AccueilDocuParmentier : "Le plus dur est derrière moi"

Parmentier : « Le plus dur est derrière moi »

-

Lauréate du troi­sième titre de sa carrière à Istanbul après un début de saison inquié­tant, Pauline Parmentier revient de loin. Un retour mérité parmi l’élite pour une joueuse atta­chante au grand cœur qui reste un vrai exemple de pugna­cité. Interview issue du numéro 64 de Grand Chelem.

Début avril, avant la campagne de Fed Cup, tu perds en Tunisie contre la 379e mondiale. Trois semaines après, tu remportes à Istanbul le 3e titre de ta carrière après une attente de dix ans. Y a‑t‐il quelque chose qui explique ce chemi­ne­ment plutôt étrange ?

Je peux comprendre que tout cela paraisse un peu mystique. Mais en y réflé­chis­sant un peu, il y a fina­le­ment une vraie logique. Déjà, il faut savoir qu’avec mes entraî­neurs, malgré mes mauvais résul­tats du début de saison, nous n’avons jamais rien lâché. On ne s’est pas résigné. Et pour­tant, je peux vous dire que cela a été très dur. Pour moi, le point d’orgue a été le week‐end à Mouilleron‐le‐Captif lors de la rencontre de Fed Cup face à la Belgique. J’étais au fond du trou, ma balle n’avançait plus, c’était horrible, un cauchemar éveillé.

Qu’as-tu fait pour sortir de cette spirale négative ?

Déjà, je me suis posé les bonnes ques­tions sur mon atti­tude et mon état d’esprit général. Savoir si j’avais encore envie de me battre. De plus, je voulais abso­lu­ment retrouver l’équipe de France non pas comme une victime mais bien comme une vraie cham­pionne prête à en découdre, donc il fallait que je change des choses, que je me remette en question.

Et ?

En fait, après mon élimi­na­tion à Miami, on a mené une petite réflexion avec mes coachs. Comme je me plai­gnais que ma balle ne giclait plus et que mon épaule me faisait mal, ils m’ont proposé que j’essaye de changer de raquette, en fait de passer de la Pure Strike à la Pure Drive.

Et alors ?

Tu connais le milieu, j’en ai parlé autour de moi et ça a beau­coup jasé. On m’a dit que j’allais toucher les bâches, que ce modèle était trop puis­sant, etc., etc. Au final, j’ai fait abstrac­tion de tout ça, et vu le contexte, je n’avais de toute façon rien à perdre. De plus, les essais que j’avais commencé à faire sur terre battue étaient bons. J’ai donc décidé de mettre la raquette blanche au placard pour ne pas être tentée et je suis partie en Tunisie avec la bleue.

Et après cette fameuse décon­venue, tu pratiques vrai­ment un tennis offensif en Fed Cup à Aix‐en‐Provence face aux États‐Unis…

Oui, je perds, mais je me bats, je retrouve des sensa­tions que je n’ai pas ressen­ties depuis des lustres. Je joue long, quelque part je me retrouve en tant qu’athlète de haut niveau. Et je riva­lise avec Sloane Stephens et Madison Keys, ce qui n’est pas rien. Être enfin moi sur le court me soulage. D’ailleurs, sur cette rencontre, il règne une ambiance de fou, très posi­tive. On sent que tout le monde veut que l’on réus­sisse. C’était beau­coup moins lourd que face à la Belgique où on parlait encore un peu trop des absentes, où l’on sentait que l’on était prêtes à se faire descendre.

Finalement, pour toi, la Fed Cup a‑t‐elle été un boosteur ?

Au début non (rires), mais ce sont main­te­nant de mauvais souve­nirs. Donc oui, grâce à la Fed Cup, j’ai retrouvé l’envie. Il faut dire que person­nel­le­ment, j’ai pris un kiff monu­mental avec Yannick Noah. Cela a aussi compté. Ce mec est incroyable, c’est pour cela que l’on a tous fondu en larmes lors de la dernière confé­rence de presse. Y penser me donne encore des frissons.

Il avait promis de rester en contact avec vous. Est‐ce que Yannick t’a féli­citée pour ton titre en Turquie ?

Bien évidem­ment, on a un compte WhatsApp Fed Cup et je peux vous dire que ça fuse. On s’envoie des photos, de beaux messages. Durant toute la semaine du tournoi, j’ai été soutenue, c’était trop bon !

Ce titre doit te donner de l’ambition pour Roland‐Garros…

Déjà, dans un premier temps, j’ai savouré ce moment. Je ne veux surtout pas me mettre de pres­sion. Je sais que physi­que­ment je suis très bien, que si je garde cette constance, je peux gêner beau­coup de filles. Maintenant que le plus dur est derrière moi, je pense surtout à prendre du plaisir, j’essaye de ne pas me projeter. 

As‐tu été surprise de l’élan média­tique, notam­ment sur les réseaux sociaux, suite à ce succès à Istanbul ?

Pour dire la vérité, oui. Bien sûr, j’ai reçu beau­coup de « likes », mais ce qui m’a le plus touché ce sont les commen­taires qui décri­vaient qui j’étais, les valeurs que je dégage. C’est très émou­vant et surtout ça prouve qu’il ne faut jamais être résigné, qu’il faut toujours cher­cher des solu­tions et surtout rester soi‐même.

Cela fait main­te­nant long­temps que tu es sur le circuit. Le tennis féminin est‐il toujours le même aujourd’hui qu’il y a dix ans ?

Alors allons‑y (rires) ! En fait, il y a une vraie tendance chez les joueuses les plus fortes. Elles ont toutes leur staff avec leur kiné, leur prépa­ra­teur physique et leur coach. Du coup, elles n’ont besoin de personne, elles restent avec leur clan. En gros, rien n’existe vrai­ment à part leur team et elles ne se sentent même pas obli­gées de te dire bonjour. Dans les vestiaires, elles ne te calculent pas. Moi, je me souviens du compor­te­ment de Francesca Schiavone, par exemple, qui a quand même gagné Roland‐Garros et qui était toujours simple tout en mettant aussi de temps en temps l’ambiance dans les vestiaires. Tout cela, c’est du passé. On est dans un nouveau système avec Instagram, Twitter, Facebook, c’est comme ça. Après, je ne veux surtout pas géné­ra­liser car à Istanbul, par exemple, Caroline Wozniacki a été au top avec moi alors même que la fille est une star du circuit.

Retrouvez gratui­te­ment et en inté­gra­lité le numéro 64, le dernier numéro de notre maga­zine GrandChelem… Bonne lecture !