Dans le rétro, quelques balles le long des lignes. Quelques joueurs ayant fait l’Histoire. Des anecdotes, des matchs, des lieux : le tennis écrit depuis longtemps sa légende. Parce qu’aujourd’hui ne se comprend qu’à travers hier, parce que les histoires sont belles, WLT vous propose de revivre, deux fois par semaine, certains grands moments de tennis. Aujourd’hui, la naissance du coup droit à deux mains, sa vie, et sa mort lente et quasi‐certaine.
C’est un coup à part. Un coup d’une autre époque, diront certains. Et ils n’auront pas tout à fait tort. Le coup droit à deux mains a connu son apogée avec Monica Seles, numéro une mondiale au début des années 90. Il a surpris, dérouté et fait naître des vocations, comme chez Marion Bartoli, aujourd’hui l’une des dernières représentantes de ce coup improbable. Sa victoire à Wimbledon prouve que ce style atypique peut encore faire gagner. Et pourquoi pas, inspirer d’autres générations de joueuses et de joueurs. Mais l’histoire semble dire le contraire.
De mémoire de passionnés, le premier à avoir frappé son coup droit des deux mains est l’Équatorien Pancho Segura, dans les années 40′ et 50′. Un coup né par hasard, quand son père, qui travaille dans un club de tennis, lui met entre les mains une raquette trop grande – et surtout trop lourde – pour lui. Pancho, qui souffre de rachitisme, parvient à effacer cette difficulté en utilisant ces deux mains. La technique sera payante : les angles sont plus faciles à trouver, les frappes plus précises et surtout, c’est une excellente forme de camouflage. Impossible pour l’adversaire de savoir où va partir la balle. L’Américain Jack Kramer, double vainqueur à Wimbledon, pense même à l’époque qu’il s’agit du meilleur coup sur le circuit. Mais pour d’autres, c’est un poids, un boulet attaché aux chevilles qui empêche d’avancer. La technique limite en effet l’allonge, et contraint à adopter un jeu de jambes impeccable pour trouver le placement idéal.
Gildemeister, le début de l’âge d’or
Les années 70′ marqueront le début de l’engouement, certes mesuré, qui suivra. Le Chilien Hans Gildemeister se distingue en jouant des deux mains et remporte, entre autres, les tournois de Santiago et Barcelone en 1979. Ce spécialiste du lift, et de la terre battue, atteint la douzième place mondiale en 1982. Quelques mois plus tard, il est imité par Gene Mayer, numéro quatre dans les années 80′. La mayonnaise a pris et surtout, la preuve est faite que des résultats peuvent être obtenus malgré cette technique peu répandue. Monica Seles ne fera que confirmer cet état de fait, et popularise quelque peu le geste. Fabrice Santoro, qui a joué toute sa carrière des deux mains, en est un exemple marquant. Dans un livre paru en 2009, il écrit : « Depuis que j’ai attrapé ma première raquette, je n’ai jamais joué autrement. C’est un mouvement naturel. Jouer de manière traditionnelle serait très compliqué pour moi, j’ai déjà essayé à l’entraînement, mais je sus très maladroit ». Une vocation, en somme.
Mais depuis, c’est le désert. Marion Bartoli a certainement remis en avant le geste ces dernières années, mais elle apparaît bien seule, même si Su‐Wei Hsieh ou Shuai Peng ont aussi adopté la technique. Et quand bien même elle ferait des émules, pour combien de temps ? Chez les hommes, le Néerlandais Raemon Sluiter jouait encore de la sorte il y a trois ans, avant de mettre fin à sa carrière. C’est la fin des « ambimanes ». La fin d’un coup mythique. Dans un tennis toujours plus rapides et exigeant, la différence semble perçue comme un risque par de nombreux joueurs. Un risque que peu d’entre eux semblent prêts à prendre. A l’image de Rafael Nadal, qui jouait à deux mains… jusqu’à douze ans.
Retrouvez les premiers numéros de cette série Histoire :
« Dans le rétro n°1 : Bruguera / Champion, 1993″
« Dans le rétro n°2 : Frank Hadow, l’inventeur du lob »
« Dans le rétro n°3 : Chang / Lendl, 1989″
« Dans le rétro n°4 : Vilas, Nastase, et des spaghettis… »
« Dans le rétro n°5 : 1973, match nul à Roland Garros »
« Dans le rétro n°6 : Chris Evert, reine de la terre battue »
« Dans le rétro n°7 : Richard Williams, rescapé du Titanic »
Publié le vendredi 9 août 2013 à 16:48