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Quel tennis pour demain – Virgile Caillet : « C’est le prati­quant qui décide » (1÷4)

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L’ÉCHO DE « L’ÉCO »

Après les États géné­raux des clubs, la Fédération fran­çaise de tennis a orga­nisé le jeudi 15 mars les États géné­raux de l’écosystème du tennis. GrandChelem était bien sûr présent pour parti­ciper à ce brains­tor­ming géant. Plus de 250 acteurs avaient répondu présents pour partager leurs impres­sions et se projeter dans l’avenir. Le thème général retenu était d’imaginer le tennis dans dix ans. C’est-à-dire en 2028. À l’issue de cette journée pleine d’enseignements, il nous a semblé utile de vous proposer un petit résumé via un dossier centré
sur l’économie du tennis. Une économie mise à mal par une pratique qui a changé, qui s’est trans­formée. D’où un chan­tier à venir que l’on devra construire ensemble pour que le tennis conserve cette viva­cité qu’on lui connaît depuis les années 80. 

Notre objectif, à travers des témoi­gnages précis, est de présenter des solu­tions, mais aussi d’ouvrir le débat. Rappelez‐vous, en février 2014, dans notre numéro 44 inti­tulé « Où va le tennis en France ? », nous avions fait un état des lieux plutôt clair des maux qui rongeaient notre tennis. Depuis, la situa­tion ne s’est pas vrai­ment améliorée, mais la prise de conscience est réelle. 

Ces États géné­raux l’ont confirmé, tous les acteurs et la FFT ont envie de réin­venter le tennis du futur, un tennis moderne et perfor­mant. Maitenant, il ne nous reste plus qu’à nous mettre au travail (élus, cadres de la FFT, profes­seurs diplômés, prési­dents de clubs, direc­teurs de marques, médias, etc.) pour rendre le tennis encore plus attractif, ludique et convi­vial. Pour cela, il faudra donc trans­former, innover et surtout réin­venter le club de tennis qui reste le cœur de la pratique et le début du parcours d’un futur champion. 

Virgile Caillet : « C’est le prati­quant qui décide »

Le délégué général de l’Union Sport & Cycle qui regroupe l’ensemble des marques du sport porte sur l’écosystème du tennis un regard exté­rieur tout en nuances. Ses analyses défi­nissent les enjeux qui vont permettre au tennis de garder une place prépon­dé­rante dans l’économie du sport.

Selon vous, ces États géné­raux étaient‐ils utiles ?

C’est une plai­san­terie (rires). Bien évidem­ment, réunir tous les acteurs de l’écosystème du tennis pour réflé­chir à son avenir, faire un état des lieux, cela me paraît essen­tiel. D’ailleurs, c’est ce que l’on réalise souvent à l’Union Sport & Cycle avec nos marques. Cela permet de se projeter, de résoudre des problé­ma­tiques. Je crai­gnais des États géné­raux un peu géné­ra­listes, cela fut tout le contraire. Une orga­ni­sa­tion bien huilée, très profes­sion­nelle, des tables rondes de travail bien orga­ni­sées ; non vrai­ment, c’est une belle réussite.

Venons‐en aux chiffres, quelle est la place du tennis par rapport à d’autres disciplines ?

D’après nos études, le marché des équi­pe­men­tiers pèse 300 millions d’euros. Il est stable. C’est moins que celui du foot­ball (450 millions), plus proche du ski (400 millions). Si l’on exclut les statis­tiques du vélo, car ce n’est pas toujours une pratique spor­tive (le marché ayant dépassé le milliard), c’est le running qui est sur la première marche du podium avec environ 850 millions.

Le tennis semble donc en queue de peloton ?

Il est certain que son âge d’or est dépassé. D’ailleurs, on sent le même décro­chage qu’au ski avec une rupture géné­ra­tion­nelle. Le foot­ball, par exemple, a eu la chance de voir le Foot 5 exploser, c’est comme cela qu’il a pu garder toute une géné­ra­tion de jeunes en termes de pratique. Ils ne sont pas enca­drés, ils jouent avec leurs amis quand ils veulent. L’idée de pouvoir être libre est un élément essen­tiel pour la pratique d’un sport aujourd’hui. Après, le tennis a une vraie force, il est ancré dans notre patri­moine. La preuve : dans toutes nos études, il y a toujours dans un foyer une raquette de tennis. C’est avec le maillot de bain le seul équi­pe­ment que l’on trouve dans tous les foyers français.

C’est donc au tennis de s’adapter au prati­quant et non l’inverse ?

Évidemment, le sport (donc le tennis) doit être consi­déré comme un produit de consom­ma­tion. En général, c’est le client qui est roi. Il faut donc réin­venter l’offre tennis pour qu’elle soit attrac­tive et séduisante

Vous êtes en train de dire que le modèle club‐licence est obsolète ?

Non, car il fonc­tionne encore pour certaines caté­go­ries de passionnés. Mais on sent bien que pour une pratique plus large et plus ludique, il faut changer de cap, comme l’ont fait d’ailleurs d’autres disciplines.

Pouvez‐vous être plus précis ?

La Fédération fran­çaise a décidé de lancer une appli­ca­tion multi­ser­vice, c’est une très bonne nouvelle, par exemple. Il faut multi­plier les initia­tives pour recréer du lien. Le tennis a quand même un vrai avan­tage : pour jouer, il faut se rendre dans un club. Maintenant, il faut juste savoir ce que l’on met derrière le mot « club », les services qui vont avec. J’ai envie de dire que si demain je suis membre de la Fédération fran­çaise de tennis, je devrais pouvoir jouer presque n’importe où n’importe quand si bien sûr les courts sont libres (rires).

Ce serait une petite révolution !

Tout est possible aujourd’hui, car on peut tracer la vie d’un consom­ma­teur, il faut donc vrai­ment faire un effort sur l’offre tennis que l’on est capable de proposer. C’est la clé du succès pour les années à venir. Et cette offre doit réunir certains critères qui soient les moins contrai­gnants possible. J’ai envie de jouer sur terre battue, mon club n’en possède pas, eh bien je peux quand même jouer dans une struc­ture pas loin de chez moi. Je sais que cela peut paraître complexe, mais il est évident que cela crée­rait du mouve­ment et de l’envie. Le modèle de la licence couplée à l’adhésion annuelle n’est pas l’unique offre à proposer ; or c’est encore souvent le cas.

Faut‐il avoir aussi une stra­tégie de « tribus » ?

Il y a forcé­ment, dans le nombre de licen­ciés, des fous de compé­ti­tion, d’autres de doubles loisirs, et bientôt de padel, il faut arriver à satis­faire toutes ses tribus avec une offre adaptée. On a trop tendance à multi­plier les compé­tences dans chaque club alors que ce n’est pas forcé­ment effi­cient en termes de pratique ni d’équipements.

Vous devez forcé­ment être attentif à la montée du padel ?

C’est une aubaine formi­dable, le padel. Outre ses qualités, il peut donc amener le club à une vraie trans­for­ma­tion en inté­grant une nouvelle disci­pline. Il ne faut pas rater ce virage, car le padel peut ramener de la vie et du lien social.

Le tennis est aussi un sport tradi­tio­na­liste qui n’a pas vrai­ment évolué en termes de formats…

Cela on l’observe partout, c’est une constante, il n’y a pas que le tennis. Le sport a tendance à éviter les réformes qui touchent au jeu ; pour­tant, cela peut donner un vrai second souffle. Je sais que, malgré tout, il existe déjà des formats de compé­ti­tion qui sont inno­vants, mais il ne faut pas cesser les expé­ri­men­ta­tions, c’est impor­tant. La société a évolué, on est dans le plaisir immé­diat, il faut savoir muer sans déna­turer ce qui fait l’essence même de sa disci­pline. C’est une équa­tion diffi­cile, mais le tennis a beau­coup d’atouts. D’ailleurs, les idées émises lors de ces États géné­raux témoignent d’une vraie prise de conscience et d’une réelle envie de faire bouger les lignes, c’est un bon début.

Retrouvez gratui­te­ment et en inté­gra­lité le numéro 63, le dernier numéro de notre maga­zine GrandChelem… Bonne lecture !