Les équipementiers du tennis représentent plus d’un tiers de la richesse économique du tennis ; pourtant leurs missions n’ont guère été transformées depuis des décennies. Avec le changement des modes de consommation et l’émergence de l’ère numérique, tout cela pourrait évoluer, comme l’explique le directeur France des ventes de la marque Tecnifibre.
Êtes‐vous surpris des chiffres avancés par l’étude présentée lors des États généraux quant au poids des équipementiers ?
Pas vraiment, les chiffres semblent en phase avec le croisement des données que nous avons en notre possession. Nous étions plus surpris par le fait que ce soit les clubs qui génèrent aujourd’hui le plus de ressources au sein de tout l’écosystème.
Que préconisez‐vous pour que l’écosystème du tennis soit plus efficient ?
Comme dans tout système économique, c’est le volume et le niveau d’engagement du consommateur qui restent les principaux juges de paix. Pour que le marché progresse, nous avons besoin que la pratique reparte en croissance. Les clubs perdent des licenciés, car l’image du tennis s’est dégradée, conjuguée à une forte concurrence de nouveaux sports émergents. Nous avons besoin d’une profonde remise en question de l’attractivité de nos structures et de la fidélisation par leurs équipes. L’objectif numéro 1 : optimiser l’expérience client dans les clubs de tennis.
Est‐ce que le schéma des équipementiers qui dépensent beaucoup d’argent sur les joueurs n’est pas quelque peu obsolète quand on songe à tout ce qu’ils pourraient faire en dépensant sur des actions plus concrètes ?
Le marketing sportif a toujours drivé une partie importante de la communication des marques. Aujourd’hui, il existe néanmoins un vrai déséquilibre entre la situation du marché, plutôt tendue, et ce que coûtent les contrats des athlètes. Nous sommes effectivement en droit de nous poser la question, notamment lorsqu’on voit la chute du marché du tennis en Espagne sur les dix dernières années, au moment même où le plus grand champion de leur histoire est apparu.
Pensez‐vous, comme d’autres marques, que le padel peut être un vrai relais de croissance pour les équipementiers ?
C’est évident. Le tennis a perdu ces dernières années en attractivité. Le consommateur de sport est ouvert à de nouvelles disciplines, de nouvelles sensations. Le padel peut répondre à ces demandes et faire revenir les joueurs et les joueuses de tennis dans les clubs. Néanmoins, nous sommes encore trop light en termes de structures, et un soutien de la part de la FFT sera fondamental si l’on souhaite faciliter l’accès à ce sport.
Comment un équipementier peut‐il influencer concrètement le marché du tennis pour le rendre plus sexy, plus attrayant, plus productif ?
Pour un équipementier, il y a deux niveaux d’action à mon sens. Le premier, c’est la pertinence des produits, leur qualité au jeu et leur désirabilité. Le matériel fait partie intégrante de la performance, à tous les niveaux. Notre rôle est de développer des produits qui donnent confiance et maintiennent les consommateurs dans la pratique. Le deuxième, c’est l’animation du réseau. Nous devons être capables d’apporter des solutions d’animations dans les clubs, en relation avec nos coachs : tests produits, animations en écoles de tennis, etc.
De façon traditionnelle, on est dans un schéma avec un club, un magasin et une marque. Ce modèle est‐il là aussi le plus efficient pour faire du business ?
Il est fondamental. Le point de vente est le relais entre le club et la marque. Le tennis a cette spécificité de drainer de l’activité via la casse du cordage. Le pratiquant est amené à consulter le magasin régulièrement, et ce dernier reste le maillon numéro 1 pour harmoniser les relations au quotidien entre les trois parties. Il permet également de recommander les différentes gammes de produits, de les faire jouer et de diffuser le partage d’expertise au niveau local. Néanmoins, cela ne veut pas dire que les marques ne doivent pas être en mesure de communiquer directement auprès du consommateur final.
Ne faut‐il pas que les équipementiers prennent des initiatives plus innovantes que sortir de nouvelles raquettes ?
C’est un point important. Nous sommes actuellement un peu à « l’arrêt » en matière de technologie sur les raquettes, après une période de développement faste sur les années 70÷80÷90. Mais des pistes sont explorées comme le connecté, ou encore les raquettes spécifiquement retravaillées pour le tennis féminin, comme nous l’avons fait cette année (raccourcissement de la longueur du cadre pour plus de maniabilité, et des cadres ainsi plus adaptés à la morphologie féminine…).
Nike et Adidas ont su prendre le virage du numérique en changeant certains codes et modes de consommation. Dans le tennis, on n’a rien vu venir, pourquoi ?
Nike et Adidas sont des marques tellement puissantes qu’elles créent de la demande spontanée et ont eu besoin de donner accès à leurs produits de manière directe, sans intermédiaire. Dans le matériel tennis, un univers hyper technique, la notion de recommandation est fondamentale et le vendeur en magasin reste un maillon essentiel dans le process de transformation d’achat. Je pense néanmoins que l’on y arrivera aussi, toujours dans cet objectif d’être plus proche du consommateur. On peut quasiment affirmer aujourd’hui que la consommation des produits tennis dans le futur se fera certainement à 360° avec des ventes par les pure players sur internet, la distribution physique et la vente B to C par les marques elles‐mêmes.
Est‐il complètement utopique de se dire qu’une marque comme Tecnifibre pourrait avoir 5 centres de padel à son nom sur le territoire, par exemple ?
Sur du naming lié à des contrats de partenariat, pourquoi pas… C’est envisageable. Pour le reste, créer des structures, c’est un autre métier…
Les chiffres clés des équipementiers en 2016
513 000 raquettes vendues
14,5 millions de balles
52 263 bobines de cordages
350 000 garnitures
Un chiffre d’affaires de 39 millions d’euros
Publié le vendredi 27 avril 2018 à 10:07