AccueilRafter, le serveur-volleyeur est toujours plus grand que son sport

Rafter, le serveur‐volleyeur est toujours plus grand que son sport

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C’était il y a 10 ans, Patrick Rafter venait de confirmer en finale de l’US Open 1998 et face à Mark Philipoussis sa supré­matie sur le circuit améri­cain. Et pour­tant, l’homme du Queensland restera dans la mémoire l’homme de deux finales perdues à Wimbledon dont celle antho­lo­gique contre Goran Ivanisevic en 2001.

« Y a t‑il des mots pour decrire une finale comme celle que vous venez de faire avec Goran ? Personnellement c’est la plus grande finale que j’ai vu à Wimbledon » dit, encore émue, Sue Barker, commen­ta­trice de la BBC et ancienne vain­queur de Roland Garros 1976. « Je vais essayer de vous trouver quelques mots » répond pince sans rire le défait du jour devant un public londo­nien hilare. Et défait, Patrick Rafter a de quoi l’être car il vient de perdre 9–7 au 5ème sa seconde finale de suite à Wimbledon, apres celle contre Pete Sampras l’année précé­dente. Pourtant l’Australien trouve encore la force de plai­santer, de donner le change. Plus très long­temps, à l’heure de passer le micro au héros croate du jour, Rafter se tourne vers son camp, sa belle fiancée Lara Feltham, ses amis, Tony Roche son entrai­neur, tous pâles comme la mort, tristes, abattus. « Thanks, mate ». Merci les gars. En une seconde, le visage de l’Australien se casse en deux, élec­tro­cuté par la prise de conscience de sa défaite. Le masque de la douleur s’abat, et avant même qu’il puisse prononcer une autre phrase, Pat rend le micro pour aller cacher sa peine dans son bandeau. La scène est à se tuer.Pour les plus jeunes qui nous lisent, et à qui les anciens cham­pions racontent déjà, John McEnroe en premier, que Nadal‐Federer à Wimbledon 2008 est le plus grand match de tous les temps, faites oui de la tête mais n’ou­bliez pas que le plus grand n’est pas forcé­ment le plus émou­vant. Le truc le plus dévas­ta­teur qu’on ait vu de notre vue, la seule finale jouée à âmes ouvertes et avec le bras qui pèse 20 tonnes sur toutes les balles de match, s’ap­pel­lera éter­nel­le­ment Ivanisevic‐Rafter à Wimbledon 2001. On défie d’ailleurs quiconque aujourd’hui de ne pas revoir le match sans tirer sa grosse larme, autant par le calvaire que fit subir à tous ses fans Goran Ivanisevic dans le dernier jeu, que parce que ce jour‐là il affron­tera un des cham­pions les plus classes, élégants, sympa­thiques et offen­sifs de l’his­toire du jeu : Monsieur Patrick Rafter, deux Grands Chelems (US Open 1997 et 1998) et.…numéro 1 mondial, s’il vous plait. 
« Quand je l’ai rencontré, je n’ai pas sur quoi lui dire » confiait l’an dernier à Welovetennis Marcos Baghdatis, fan absolu du dernier serveur‐volleyeur austra­lien et qui en arri­vant en finale de l’édi­tion 2006 avait eu l’oc­ca­sion de croiser son idole dans les couloirs de Melbourne. Mais sait‐on quoi dire à un gars plus grand que son sport ? Plus grand que toute la clique de bûche­rons du fond du court qui servent aujourd’hui d’attrape‐nigauds aux spec­ta­teurs ? Malgré une arrière courte (de 1991 à 2001), à peine plus d’une dizaine de titres sur le circuit (dont 2 Masters Series sur la tournée améri­cains de 1998, sa meilleure année), et une semaine seule­ment passée au sommet de l’ATP, Pat Rafter a dura­ble­ment marqué toute une géné­ra­tion de joueurs… qui pour­tant ne font pas et ne feront jamais service volée :  de son compa­triote Lleyton Hewitt à la famille Djokovic au grand complet (Nola, Marko, Djordje), tous fans déclarés du kangourou du Queensland. Voilà le mystère d’une aura qui vaut encore au résident des Bermudes d’être consi­déré avec Pete Sampras comme le dernier des Mohicans, seul capable d’aller cher­cher un Grand Chelem au filet sur les deux balles de service, y compris sur cette terre battue de Roland Garros qui le verra atteindre les demi‐finales en 1997. 

C’est pour­tant ce maudit Sampras qui en 2000 et en son royaume londo­nien mettra un premier coup de pioche sur la cale­basse de l’Australien. Après un départ promet­teur et plein d’op­por­tu­nités dans le 2ème set, Pat « mouille » pour la première fois de sa carrière et s’ef­fondre (6−7 7–6 6–4 6–2), avant que l’année suivante le reve­nant Invanisevic sorte la boite à aces dans ces 5 sets antho­lo­giques de la finale 2001. Mais au‐delà d’échecs récur­rents chez lui, à Melbourne (avec comme meilleur résultat une demi‐finale en 2001 perdue contre Agassi),  le grand regret de Rafter sera de ne pas pouvoir ramener la Coupe Davis en terre australe. Une première tenta­tive en 2000 contre l’Espagne sur la terre battue lentis­sime de Barcelone se traduira par un échec attendu (3−1). Plus éton­nant sera la défaite 3–2 des Aussies face à la France en 2001 alors que la rencontre se déroule sur l’herbe locale, avec un Hewitt numéro 1 mondial. Après avoir ramené l’Australie à un point partout au sortir d’une brillante victoire de Nicolas Escude face au tout jeune patron de l’ATP, Rafter ait choisi par John Fitzgerald pour épauler… Hewitt au détri­ment de la paire de Woodbridge‐Arthurs. Le duo impro­visé se troue litté­ra­le­ment dans le tie‐break du 3ème set et remet en lice un couple Pioline‐Santoro à peu près aussi brin­que­bal­lant. Non aligné le dimanche, Pat Rafter verra Wayne Arthurs s’in­cliner face au héros du week‐end, Nicolas Escudé, en 4 sets, et le rêve du sala­dier d’argent s’en­voler. Personne ne le sait encore, mais ce sera son dernier week‐end de joueur profes­sionnel. Aussi humble que son style fut flam­boyant, Rafter annonce discrè­te­ment sa retraite à la fin de l’année. Thanks, mate.