Dans notre numéro 51, nous nous étions attachés à comprendre si la défaite était le début de la victoire. Dix numéros plus tard, on y revient d’une certaine façon et c’est l’actualité qui a guidé ce choix. Avant le résultat que l’on connaît concernant France‐Belgique, nous avons donc mené l’enquête pour savoir ce qu’est vraiment la fameuse culture de la gagne. Si elle s’enseigne, si elle est passagère, si elle est innée. Pour bien comprendre cette thématique plutôt impalpable on s’est dit qu’il était assez logique de donner la parole à Caroline Garcia mais aussi à Patrick Mouratoglou, Jacques Piasenta, l’entraîneur de Marie‐José Pérec et à Fernando Belasteguin, l’invincible numéro 1 mondial de padel. Enfin, pour pousser la réflexion nous sommes allés rendre visite, sur son divan, à Pascal Aubrit, psychothérapeute qui pose les jalons et les principes qui régissent l’idée folle qu’il puisse exister une culture de la gagne. Au final, s’il ne fallait retenir qu’une définition, ce serait forcément celle de Rafael Nadal, suivez le guide.…
Vu de la player’s box…
Patrick Mouratoglou : « La culture de la gagne, c’est l’inverse de la culture du beau. C’est la culture de l’efficace. » Le coach de Serena de Williams côtoie la culture de la gagne quotidiennement, il a donc su l’apprivoiser. Entretien.
C’est quoi la culture de la gagne ?
La culture de la gagne c’est un état d’esprit très particulier. Je suis très heureux qu’aujourd’hui, ce soit devenu un sujet dans le tennis en France car je pense que cette question est centrale. La culture de la gagne c’est l’inverse de la culture du beau. C’est la culture de l’efficace. Nous, français, admirons beaucoup le beau, le talent. Nous n’aimons pas assez les gagnants, les volontaires, les bosseurs, les ambitieux. Je considère que cela nous pénalise aujourd’hui de penser comme ça. À haut‐niveau, seul le résultat compte (bien entendu dans le respect des règles). La culture de la gagne consiste a encourager et soutenir toutes celles et ceux qui s’engagent à 100% pour exploiter la plénitude de leur potentiel.
La culture de la gagne peut‐elle s’enseigner ?
La culture de la gagne c’est un état d’esprit. Cela s’acquiert. J’ai toujours pensé que les personnes qui travaillent et celles qui gravitent autour des joueurs ont une vraie responsabilité en la matière. Ce sont eux qui peuvent potentiellement faire évoluer les mentalités de leur élève. Nous sommes tous influences par notre environnement. S’il est favorisant, alors le joueur va progressivement penser d’une manière plus ambitieuse et il peut intégrer la culture de la gagne. Tous les champions ont cette culture chevillée au corps. Ce sont tous d’éternels insatisfaits. Ils veulent toujours plus, ils s’engagent totalement pour atteindre leurs objectifs. Nous en France, nous ne devons plus avoir honte d’être ambitieux, volontaires. Bien au contraire, lorsque l’on s’engage sur la voie du haut niveau, c’est indispensable !
La culture de la gagne est‐elle liée à des facteurs génétiques ?
Je ne crois pas dans le gène de la gagne. En revanche, c’est de l’acquis. C’est beaucoup lié à notre éducation au départ, qui est ensuite plus ou moins développée en fonction de l’environnement dans lequel on évolue. Si l’on vit par exemple aux USA, notre culture de la gagne sera naturellement boostée parce que c’est dans la mentalité du pays. Le rêve américain en est la parfaite illustration.
Que réponds‐tu à ceux qui répètent que notre pays n’a pas la culture de la gagne ?
Je leur réponds que je suis d’accord. Il y a de gros progrès à faire en la matière. On se contente beaucoup trop de résultats moyens dans notre pays. On est souvent content d’être en demi‐finale. Moi qui ai la chance de travailler avec une immense championne, je suis frappé par la différence d’état d’esprit que je note. Ceci étant, je sens réellement, dans le tennis français, un élan diffèrent en ce moment. J’ai le sentiment que quelque chose est en train d’évoluer dans le bon sens et je m’en réjouis.
Publié le mercredi 13 décembre 2017 à 19:02