Dans sa volonté d’innover en permanence, Patrick Mouratoglou a décidé de mettre en place un team composé de trois joueurs : le Grec Stefanos Tsitsipas, les Australiens Thanasi Kokkinakis et Alexei Popyrin. En marge de Roland‐Garros après les victoires de ses deux juniors (Tseng Chun‐Hsin pour les garçons et Cori Gauff chez les filles), le fondateur de l’académie éponyme nous a présenté ce nouveau concept, et comme toujours, avec beaucoup d’envie, de fraîcheur et d’enthousiasme.
Patrick, d’où est née l’idée d’un team et comment a‑t‐il été mis en place ?
L’idée est partie du constat que l’on forme des juniors à l’académie, que c’est dans notre ADN. De plus, on obtient régulièrement des très bons résultats dans les tournois majeurs, avec par exemple trois champions du monde et quatre qui ont été numéros 1. Autrement dit, on connaît par cœur la formation des jeunes. Les juniors passent ensuite dans le monde professionnel et selon leur évolution, on se doit de mettre en place une équipe qui va individualiser le travail car les besoins sont de plus en plus spécifiques et précis. C’est ça le très haut‐niveau et on souhaite faire du sur‐mesure car l’on pense que c’est comme cela que l’on peut continuer à progresser. L’idée est donc de déterminer ce dont ils ont besoin de travailler pour aller au niveau supérieur et que l’équipe puisse leur apporter cela. On a commencé avec Stefanos (Tsitsipas) en lui mettant à disposition un préparateur physique sur une vingtaine de semaines en tournois. Ils ont donc leur équipe au sein d’une équipe, d’un team. Il y a des ressources partagées et d’autres qui ne le sont pas. Ils peuvent donc conserver une personne de leur staff, on y ajoute une ressource spécifique selon le besoin et on va partager d’autres ressources : j’en fais partie et il y a aussi par exemple le kiné (Jérôme Bianchi) qui voyage avec eux toute la saison. C’est un vrai team car il y a un projet commun, un véritable état d’esprit. On réfléchit déjà à faire la préparation d’intersaison tous ensemble. On va partager beaucoup de choses aussi bien en gardant les spécificités des uns et des autres et leur équipe dédiée. C’est cela l’idée général du team, de l’invididualisation mais aussi du collectif, on croit beaucoup à ce mode de fonctionnement car il se produit de façon vertueuse une vraie émulation.
Comment ont été choisis les joueurs ?
Je choisis les joueurs et il faut que je me sente « proche » d’eux, il faut aussi que je sois persuadé qu’ils possèdent beaucoup de potentiel, que dans un avenir lus ou moins proche, ils pourront jouer les premiers rôles. On accompagne Stefanos depuis pas mal d’années. Alexei Popyrin a remporté les juniors l’an dernier (à Roland‐Garros) et monte très vite. Enfin, Thanasi (Kokkinakis) est venu à l’académie et j’ai eu un excellent « feeling » avec lui. Je le connais depuis qu’il a 14 ans et son père, lorsque l’on a finalisé l’accord, s’en souvenait ! J’apprécie beaucoup son coach, Todd Langman, qui est un type fantastique et l’entraîne depuis ses 7 ans ! Thanasi est un jeune joueur qui n’a pas encore exploité son potentiel car il n’a vraiment pas été gâté en enchaînant les blessures graves. Il bénéficie donc d’un préparateur physique à temps plein suite au bilan morphostatique effectué avec lui. On a vu les zones à risque et on a donc établi un programme qui lui est spécifique et qui est appliqué tous les jours. Le but est de faire de la prévention avant de faire du développement. Quand on construit une maison, on fait d’abord les fondations avant le toit, donc il est nécessaire de faire les choses dans le bon ordre.
Depuis la mise en place du team, quels sont les retours des joueurs ?
Il y a une atmosphère absolument géniale ! L’état d’esprit est fantastique entre les joueurs, les membres du staff… C’est une volonté commune. Ce que je veux, c’est qu’ils aillent se soutenir les uns les autres, comme une équipe de Coupe Davis qui serait en tournoi. En tenant compte des différentes individualités, il existe la possibilité de faire un sport d’équipe dans un sport individuel.
Finalement, c’est quelque chose de novateur…
J’ai toujours fait les choses différemment mais pas par choix pour me démarquer ou faire parler de moi. Quand je regarde ce qui existe déjà pour la formation des champions, je ne trouve pas cela excitant. De plus c’est souvent des vieilles recettes, des concepts très usés qui rentrent dans certains cases. Dans le tennis, on a du mal à sortir de ces schémas de formation. Dans le passé, on m’a beaucoup critiqué et maintenant finalement on copie ce que j’ai fait. Il y a 20 ans, je disais qu’il fallait intégrer les parents et aujourd’hui tout le monde veut le faire. Il y a 20 ans, j’étais le seul à parler de sur‐mesure alors que tout le monde voulait faire du volume, c’était le système de l’entonnoir. Je crois beaucoup plus au sur‐mesure et au bon choix des joueurs. Dans mon premier groupe en 2000, il y avait Marcos Baghdatis, Gilles Muller, Ivo Karlovic, Paul‐Henri Mathieu, Mario Ancic, Sergiy Stakhovsky, Pauline Parmentier, Mandy Minella, Nicolas Coutelot… Aujourd’hui, c’est système qui est copié car les fédérations optent pour le sur‐mesure. La vie est intéressante et excitante parce que l’on créé. Je vais là où mon instinct me dit d’aller. J’essaie de faire appel à mon bon sens.
« Le vrai talent, c’est le travail, l’ambition et la combativité »
Avec la préparation de Serena, comment gérez‐vous votre investissement au sein du team ?
J’essaie d’y passer le temps nécessaire. Ils ont des coachs et leur staff qui font le travail de fond, mais je suis présent avec eux. Je vais voir les matchs, je leur parle et quand il le faut, je vais aussi sur le terrain avec eux.
D’autres joueurs et joueuses seront susceptibles d’intégrer le team dans les années à venir quand on voit les succès de Cori Gauff et Tseng Chun‐Hsin chez les juniors à Roland‐Garros…
Je ne suis pas surpris que l’on gagne des grands tournois car chaque année on fait au moins des finales ou des demies dans les Petits As, à l’Orange Bowl ou dans les juniors. L’académie est une pépinière à champions presque unique au monde. Pour parler de Cori, elle est exceptionnelle. Elle est venue faire des tests à 11 ans et on n’a pas hésité une seule seconde. On voyait déjà sa détermination, ses qualités athlétiques et je me disais que l’on devait développer cette joueuse. Le métier est double : de la détection et du développement de talent.
Five finals (including three ????) over the last five junior Grand Slams.
Back‐to‐back Boys’ @rolandgarros titles (2017 & 2018).
A historic double this year at #RG18.
We’re shaping champions. pic.twitter.com/nqczXprPCB
— Mouratoglou Tennis Academy (@MouratoglouAcad) 11 juin 2018
Avec la mise en place du team, une émulation peut se créer au sein de l’académie ?
C’est exactement ça et les juniors peuvent se dire qu’ils ont la possibilité d’en faire partie. C’est essentiel d’être tiré par le haut, ce qui manque dans beaucoup d’endroits. Chez nous, le plus ambitieux, le plus travailleur aura toujours raison. C’est le plus grand des talents. Le vrai talent, c’est le travail, l’ambition et la combativité. Ce que je veux c’est qu’il y ait de l’émulation entre nos joueurs pour qu’ils soient aspirés vers le haut. On a du haut de la pyramide avec Serena, d’autres joueurs professionnels et de plus en plus, ceux du team, les meilleurs juniors, les meilleurs moins de 16 ans ou moins de 14 ans…
Publié le lundi 25 juin 2018 à 12:04