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Dans le rétro – Vilas, Nastase, et des spaghettis…

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Dans le rétro, quelques balles le long des lignes. Quelques joueurs ayant fait l’Histoire. Des anec­dotes, des matchs, des lieux : le tennis écrit depuis long­temps sa légende. Parce qu’au­jourd’hui ne se comprend qu’à travers hier, parce que les histoires sont belles, WLT vous propose de revivre, les lundis et jeudis soir, certains grands moments de tennis. Aujourd’hui, la chute de Guillermo Vilas contre Ilie Nastase à Aix‐en‐Provence, en 1977.

Nous sommes le 2 octobre 1977. Sur la colline du Puyricard à Aix‐en‐Provence, la finale oppose l’Argentin Guillermo Vilas au Roumain Ilie Nastase. Le numéro quatre mondial contre le huitième. Mais malgré cette appa­rente proxi­mité, Vilas est archi‐favori. Dans une forme excep­tion­nelle depuis le début de l’année et sur une série de 53 victoires sur terre, il affronte un Nastase vieillis­sant, loin de son niveau de 73. Mais le Roumain possède une arme, une botte – plus vrai­ment secrète – qui fera la diffé­rence. L’Excalibur du tennis, la raquette « spaghetti », à double cordage. Un plat de pâtes que Vilas ne digère pas. 

« Permettre au joueur moyen de donner sans forcer le même lift qu’un joueur excep­tionnel. » Voilà comment l’Autrichien Werner Fischer, le créa­teur de cette raquette, défi­nis­sait ses objec­tifs. Il a réussi. Après quatre ans de travail, Fischer réalise une raquette pour le moins surpre­nante. Une usine à miracles. Le second cordage, moins tendu, et les tubes en plas­tique parfois insérés au centre accen­tuent les lifts. Les rebonds deviennent dingues, plus hauts, plus rapides. Et les premiers doutes arrivent quand Mike Fishbach, 216ème joueur mondial, fran­chit deux tours à Forest Hills avec ses spaghettis, en élimi­nant le 15ème joueur ATP Stan Smith. C’est ainsi que Nastase, qui décriait encore la raquette quatre mois aupa­ra­vant, adopte fina­le­ment cette nouvelle merveille. Et ça marche.

Interdite dans la foulée

Ce jour‐là, Vilas n’y arrive pas. Mené 6–1 7–5, l’Argentin jette l’éponge. Il aban­donne. Officiellement, le numéro quatre mondial est blessé au poignet mais personne n’est dupe : deux sets ont suffit pour qu’il constate que cette raquette était plus forte. « Je n’ai pas été battu par un joueur mais par une raquette », expliquera‐t‐il plus tard. Cet abandon marque donc la fin d’une incroyable série de 53 victoires sur terre. Roland Garros, Kitzbühel, Washington, New‐Jersey, et même l’US Open : le gaucher gagne partout. Il faut attendre Rafael Nadal, presque trente ans plus tard, pour que ce record tombe : l’Espagnol alignera 81 victoires sur ocre. Mais sans cette raquette, la donne aurait‐elle été la même ? « S’il n’y avait pas eu cette astuce d’Ilie, j’aurais pu ajouter aux 53 les six tour­nois sur terre que j’ai gagné après, même les deux ou trois de l’année suivante ! » analyse Vilas.

Nastase, qui remporte égale­ment le double à Aix, fut le dernier utili­sa­teur offi­ciel de la raquette spaghetti. Les diri­geants de la Fédération Internationale de Tennis s’étaient en effet réuni la veille de la finale, et avaient décidé son inter­dic­tion. Désormais, « la surface de frappe de la raquette doit être plate et consiste en un montage de cordes entre­la­cées (montants et travers) et connec­tées au cadre de la raquette » et « le cordage doit être homo­gène dans son ensemble ». A peine cuits, les spaghettis sont jetés, digérés par ce nouveau règle­ment. Werner Fisher, lui, est effondré. « Si l’in­ter­dic­tion était arrivée un an après, j’au­rais été million­naire. Là, j’étais ruiné », dit‐il. La révo­lu­tion tech­no­lo­gique du tennis, à l’instar de la nata­tion et des combi­nai­sons poly­uré­thane, n’a donc pas duré. Mais Vilas l’a payé.

Retrouvez les premiers numéros de cette série Histoire : 
« Dans le rétro n°1 : Bruguera / Champion, 1993
« Dans le rétro n°2 : Frank Hadow, l’in­ven­teur du lob »
« Dans le rétro n°3 : Chang / Lendl, 1989