AccueilFederer : "Cette année sera peut-être la bonne"

Federer : « Cette année sera peut‐être la bonne »

-

A trois jours du coup d’envoi des Internationaux de France de tennis 2009, Roger Federer, présent à Rueil‐Malmaison (92) à l’oc­ca­sion du Masters Guinot‐ Mary Cohr, s’est livré à la presse à l’issue d’un match exhi­bi­tion face à son compa­triote Stanislas Wawrinka. Le Suisse nous fait un petit bilan sur les forces en présence, son état de forme, ses ambitions.

Roger, après ton titre à Madrid, arrives‐tu porte d’Auteuil dans des condi­tions psycho­lo­giques diffé­rentes ? Cette victoire sur terre, face à Rafa, en finale, juste avant Roland change‐t‐elle un peu la donne ?
Non, pas vrai­ment. Ces dernières années, ma prépa­ra­tion avant Roland était toujours très bonne aussi. J’ai toujours eu beau­coup de succès lors des deux semaines précé­dant Roland Garros : à Hambourg, j’ai gagné quatre fois. Là j’ai remporté Madrid : cela fait donc déjà cinq ans que j’arrive avec une victoire dans la poche juste avant de démarrer le tournoi. L’année où je n’ai pas gagné Hambourg, j’étais en finale à Monaco, ou bien j’avais gagné Estoril (l’an passé par exemple). Tout cela était toujours bon signe pour Roland Garros. Maintenant, les choses ne sont pas très diffé­rentes d’il y a deux ans. Je sais que je peux battre Rafa. Je me le suis juste prouvé. Ce titre la semaine dernière était un moment impor­tant pour moi. Le travail commence à payer… presque un peu plus tôt que ce que je pensais (sourire). Je fais vrai­ment un tournoi très solide à Madrid. C’est une victoire impor­tante pour moi, en tant que joueur, que personne. Je n’avais plus gagné depuis Bâle. Ces derniers temps, j’ai joué de grands tour­nois, et je restais un peu bloqué en finale, ou en demie. Heureusement, ce n’était pas des premiers ou deuxièmes tours ! Je jouais pas mal, mais il me manquait toujours ce petit extra, vers la fin. C’est moi qui faisais les fautes, au lieu de mettre la balle dedans et faire quelque chose de magique. Là, c’est un peu revenu. Ça me redonne de la confiance, ce qui est très impor­tant pour Roland Garros et Wimbledon : la phase la plus impor­tante de l’année. J’espère conti­nuer là‐dessus, et jouer encore mieux à Roland.

Te sens‐tu plus fort physiquement ?
Peut‐être un peu plus frais menta­le­ment. Je ne sais pas, diffi­cile à comparer. En tout cas, je ne laisse rien au hasard quand il s’agit d’attaquer Roland Garros et Wimbledon : je le répète, c’est une phase clé de la saison. Le moment où je vais essayer de donner mon meilleur tennis. L’année dernière, avec les Jeux Olympiques, ce n’était vrai­ment pas évident. Ça a coûté beau­coup plus d’énergie que ce que nous pouvions l’imaginer. C’est pour ça qu’il était impor­tant de prendre mon temps. En décembre bien sûr dans un premier temps, comme tous les joueurs. Puis en février aussi : j’ai pris six semaines de break, n’ai pas disputé la Coupe Davis, notam­ment à cause de mon dos. Ça m’a laissé plus de temps pour me détendre, et pour m’entraîner physi­que­ment. Comme je n’étais pas en finale à chaque tournoi, cela m’a donné à nouveau un peu plus de temps. J’ai pu m’entraîner dur. C’est pour ça qu’aujourd’hui, je suis en forme quand il le faut.

Tes problèmes de dos ont‐ils influencé ton geste au service ?
Je n’ai pas essayé de changer consciem­ment mon geste. Là, depuis Monte Carlo, ça commence à revenir. Maintenant, je sers faci­le­ment les coins, j’arrive à mettre toutes les varia­tions, tous les effets que je veux. Il y a quelques mois, je n’y arri­vais plus. En Australie, c’était bien, puis mon service était reparti de nouveau. C’est impor­tant que je sois solide quand je sers, surtout sur terre. Cela peut me donner un réel avantage.

Tu n’as jamais soulevé la coupe Porte d’Auteuil, et tout le monde sait que tu as à coeur de t’im­poser ici à Paris : cela te met‐il une grosse pres­sion sur les épaules ?
Je suis plutôt un mec détendu (sourire). Il y a trois ans, quand j’ai perdu en demi‐finale (2004) puis en finale (2005), là, je me suis peut‐être dit : « Ahlala ! Je loupe une grande chance. J’étais en finale à Roland Garros : qui sait si j’aurai un jour l’occasion de revenir ?! » Maintenant, d’avoir fait trois finales, plus une demie ; d’avoir battu Rafa plusieurs fois sur diffé­rentes surfaces : je sais que, si je joue bien, je peux battre tout le monde. Et c’est aussi valable à Roland. Je suis plus relax aujourd’hui que je ne pouvais l’être de par le passé, et je pense que ça peut m’aider.

Comment décrirais‐tu les courts parisiens ?
On connaît Paris : quand il fait beau, c’est rapide. Quand il ne fait pas beau, c’est lent. Il y a une place immense derrière le court. C’est certai­ne­ment un plus pour Rafa. Pour moi, c’est juste bien de savoir que je peux jouer en atta­quant, et dominer de cette façon. Mais cela ne veut pas dire que je jouerai comme ça pendant Roland : au meilleur des 5 sets, il faut aussi passer par d’autres choses. Je sais aussi que je suis assez fort. Nous n’avons eu que deux sets sur terre l’un contre l’autre cette année, c’est peut‐être un petit avan­tage pour moi, pour une fois… Peut‐être cette année sera la bonne, on verra !

Voir que Djokovic a tenu tête à Nadal en demi‐finale à Madrid t’a‑t-il inspiré ? Cela peut‐il aider les autres joueurs psychologiquement ?
C’est clair. On a vu Rafa un peu fatigué sur la fin, mais ça restait des points incroyables, un effort fantas­tique. C’était vrai­ment un match super. Avec la pres­sion qu’il a eue, le public, tout ça, et Djokovic qui jouait vrai­ment extrê­me­ment bien tous les points, bon… Quand tu joues d’une façon correcte, que tu joues « juste », tu as toujours des chances de passer. Rafa, ce n’est pas le mec qui va te mettre trois aces par jeu, où tu ne peux rien faire. Tu as des chances, mais il faut jouer très propre­ment. Bien évidem­ment, c’est très dur, parce qu’il bouge mieux que quiconque sur terre. Il a une confiance incroyable, et a bien sûr encore progressé ces trois dernières années. Dans ces condi­tions, diffi­cile de le battre. Cela fait du bien à tous les joueurs de voir qu’il a failli perdre contre Novak, et que, derrière, il a perdu contre moi, c’est clair.

En as‐tu assez d’entendre parler de « l’invincibilité » de Rafa sur terre ?
Non. Il mérite tous les compli­ments qu’il a reçus. C’est incroyable, à son âge, d’arriver à être solide, régu­lier comme ça pendant des années. Ce n’est pas comme s’il gagnait une fois Monte‐Carlo, qu’ensuite il faisait une demie, puis un deuxième tour etc. Là, il gagne tous les grands tour­nois qu’il joue. Il a perdu quoi : trois fois sur terre ces dernières années ? A gagné, je ne sais pas : plus de cent matches ? C’est un record incroyable. Parler de ça, aucun problème. En revanche, ce que je n’aime pas, c’est parler de mon jeu avec des gens qui n’y connaissent rien. Ça, c’est un peu moins rigolo…

Quels souve­nirs gardes‐tu de la finale l’an passé à Roland Garros ?
Bien sur, je suis passé à côté. Il a fait son truc, et voilà. J’ai déjà tout essayé contre Rafa sur terre. Quelques fois ça marchait, quelques fois pas. Ce qui était dommage, c’est qu’après quasi une heure, on savait que c’était plus ou moins plié… J’espère, bien sûr, faire mieux cette année. On verra si l’on se joue en finale. Tout dépendra de ce qui se passe ces deux prochaines semaines.

« Jouer juste » contre Rafa, pour toi, cela signifie quoi exactement ?
Ah.… ça !!! (sourire) Ça, je ne vais pas le dire. Mais il faut bien jouer, ça, c’est une chose. Tu ne vas pas gagner face à lui en produi­sant un mauvais tennis, c’est évident. C’est comme Hewitt à l’époque, ou les meilleurs joueurs du fond de court comme Agassi : il faut les battre, ce ne sont pas eux qui te donne­ront le match. Rafa a beau­coup évolué. Nous nous sommes joués une ving­taine de fois, et l’on se connaît vrai­ment très, très bien. Il faut se préparer, voir à quoi tu dois t’attendre. Être très solide, bien servir, jouer offensif, et être très costaud tant menta­le­ment que physi­que­ment, car en face, il est humain lui aussi ! Quand tu joues énor­mé­ment, tu n’es pas toujours au même niveau. C’est ce qui permet d’espérer un peu face à lui.

Espérer une baisse de régime ?…
Chez lui ?.…..Tout le monde fait des fautes. Lui comme moi… Tu ne peux pas toujours jouer de la même façon. Et chaque jeu est diffé­rent. Djokovic joue complè­te­ment diffé­rem­ment de moi. Moi je joue diffé­rem­ment de Roddick, Roddick joue diffé­rem­ment de Tsonga etc…Tu as beau être l’un des meilleurs, il y a toujours un ou deux adver­saires que tu n’aimes pas avoir face à toi, contre qui ça ne marche pas. Mais les meilleurs trouvent quand même toujours le chemin.

Peux‐tu nous dire quelques mots sur Fabrice Santoro, qui va entamer son ving­tième et dernier Roland Garros ?…
Je le connais bien, comme joueur de tennis, et comme ami sur le circuit. Bien sûr, j’ai beau­coup de respect pour ce qu’il a accompli dans sa carrière, pour son jeu. C’est un peu triste, quand quelqu’un qui était là depuis telle­ment long­temps sort du milieu du tennis. Je vais suivre ça de près, comme je peux. Et je lui souhaite le meilleur pour la fin de cette année.

Son jeu atypique va‐t‐il manquer ?
Oui et non. Il n’était pas n°1 mondial, et le public ne le connaît peut‐être pas comme il le devrait. Fabrice a tout de même un jeu excep­tionnel. C’est clair qu’on ne verra plus trop ça main­te­nant : je ne vois pas un entraî­neur apprendre à un joueur à jouer comme ça. Personnellement je n’apprendrais pas à un jeune à jouer de cette manière, car si tu joues comme ça, norma­le­ment, tu perds ! (sourire) Mais avec son talent, la façon dont il lit les points, sa défense, son mental…. Ça, tu ne peux pas le travailler. Tu l’as ou tu ne l’as pas. Lui il l’a, c’est pour qu’il joue extrê­me­ment bien. Tactiquement, c’est vrai­ment un maître. C’est pour ça qu’il a eu autant de succès.

Tu disputes pour ta part ton onzième Roland : ton approche de l’événement est‐elle différente ?
Pas beau­coup. Je me réjouis d’être en bonne forme, comme l’an passé. J’ai beau­coup de moti­va­tion et de confiance pour cette quin­zaine. Les favoris sont les mêmes, le tournoi va être inté­res­sant.

Lors des précé­dentes éditions, vous étiez les deux grands favoris au titre. Cette fois, Djoko pour­rait bien venir trou­bler la fête. Cela change quelque chose ?
C’est clair que Novak a été très solide ces dernières semaines sur terre. Il était systé­ma­ti­que­ment en demie, ou en finale, ou vain­queur : normal qu’on parle de lui. Après, il y a toujours des joueurs dange­reux, qui peuvent faire un exploit, et même remporter des tour­nois du Grand Chelem : on l’a vu dans le passé avec Gaudio ou Costa par exemple. Tout est possible. C’est pour cette raison que Wawrinka ou d’autres ont aussi leurs chances. C’est un peu plus surpre­nant si c’est eux, puisque Nadal et moi avons remporté pas mal de Grands Chelems ces dernières années.

Pourquoi, cette année, c’est possible, alors que tu es n°2 mondial et non plus n°1 ?
On verra ce qui se passera ces deux prochaines semaines. Je n’annonce pas que je vais gagner Roland Garros, mais je sais que j’ai une excel­lente chance. C’est ce que je dois me dire. Je dois être très concentré pendant cette quin­zaine. C’est très diffi­cile, avec toutes les possi­bi­lités qu’il y a… Le vent, la pluie, le soleil, jouer sur le Lenglen, sur le Chatrier, les spec­ta­teurs etc. C’est ma onzième année sur le circuit, diffi­cile de « rester dedans » tout le temps. Mais je sais que mon jeu monte, je travaille dur, suis frais menta­le­ment. Pourquoi pas ? On verra ce que ça donne, et l’on en parlera à la fin

Quelle est l’importance du mental, sur terre, face à Nadal ? A‑t‐il un avan­tage, puisqu’il t’a battu la majeure partie du temps sur cette surface ?
On s’est joué une ving­taine de fois, la moitié du temps sur terre… Et peut‐être quinze de ces matches en finale ! (sourire) Nous sommes telle­ment forts tous les deux qu’il n’y a pas qu’un mec qui puisse gagner ces vingt rencontres. On sait qu’on est en forme, et je pense que c’est ce qui nous inté­resse, Rafa et moi.

En direct du Paris Golf & Country Club, Rueil‐Malmaison (92)