exhi­bi­tions partout dans le monde. Björn Borg ne semble ni las, ni dépassé, juste ailleurs. Il faut dire que John McEnroe a fait son appa­ri­tion dans la hiérar­chie mondiale et c’est réel­le­ment ce qui préoc­cupe le joueur suédois plus que le montant du chèque qu’il va récu­pérer à la fin de l’année de son énième sponsor. À ce propos, on rappelle ici qu’à l’époque le Suédois touchait de la part de ses équi­pe­men­tiers plus de 1,5 million de dollars ; un chiffre extra­va­gant puisque l’on est dans les années 80. Si le réali­sa­teur a choisi sciem­ment de ne pas faire appa­raître les marques, cela ne nuit pas à la produc­tion, le look étant respecté, il en va de même pour le maté­riel de l’époque où la Borg Pro, raquette magique reste la star du début jusqu’à la fin. L’ensemble des scènes avec le public qu’il soit dans la rue ou dans le stade, confirme aussi que le tennis vit une période de rêve, où comme le dit très bien le réali­sa­teur Janus Metz, Borg et John McEnroe sont de véri­tables rock stars.

La force du détail

Savez‐vous que John McEnroe ne regarde pas les gens dans les yeux ? Évidemment non, en revanche le réali­sa­teur oui, lui qui dans une scène très forte, celle de la rencontre à l’aé­ro­port entre John McEnroe et Björn Borg n’ou­blie pas ce compor­te­ment rendant les images encore plus authen­tiques. Outre le décor, l’en­vi­ron­ne­ment, est aussi remar­qua­ble­ment recons­titué, le film prend aussi de vrais risques en sortant de la riva­lité Borg‐McEnroe pour nous proposer d’autres stars de l’époque à l’écran. Si Vitas Gerulaitis est au final facile à incarner en fêtard et night clubber, l’ap­pa­ri­tion, certes furtive de Jimmy Connors et sa gestuelle parti­cu­lière confirme bien que Janus Metz aime et connait le tennis. Sa volonté de partager cette passion avec ses spec­ta­teurs est constante et ingé­nieuse. À ce sujet, la présence de Peter Fleming, grand ami de John McEnroe avec qui il a remporté une flopée de titres en double confirme que le réali­sa­teur a bien compris l’en­vi­ron­ne­ment affectif dans lequel essayait d’exister John McEnroe. « Même si je n’étais qu’un enfant en 1980, je me souviens parfai­te­ment du tennis de cette époque » explique Janus Metz, une réalité qui se confirme donc sur la pelli­cule. On est donc bien loin des approxi­ma­tions grotesques de Mach Point ou encore du film La plus belle victoire qui frisaient le ridi­cule. Mention spéciale pour la scène où Björn Borg teste la tension de ces cadres en marchant pieds nus sur les tamis, pas éton­nant aussi qu’elle ait été sélec­tionnée dans la bande annonce du film.

Du tennis enfin réaliste

« Les acteurs ont travaillé tous les jours leur tennis, leur body langage pendant plus de six mois pour parvenir à inter­préter leur person­nage en dehors mais aussi sur le court » explique Janus Metz même si de notre côté on donnera un léger avan­tage à Sverrir Gudnason dans le rôle de Björn Borg. Shia Labeouf est loin de démé­riter, il faut dire que dans ce domaine la tech­nique de John McEnroe reste un ovni de l’his­toire du tennis. Quoi qu’il en soit il est clair que les acteurs ont appris à glisser, volleyer, et que sur des plans pris de haut, la géomé­trie d’un court nous renvoie vers l’idée des trajec­toires et de l’émo­tion. D’ailleurs, lors des scènes de tennis, on est happé par l’as­pect psycho­lo­gique et les fameuses expres­sions du visage même si John McEnroe déses­père de voir son adver­saire aussi stoïque et calme. Ce contraste saisis­sant est bien orchestré à chaque chan­ge­ment de côté. Il devient même presque anachro­nique fina­le­ment tant aujourd’hui ce moment est devenu presque pour tous les joueurs de la planète un vrai moment de séré­nité à part pour quelques irré­duc­tibles comme l’Australien Nick Kyrgios.

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