AccueilDocuPouille : "Une saison réussie serait d'être au Masters de Londre"

Pouille : « Une saison réussie serait d’être au Masters de Londre »

-

C’est à l’Open 13 de Marseille, bien avant sa dixième place mondiale et son week‐end trans­alpin, que nous avons rencontré Lucas Pouille. Plus qu’un entre­tien sur son actua­lité, nous avons cherché à retracer le parcours de celui qui est aujourd’hui le numéro 1 tricolore.

Lucas, en l’espace de quelques mois tout s’est accé­léré, y compris sur le plan extra‐sportif avec de nombreux nouveaux spon­sors. Comment as‐tu vécu ce changement ?

Je dirais que ce n’est jamais assez rapide ; si c’était arrivé plus tôt, cela aurait été encore mieux. Personnellement, je l’ai plutôt bien vécu. Je pense que c’est positif et cela démontre que les résul­tats suivent. Dans le cas contraire, ce serait plus inquié­tant et plus négatif. Je vois le bon côté des choses. J’essaie de m’en servir pour conti­nuer à travailler et aller le plus loin possible, je ne veux pas m’arrêter là.

Pour en arriver là, on suppose forcé­ment que tu es un vrai passionné de tennis. Peux‐tu nous dire comment tout cela a commencé ?

Je me souviens très bien du premier jour où je suis arrivé sur un court. Ils venaient de finir de construire la salle de tennis à côté de chez mes parents, à Loon‐Plage. Attention, les gens font souvent l’erreur : je suis né à Grande‐Synthe mais je suis de Loon‐Plage et il faut bien l’écrire, sinon mon père ne va pas être content (rires). Un ami de la famille, Sébastien, nous a demandé si on voulait essayer. C’est la première fois que j’avais une raquette entre les mains et c’est à ce moment‐là que j’ai appris ce qu’était le tennis. J’avais sept ans et demi. Mes premiers entraî­neurs étaient Christophe et Ghislaine Zoonekynd, je les ai eus pendant deux ou trois ans. Après je me suis entraîné à la Ligue et je suis parti à Poitiers.

Te souviens‐tu de ta pyra­mide de classement ?

Si je ne me trompe pas, j’ai commencé par 303, 301 à l’intermédiaire, ensuite 153, 151, 56, 3/6… Je ne me souviens plus exac­te­ment de la suite, mais ma progres­sion ressemble à ça.

À quel moment as‐tu décidé que tu allais faire carrière ? Disais‐tu à ta maîtresse : « Je veux être joueur professionnel » ?

Non (sourire), c’était plutôt un rêve et pas vrai­ment un objectif. Je ne me mettais pas en tête que c’était ce que je voulais. À l’âge de 12 ans et demi, je suis parti à la Fédération, à Poitiers. C’est à ce moment‐là que les choses commencent peu à peu à se mettre en place, bien que cela reste légè­re­ment vague et pas encore très clair. C’est à 1415 ans que j’ai réel­le­ment décidé d’en faire mon métier.

La saison 2018 a commencé par une décep­tion à l’Open d’Australie avant un titre à Montpellier, mais aussi deux finales à Dubaï et Marseille. Si tu devais te fixer un objectif prio­ri­taire pour 2018, quel serait‐il ?

C’est toujours le même : Roland‐Garros est l’objectif le plus impor­tant de la saison. Malheureusement, un tournoi ne fait pas une saison. Pour moi, 2018 sera une réus­site si je me qualifie pour le Masters de Londres. Pour y arriver, cela passe par bien jouer dans les ATP 500 et 250 bien sûr, mais surtout dans les tour­nois du Grand Chelem et les Masters 1000. C’est là que ça compte, et c’est aussi dans ces tour­nois que l’on prend le plus de points.

Où estimes‐tu que tu doives encore progresser ?

Je dirais dans la constance et la régu­la­rité, essayer d’éviter les défaites « surprises ». Il y a toujours des semaines où je joue très bien et d’autres où je connais des baisses, cela s’est vérifié l’année dernière. Si j’arrive à être constant toute la saison, cela me permettra de m’installer dans le Top 10. C’est ce qui m’a manqué en 2017 pour faire une saison encore plus effi­cace. J’ai conscience de cela et je fais tout pour gommer cette petite faille.

En janvier, tu as étonné avec l’arrivée de Tommy Haas en tant que consul­tant. D’où est venue cette idée d’avoir un conseiller ?

En 2017, on [Lucas et son équipe] avait commencé avec Cédric [Pioline] qui avait fait quelques jour­nées avec nous. En fait, Tommy [Haas] était un joueur que j’appréciais beau­coup lorsqu’il était en acti­vité, c’était un de mes joueurs préférés. J’ai réfléchi avec Manu [Planque] pour savoir qui pouvait nous apporter un réel plus. On a estimé que Tommy était cette personne et on a fait une période d’essai en Australie. Cela va se prolonger sur plusieurs semaines dans l’année. Après, est‐il incon­tour­nable d’avoir un conseiller aujourd’hui ? Je ne pense pas, mais ça peut tota­le­ment aider. Tommy a son expé­rience, il a vécu des émotions fortes comme moi je peux les vivre sur le terrain. Il peut m’apporter quelque chose, ce n’est que positif pour moi.

Qu’as-tu retiré de cette première en Australie ?

Malgré sa très courte durée, la rela­tion a été très bonne. Il est arrivé juste avant un Grand Chelem et ce n’est pas le moment où l’on apporte le plus de choses. J’ai très envie de pour­suivre avec Tommy.

J’ai lu un entre­tien où tu expli­quais avoir envie de tout casser après des défaites et cela tranche forcé­ment avec ton atti­tude sur le court où tu montres très peu tes émotions. Peut‐on dire que c’est le feu sous la glace ?

Aucune personne n’est relax sur le terrain, c’est impos­sible, et on est tous diffé­rents dans la manière dont on montre nos émotions. Sur le terrain, je suis très calme, j’essaie de ne rien laisser trans­pa­raître, de ne rien montrer. En dehors, je suis très très énervé (sourire) quand je perds ou même quand je n’arrive pas à mettre mon jeu en place. N’importe quelle défaite est douloureuse.

Comment travaille‐t‐on ce « body language » ?

À travers des discus­sions. Je pense que c’est quelque chose qui vient de soi‐même. On peut tous décider de ne pas casser de raquettes, de ne pas montrer ses émotions. C’est plus diffi­cile pour certains que pour d’autres. Mais avant de le travailler, il faut que ça vienne de nous‐mêmes.

Tu as partagé des séances d’entraînement avec Roger Federer, par quoi as‐tu été impressionné ?

C’est avant tout le plaisir qu’il prend au quoti­dien à jouer et s’entraîner. Après 20 ans de carrière, on pour­rait sentir de la lassi­tude, un manque de moti­va­tion pour aller à l’entraînement, pour se mettre dans le dur. Lui, ce n’est pas du tout le cas. Il prend toujours un plaisir incroyable à jouer, à s’amuser parfois comme un enfant sur le terrain. C’est surtout ça qui m’a le plus surpris.

Es‐tu bluffé par ce qu’il réalise ?

Non, ce n’est pas vrai­ment éton­nant car en 2016, lorsqu’il arrête pour soigner son genou, je m’étais beau­coup entraîné avec lui pendant l’hiver et je l’avais déjà trouvé très très fort. Il était déjà extrê­me­ment bien préparé. On s’était dit qu’il gagne­rait proba­ble­ment l’Open d’Australie [en 2017] et il l’a fait. Et depuis, il a très peu perdu.

Il y a un an environ, tu as décidé de rester chez ton équi­pe­men­tier Prince. Pourquoi ce choix ?

J’ai réalisé la meilleure saison de ma carrière en 2016 avec deux quarts de finale en Grand Chelem (Wimbledon et US Open) ainsi qu’un premier titre, au Moselle Open de Metz. Il était naturel pour moi de conti­nuer avec l’outil qui m’avait fait si bien jouer, cela aurait été plutôt risqué de faire l’inverse, d’autant que je me sens très bien avec Prince.

Participes‐tu au déve­lop­pe­ment de la marque ?

Oui, je parti­cipe à son déve­lop­pe­ment en donnant régu­liè­re­ment mes « feed­backs » aux équipes de Prince qui sont toujours très à l’écoute et apportent conti­nuel­le­ment les modi­fi­ca­tions infimes qui me permettent d’améliorer mes sensa­tions. Je suis impliqué et je prends beau­coup de plaisir à faire de la promo­tion pour Prince, notam­ment lorsque je fais des clinics avec des jeunes, c’est toujours très enri­chis­sant et cela me permet aussi de véri­fier ma célé­brité [rires].

Quelle était ta première raquette ?

Je suis passé par plusieurs marques étant plus jeune. Depuis que je suis chez Prince, je crois n’avoir joué qu’avec la TeXtreme Tour 100P. Elle convient à mon jeu, j’ai de très bonnes sensa­tions tant en puis­sance qu’en touché. Cela n’a pas de prix d’avoir confiance en son cadre, cela reste quand même notre outil de travail.

Un palmarès déjà bien fourni…

Avec 5 titres au comp­teur pour 9 finales, Lucas Pouille présente à 24 ans des statis­tiques plutôt satis­fai­santes. Il devance d’ailleurs déjà au clas­se­ment des joueurs trico­lores les plus titrés Sébastien Grosjean ou encore Arnaud Clément. On rappelle que c’est Yannick Noah qui domine la hiérar­chie avec 23 titres devant Jo‐Wilfried Tsonga (16), et Richard Gasquet (14).

Retrouvez gratui­te­ment et en inté­gra­lité le numéro 63, le dernier numéro de notre maga­zine GrandChelem… Bonne lecture !

Article précédent
Article suivant