AccueilIl s’appelait Mecir, on l’appelait le Chat

Il s’appelait Mecir, on l’appelait le Chat

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Bien avant Andy Murray et Marcelo Rios, un gros matou a tiré les mous­taches du tennis des années 80 avec sa griffe inéga­lable. Le Slovaque Miloslav Mecir, vain­queur des JO en 1988, disait n’avoir que deux passions, le tennis et la pêche. L’arrêt précoce de sa carrière à 26 ans lui aura permis d’aller plonger ses papattes de chat dans les rivières de son pays. 

Il traîne toujours des histoires insen­sées sur les grandes légendes du jeu. Björn Borg arri­vait dans les vestiaires et saluait son adver­saire « Bonjour, je suis Björn Borg ». Le match était déjà terminé. Boris Becker aimait changer de côté en bous­cu­lant l’adversaire au passage du filet, l’air de dire « C’est moi qu’je suis là ». Vraies ou fausses, ces histoires en disaient beau­coup sur le carac­tère du héros concerné. Miloslav Mecir a aussi sa légende. Une histoire de chat bottée. La voici. Il pleut à Wimbledon, les courts couverts sont pris d’assaut par les joueurs. Il faut donc se partager les terrains. Miloslav Mecir joue sur une moitié avec Jean‐Philippe Fleurian. Au bout d’une demi‐heure, Fleurian est à la rue. Fin de l’histoire. Oui, c’est ce qu’on appelle l’humour slovaque. 
Déconcertant, débous­so­lant, illi­sible, c’est la bouche ouverte, en posi­tion de stupé­fac­tion que s’est d’abord décrit le jeu de Milo Mecir, né dans l’ex-Tchécoslovaquie, un 19 mai 1964 à Bojnice. Débarqué sur le circuit en 1982, il signe son premier exploit au tout début 1985 en battant Jimmy Connors à Philadelphie avant de se faire serrer par John McEnroe en finale. Le style est unique : coup droit au poignet, revers à deux mains en dévia­tion, chan­ge­ments de rythme inces­sants, dépla­ce­ment félin aux quatre coins du terrain, c’est cette dernière carac­té­ris­tique qui permet à la presse italienne de lui offrir son surnom : Il Gattone, le gros chat. Merci n’agresse pas l’adversaire, il le rend fou, il le fait tourner chèvre, il s’amuse de lui comme avec une pelote de laine. En mai 1987, il joue devant le public fran­çais un des plus grands tours de magie de l’histoire du jeu : trois revers croisés à contre‐pied contre Patrice Kuchna, et le Français déjà tourné prend presque la balle dans le dos. Le frisson !
Entre temps, Mecir a décroché ses premiers titres ATP : deux en 1985, trois en 1986 et six en 1987, son année la plus proli­fique. Le Slovaque a égale­ment atteint sa première finale de Grand Chelem à l’Us Open 1987, malheu­reu­se­ment c’est contre son compa­triote Ivan Lendl qui l’étrille en trois sets (6−4 6–2 6–0). Mecir va égale­ment doubler sa légende de chat agile d’une répu­ta­tion de décou­peur de têtes blondes et suédoises avec des stats qui font rire les enfants. 2–0 contre Sundstrom, 4–2 contre Nystrom, 7–4 contre Wilander, il est surtout celui qui va empê­cher ce dernier de boucler un Full Grand Chelem bien engagé en 1988. Devant un Wimbledon en joie, Milo donne la leçon à Mats et le ridi­cu­lise eu quarts de finale (6−3 6–1 6–3). Mais c’est contre un autre Suédois que le spec­tacle tourne à l’anthologie : la demi‐finale Edberg‐Mecir de 1988 rentre dans l’histoire du tournoi par une somme de passing‐shots, de volées et de dévia­tions géniales qui malheu­reu­se­ment pour le Slovaque ne payent pas au score final. Après avoir mené 2 sets 0, Mecir ne parvient pas à conclure et laisse Edberg (4−6 2–6 6–4 6–3 6–4) lui imposer une carte de statis­tique néga­tive (5−10 à la fin de la carrière). 
Cela n’empêchera par Mecir de prendre sa revanche deux mois plus tard lors d’un évène­ment lui aussi unique : le retour du tennis dans les Jeux Olympiques, à Séoul. En rendant en demi‐finales la monnaie de sa pièce à Edberg en 5 sets, il s’ouvre les voies d’une finale où il prend la mesure de Tim Mayotte, et s’offre la médaille d’or qu’il doublera d’une médaille de bronze en double. Mecir a atteint son Graal. Et après ? Une autre finale de Grand Chelem à l’Open d’Australie 1989 qui le verra à nouveau se casser les dents contre Grand frère Lendl. Et puis plus rien, panne de moteur, Mecir commence à ressentir des douleurs au dos qui ne le lâche­ront plus. Il quitte le tennis à 26 ans, lais­sant dans le souvenir de ses fans la seule décla­ra­tion origi­nale que ce chat un peu endormi lâchait en confé­rence de presse : « Quand je ne fais pas de tennis, je vais à la pêche ».

The big day

Cela fait 64 ans que le tennis n’est plus aux Jeux Olympiques et son retour pour l’édition de Seoul en 1988 consacre l’acharnement de Philippe Chatrier, contre l’avis même de toutes les instances de l’ATP et de bien des joueurs. Mecir n’en a cure, il sort son meilleur tournoi de l’année 1988 lors de la quin­zaine olym­pique et surtout un match impec­cable contre l’Américain Tim Mayotte en finale (3−6, 6–2, 6–4, 6–2). C’est la remise des médailles après cette finale qui va finir de convaincre le monde du tennis que le retour aux Jeux est gagnant. Brad Gilbert, Stefan Edberg, Tim Mayotte et Miloslav Mecir sont heureux comme des gosses. Mecir eupho­risé par la présence de ses copains dans les tribunes : « Ca ne fait pas unique­ment plaisir de sentir que les gens vous soutiennent parce que vous jouez bien, mais aussi parce que vous les repré­sentez sur le terrain ». Tim Mayotte : « Il y a une conso­la­tion à rece­voir sa médaille en groupe. Il y avait une atmo­sphère fantas­tique sur le podium ».