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Mademoiselle Clémence

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Le grand public a décou­vert Clémence Castel en vain­queur et survi­vante du terrible Koh‐Lanta, GrandChelem tenait surtout à rencon­trer la tennis­woman, ancienne ‑15, désor­mais classée à −2÷6 pour qu’elle nous explique comment elle a survécu à une jungle bien plus impi­toyable : le circuit profes­sionnel féminin. Interview à la machette.

Comment est née ta passion pour la petite balle jaune ?

J’ai toujours plus été attirée par les balles que par les poupées. Cette passion remonte à mon enfance. Mon frère, qui est de quatre ans mon aîné, prati­quait le tennis en club. Dès l’âge de trois ans, je l’ac­com­pa­gnais à tous ses entraî­ne­ments. Je profi­tais de cet instant pour travailler ma tech­nique en effec­tuant deux heures de mur. Je me souviens très bien de ma première raquette, c’était une Kennex bleue.

Quel a été ton parcours tennistique ?

J’habitais dans l’Ariège. Inutile de dire qu’il y a plus confor­table pour trou­verun club et des infra­struc­tures adap­tées. Je suis donc partie à 15 ans en lycée sports‐études à Toulouse. Durant cette période, j’ai beau­coup progressé pour fina­le­ment passer de 46 à ‑15. Après avoir obtenu mon bacca­lau­réat en 2002, je me suis donnée une année sabba­tique pour tenter de rentrer sur le circuit profes­sionnel féminin.

Comment s’est déroulée cette période ?

Difficilement. J’ai fait le choix de me consa­crer unique­ment au tennis. Je ne faisais plus que ça. Je mangeais tennis, je vivais tennis, je dormais tennis… Ce fut une période qui m’a beau­coup perturbée. Je ne pensais pas être capable de vivre que pour le tennis. J’ai commencé à toucher mes limites tech­niques et physiques, et là ça a été une grande désillu­sion. J’avais cultivé beau­coup d’es­poirs, dépensé énor­mé­ment d’énergie et de vigueur. Au moment de fran­chir la dernière marche, je m’aper­ce­vais que je n’en étais pas capable. Sur le coup, ce fut vrai­ment dur à vivre.

Tu es de la même géné­ra­tion que les Golovin, Bartoli, Rezaï… Les as‐tu déjà croi­sées ou rencontrées ?

Oui, je les voyais souvent sur les tour­nois, mais je ne les ai jamais affron­tées. Tatiana et Marion étaient déjà nette­ment au dessus du lot. Pourtant quand je les regar­dais, je me disais « Pourquoi pas moi ? ».

Quand tu les vois désor­mais évoluer au plus haut niveau, n’as‐tu pas quelques regrets ?

Non, je n’ai stric­te­ment aucun regret. J’ai tout donné, mon maximum et encore plus. Une fois qu’on a été au bout de soi, qu’on a touché ses limites physio­lo­giques, on n’a plus rien à regretter. Par contre, j’éprouve beau­coup d’ad­mi­ra­tion pour ces filles. Ce qu’elles ont fait et conti­nuent à faire, c’est dingue. Elles doivent faire face tous les jours à une pres­sion omni­pré­sente et pesante. Et puis, c’est un milieu diffi­cile, qui ne me conve­nait pas trop. 

En quoi est‐il difficile ?

Il faut parti­ciper à des tour­nois inter­na­tio­naux pour s’en rendre compte. J’en ai joué quelques‐uns, Grenoble, Le Havre, St Gaudens…et c’est un univers à part, l’am­biance est élec­trique. Surtout quand il commence à y avoir des joueuses russes. Pour elles c’est vital, elles doivent gagner. C’est la guerre ! Quand j’y repense, je me dis que je connais­sais déjà la jungle avant Koh‐Lanta (rires).

Comment définirais‐tu ton style de jeu ? Plutôt Serena ou Justine ?

Vu mon physique, je pense que je n’aurai pas gagné l’Open d’Australie cette année ! Plus sérieu­se­ment, ma parti­cu­la­rité est d’ef­fec­tuer mon revers à une main, souvent chopé. C’est un coup que j’adore, que j’ai copié à mon idole Steffi Graf. Un coup qui surpre­nait toutes les filles contre lesquelles je jouais. Sinon, je suis une joueuse endu­rante, qui ne lâche rien et qui a un mental de fer. C’est pour ça que la plupart du temps je m’im­po­sais à l’usure.

Quelle est ta surface de prédilection ?

Sans hési­ta­tion, la terre battue. Pour moi, c’est la surface la plus confor­table sur laquelle je m’éclate, je prends beau­coup de plaisir car je peux faire des glis­sades. C’est sûre­ment mon côté mara­tho­nienne des courts qui veut ça aussi.

Pourquoi Steffi était ton idole ?

C’est mon modèle. J’adorais aussi bien son jeu que le person­nage. Elle était d’une simpli­cité décon­cer­tante. Elle me fait beau­coup penser à Federer. Moi, je suis très calme dans la vie, mais sur le court, je deviens très hargneuse. Quand mes amis viennent me voir jouer, ils sont toujours surpris.

Pourquoi être partie à Koh‐Lanta en pleine saison ?

C’est vrai que j’étais ‑15 et que je venais de faire une super perf’ au Cap d’Agde en battant une Russe assi­milée numéro 11. Mon entraî­neur m’a dit « Si tu pars, ta saison est foutue ! ». Et il avait raison. Je suis rentrée très affai­blie, je me suis blessée, mais je ne regrette pas. Voila seize ans que je pratique le tennis, je pouvais me permettre de saisir une oppor­tu­nité sympa qui s’of­frait à moi.

Koh‐Lanta a‑il été ton match le plus diffi­cile que tu aies disputé ?

J’y pensais chaque jour. On peut faire beau­coup de paral­lèle, notam­ment au niveau mental. Quand je n’al­lais pas trop bien sur l’île, je repen­sais à tous ces matches où je perdais dans le dernier set, et je me disais que je devais m’ac­cro­cher. Je reste persuadée que c’est grâce au tennis que j’ai gagné Koh‐Lanta.

On sent que tu es une fille de chal­lenge. Quel est ton prochain défi ?

J’en ai deux. Le premier c’est d’ar­river à devenir jour­na­liste sportif. Le deuxième, plus utopique, serait de faire de la comédie. Je prends des cours.

Ton pronostic pour le jeuChoisistastar ?

Chez les garçons je voterai pour Richard Gasquet. Il a gran­de­ment progressé ces dernières saisons. Physiquement il va mieux, il faut juste lui laisser encore un peu de temps. Chez les filles, Je penche­rais pour Nicole Vaidisova. Elle a tout : le mental, le physique, les qualités tech­niques, et elle n’a que 17 ans !