AccueilDocuGarcia : "La clé, c'est surtout de ne pas se mettre de...

Garcia : « La clé, c’est surtout de ne pas se mettre de barrières et de viser très haut » (2÷2)

-

Avec une fin de saison toni­truante, Caroline Garcia a marqué cette année 2017. Huitième mondiale, elle a passé un cap. Simple et sincère, la Lyonnaise nous a donc accordé un entre­tien sans langue de bois où l’on comprend fina­le­ment le pour­quoi du comment d’une saison réussie. Deuxième partie de cette inter­view exclusive.

Garcia : « J’ai appris à me connaître » (1÷2)

Il y a un grand courant sur l’idée de maîtriser ses émotions. C’est quelque chose que vous travaillez avec un prépa­ra­teur mental ?

L‑PG : Tous ces sujets sont au cœur de la compé­ti­tion, donc forcé­ment, ils font partie de notre quotidien.

Est‐ce que c’est vous qui vous chargez de travailler cela avec Caroline ?

L‑PG : Nous avons bien sur une équipe autour de Caroline. Et elle est impor­tante. On est au moins 10, 12. C’est un team pluri­dis­ci­pli­naire et cela tourne durant la saison suivant les besoins. Il y a un binôme central. Autour de lui, il y a des experts sur lesquels on s’ap­puie suivant certaines problé­ma­tiques et cela dans tous les domaines : diété­tique, vidéos, statis­tiques, mental, tout est abordé et analysé. C’est un travail continu, comme un puzzle. Et à un moment donné, cela se met en place. Après, il faut aussi que l’ath­lète soit prêt et cela a été le cas cette saison pour Caroline.

On parle depuis vingt minutes, et ce qu’il y a de frap­pant c’est que toi comme ton père, on vous sent plus cool, plus zen que par le passé ?

L‑PG : Tout le monde progresse (rires).

CG : On fait notre chemin. Après ces derniers temps sur le court je déga­geais plus de séré­nité et de calme donc je pense que cela a forcé­ment des consé­quences sur ceux qui m’en­cou­ragent sur le bord du court. Cela calme le coach (rires). Quoi qu’il en soit, il y a toujours un échange et cela nous permet d’avancer.

Que répondez‐vous à ceux qui comparent ton parcours à celui de Marion Bartoli ?

CG : Elle a fait une très belle carrière, elle a gagné un Grand Chelem (Wimbledon 2013, ndlr), elle a été pendant des années dans les meilleures, elle a été au bout d’elle‐même. Il n’y a rien dire, c’est fort.

Avez‐vous essayé d’échanger avec elle, son père ?

L‑PG : Pas vrai­ment mais pas parce qu’il n’y avait pas de volonté. Tout simple­ment parce que je pense que dupli­quer c’est très diffi­cile. Après, on ne peut pas nier qu’il y a des simi­li­tudes. Le projet de Marion avec son père a été exem­plaire. On essaye aussi d’avoir cette ligne de conduite.

Y‑a‐t‐il des joueurs, joueuses qui t’ont motivé à devenir une championne ?

CG : Quand j’étais petite, je ne regar­dais pas trop de tennis féminin. J’étais par contre déjà très admi­ra­tive par rapport à ce que faisais Roger Federer. Et voir ce qu’il est encore capable de produire aujourd’hui c’est admi­rable en termes de perfor­mance, de prépa­ra­tion. D’autant que l’on voit bien qu’il est toujours en recherche. Quand je vois son revers et ce qu’il en a fait en allant plus vers l’avant, je trouve cela bluf­fant car j’ima­gine le travail qu’il y a eu derrière. Jamais il n’a cessé de vouloir progresser, et dans le tennis, c’est cela qui est beau, il n’y a fina­le­ment pas beau­coup de limites.

Tu as fini la saison 2017 à la huitième place, quel va être le carnet de route en 2018 ?

CG : Pour l’ins­tant, on n’a pas encore eu le temps de se poser pour penser à cela, mais l’ob­jectif reste bien évidem­ment de progresser. Après dans le tennis, on marque l’his­toire avec des titres en Grand Chelem, c’est évident. La clé, c’est surtout de ne pas se mettre de barrières et donc de viser très haut.

Est‐ce que tu es surprise par ta popularité ?

CG : J’ai pu voir que ma fin d’année avait produit quelque chose, c’est un plus, cela me fait plaisir.

En tant que cham­pionne, est‐ce que l’on peut se nourrir de ça pour aller encore plus loin ?

CG : Je ne sais pas. Quand tu lis que quel­qu’un t’a envoyé un message pour te dire qu’il a pleuré devant sa télé tu ne peux pas rester insen­sible. D’ailleurs quand je suis rentrée, j’ai été un peu surprise de cette effer­ves­cence. En Chine, il faut bien avouer que je n’avais pas pu concrè­te­ment évaluer cette situation.

Jacques Piasenta, l’an­cien entraî­neur de Marie‐José Pérec nous a expliqué que la culture de la gagne était aussi liée à une qualité extrême qu’il faut apporter à la prépa­ra­tion, il dit qu’il faut vrai­ment aimer s’en­traîner. Tu es d’ac­cord avec cela ?

L‑PG : Jacques a entiè­re­ment raison, c’est une clé.

CG : J’ai toujours été assez rigou­reuse. Après il y a des jours où tu es fatigué, tu as mal partout et donc c’est plus diffi­cile. Mais cette année, le fait d’avoir trouvé des solu­tions après ma bles­sure pour avoir moins mal, cela a fait du bien. J’ai retrouvé des sensa­tions dans le jeu, des ampli­tudes que je ne pouvais plus atteindre. Tout cela m’a donné plus de confiance.

Le nouveau prépa­ra­teur physique a donc joué un rôle fondamental ?

L‑PG : C’est évident. Par rapport au dos, le médecin sportif qui suit Caroline depuis long­temps nous avait donné des exer­cices à faire et les choses s’amé­lio­raient mais lente­ment. Du coup, il nous a conseillé d’aller voir Jérôme Simian. On savait qu’il avait des compé­tences poin­tues. On est allé à sa rencontre et cela s’est bien passé. On a très vite senti qu’il avait une autre façon de voir les choses, d’aborder ses douleurs. De toute façon, on est toujours à la recherche et il faut toujours être dans cette démarche si l’on veut être perfor­mant sur le circuit.

Après ton épopée en Asie, as‐tu eu beau­coup de solli­ci­ta­tions, as‐tu pris plaisir à faire ce petit road show ?

CG : Ce n’est pas forcé­ment l’exercice que je préfère. Je ne suis pas une personne qui aime se mettre en avant. Mais j’es­saye de partager ce que je vis tous les jours car il y a des attentes. De plus, si on s’in­té­resse à moi c’est aussi bon signe (rires) car cela veut dire que j’ai des bons résultats.

L‑PG : Cette notion de partage est capi­tale car pendant la compé­ti­tion c’est impos­sible à mettre en place. Donc cette semaine est impor­tante (NDLR : L’entretien a été réalisé le 31 octobre). Elle a vécu des choses. Elle peut en parler. Aller dans son club, voir des enfants, cela permet de cris­tal­liser pour passer à autre chose.

Pensez‐vous que les médias en font trop ?

CG : Ce n’est pas à moi de le dire. En fait, j’ai remarqué que l’on t’en­terre très vite, comme on te monte très haut. Après c’est à l’ath­lète de faire la part des choses et de connaître sa vérité. Il faut juste savoir pondérer les choses.

Y‑a‐t‐il eu des messages qui t’ont fait parti­cu­liè­re­ment plaisir ?

CG : Tous bien sûr, après c’est vrai que ceux d’Alain Reynaud mon profes­seur à la ligue et ceux de Muriel de mon club de l’ASUL à Villeurbanne raisonnent diffé­rem­ment. C’est toujours un peu spécial, c’est émou­vant, car ils sont là depuis longtemps.

Coaching on court

Chez les filles, le coach a le droit de venir conseiller sur le court son athlète, une possi­bi­lité qu’u­ti­lise volon­tiers Caroline Garcia : « Je fais appel à mon père quand j’en éprouve le besoin. Après, c’est vrai que c’est très rapide mais cela peut m’aider, me reca­drer sur le plan de jeu que l’on a défini avant. » Une analyse que partage Louis‐Paul : « C’est drôle mais quand je regarde un match et que je vois les échanges entre une cham­pionne et son entraî­neur j’ai l’im­pres­sion que c’est long. Alors que quand j’y suis, cela passe à une vitesse incroyable. De ce fait, j’es­saye vrai­ment d’être précis, d’évo­quer les points essen­tiels. C’est souvent d’ailleurs plus de l’ordre mental que technique. »

Les rondelles et l’inné

Caroline se souvient forcé­ment de certaines défaites lors­qu’elle n’était pas encore l’ath­lète d’au­jourd’hui : « Quand j’étais jeune, et que j’étais une atta­quante, il y avait toujours des filles qui faisaient des « rondelles », je perdais tout le temps face à elle. C’était vrai­ment frus­trant. Puis, je me suis aguerrie et la tendance s’est inversée. L’erreur aurait été de me dire qu’il fallait changer mon jeu pour les battre et que je n’ar­ri­ve­rais pas à passer ce cap » explique la Lyonnaise. « C’est un bon exemple que présente Caroline, l’inné au tennis, j’y crois peu. D’ailleurs on a revu une vidéo quand elle avait 12 ans, et bien celui qui y voit de l’inné est fort. Je pense sincè­re­ment que le tennis est un sport très compliqué, qu’il demande des qualités excep­tion­nelles, de l’ab­né­ga­tion et aussi un peu d’obs­ti­na­tion. Le tennis est un appren­tis­sage continu, cela ne s’ar­rête jamais, il ne faut jamais cesser de se remettre en cause. »

Retrouvez gratui­te­ment et en inté­gra­lité le numéro 61, le dernier numéro de notre maga­zine GrandChelem… Bonne lecture !