Gilles, si l’on t’avait dit avant la rencontre que tu gagnerais en cinq sets, tu aurais a priori signé tout de suite. Quel sentiment domine à la fin de ce match ? Le soulagement ? Le sentiment du devoir accompli ?
Je suis très content d’avoir gagné parce que j’attendais un match très dur, celui‐là. Il y avait autant de chance que je le gagne ou que je le perde. Je suis bien content de m’en sortir.
C’est un match qui fait du bien, après une période un peu plus délicate ?
Ce qui fait du bien, c’est de gagner un match à la bagarre, alors que, les derniers, je les ai perdus chaque fois. J’en gagne un. Pendant 3 heures et demie, j’ai fait beaucoup d’efforts et, finalement, je suis arrivé à gagner. Je suis content.
Tu as dit que tu regardais Roland Garros à la télévision quand tu étais petit. Au moment d’entrer sur le court, par rapport au fait d’être sur le Central, comment te sentais‐tu ?
C’est toujours mitigé. On est impatient d’y aller, parce que c’est pour cela qu’on joue au tennis. Il faut le reconnaître, on a aussi un peu peur d’aller sur le terrain, parce qu’on ne sait jamais comment cela va se passer. J’ai essayé de bien préparer ce match dans ma tête afin, dans les moments difficiles, d’arriver à passer au dessus, d’essayer de faire l’effort de gagner chaque point, chaque jeu que je pouvais. Manière ou pas manière, l’important est de réussir à gagner.
Avec cette victoire, peut‐on dire que le vent est en train de bien tourner ? Ou est‐ce trop tôt pour le dire ?
C’est beaucoup trop tôt. J’ai eu beaucoup de désillusions ces derniers temps, de matches où j’ai bien joué et, juste derrière, de salles défaites. Je prends match par match. Je suis content d’avoir gagné ce match parce que c’était difficile. Mon adversaire était constant, faisait peu de fautes, me faisait courir. Il a fallu que j’aille le chercher. Je ne retiens que cela aujourd’hui.
Quand tu dis « manière ou pas manière », c’est limite « on s’en fout ». Tu es axé sur « il faut gagner ». Le jeu d’attaque, tu oublies, tu reviens aux schémas que tu connais, sur lesquels tu es en confiance ?
Oui. Je ne me voyais pas arriver sur le terrain, jouer super bien et gagner en 3 sets. Je m’attendais plus à un match difficile. Après, je pense que cela a été la clef du match, les moments où j’ai été le chercher, où j’ai frappé plus fort et fait des points gagnants. Quand j’étais trop attentiste, il me baladait. Il m’a fait beaucoup courir, c’était fatigant. J’ai été performant sur mon service aujourd’hui. J’ai fait beaucoup de points gratuits avec mon service ou avec des balles courtes à jouer derrière. Je suis bien aller le chercher, sauf si parfois je retiens.
Tu n’étais pas un peu trop loin de la ligne ?
Pourquoi, on ne me voyait plus à la télévision ? (Rires) ça arrive. Par moments, j’avais du mal à prendre le dessus. Il sert toutes les zones, il varie beaucoup en première et en deuxième. Quand il a pris le jeu avec son coup droit, il le masque bien. Ce n’est pas facile d’anticiper où il va jouer. Même s’il ne joue pas très vite, il trouve beaucoup d’angles. Lorsqu’il a l’échange en main, il est très dur de reprendre l’ascendant, de frapper fort. Chaque fois, j’étais loin derrière ma ligne, oui, mais aussi loin dans le couloir. Ce n’est pas super agréable comme position pour frapper fort.
C’était une première sur le court central. Il n’y avait pas 15 000 spectateurs, mais plusieurs milliers de spectateurs qui criaient « Gillou ». On a envie de gagner pour eux ?
C’est sûr que cela aide. Sentir le public qui est là, qui nous encourage, cela donne beaucoup de force. Des personnes handicapées sont au bord du court ; quand tu es fatigué et que tu les regardes, tu as envie de courir, de te déchirer. Si aujourd’hui je gagne, alors que les semaines précédentes je ne passais pas toujours sur les matches difficiles, c’est en grande partie grâce à cela. Ils ne m’ont pas lâché du début à la fin. Cela fait beaucoup de bien.
Comment te sens‐tu au niveau de la confiance après un tel match ?
Mieux. Mais cela met du temps à revenir. Cela fait du bien parce que, jusqu’au bout, ce n’est pas fini. A 5⁄4, il faut faire les points, il faut faire le jeu. Le jeu est dur, à 5⁄4 au cinquième. Quand je sers, je commence à avoir mal partout. Je suis très content de le finir, surtout en faisant trois points gagnants dans le jeu.
As‐tu douté à un moment ?
Non jamais. C’était facile ! (Rires) Bien sûr, il y a eu beaucoup de moments difficiles, surtout au début du cinquième. Je sauve des balles de break en servant bien. Si je m’étais fait breaker, cela aurait pu être autre chose.
Tu dis que le public t’a porté. Cela peut aussi crisper ? La peur de mal faire, d’être sorti au premier tour peut crisper ?
Oui, cela crispe beaucoup, mais c’est dans un premier temps. Quand on rentre sur le Central, on a envie de bien faire. Il y a du monde, on a envie de bien jouer. On tape. Cela ne va pas comme on veut, mais il faut faire avec. Quand cela fait plus de 3 heures que l’on est sur le terrain, le cerveau ne réfléchit plus beaucoup. C’est pour cela que l’on joue mieux. On est plus en sensations. On gère mieux son effort. A ce moment‐là, on oublie tout. On essaie de ne garder que le positif. C’est là que l’on se rend compte que le public fait énormément de bien.
Cette crispation est‐elle liée au fait que c’est Roland Garros ou on la retrouve dans d’autres tournois ?
On la retrouve partout. C’est toujours la même, à différents degrés. Certains jours, on a peur, mais ça va. Certains jours, on a très peur. Il faut juste arriver à passer au‐dessus.
Penses‐tu avoir touché le fond des problèmes à Dusseldorf ?
J’ai plutôt trouvé mes réponses à Dusseldorf. J’ai arrêté de me poser des questions. A partir du moment où l’on essaie de reconstruire quelque chose, on reprend du début. On reprend de zéro. Cela met du temps.
En direct de Roland Garros
Publié le lundi 25 mai 2009 à 01:56