AccueilInterviewsCaujolle : "Pour une libéralisation du système"

Caujolle : « Pour une libé­ra­li­sa­tion du système »

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WLT a lancé le débat pour savoir si le circuit tradi­tionnel était en danger face à des exhi­bi­tions aux énormes moyens finan­ciers. Directeur de l’Open 13 de Marseille (ATP 250), Jean‐François Caujolle s’est confié sur les solu­tions qu’il souhaite voir mettre en œuvre à l’avenir sur le circuit. Pour lui, les tour­nois du Grand Chelem ne sont pas en danger car ils sont et reste­ront les piliers du jeu.

Depuis que l’IPTL a commencé, quel est votre avis sur ce nouveau format de compétition ?

« En fait, quand on a commencé à parler de l’IPTL, je trou­vais que ça pouvait être quelque chose de dange­reux pour le tennis car c’était une compé­ti­tion qui sortait du cadre de l’ATP. Mais en regar­dant le début à Manille, je trouve que ça peut être positif pour le tennis car les joueurs font la promo­tion du jeu dans un marché très vaste. Les gens n’ont pas une culture très marquée tennis, donc c’est très bien ce qui se passe. A un moment donné, le tennis doit évoluer, le tennis en général. Il doit y avoir les Grands Chelems qui eux seront toujours là car ils repré­sentent la quin­tes­sence du jeu. En fonc­tion des marchés, il faut s’adapter : l’Europe des tour­nois clas­siques et tradi­tion­nels et l’Asie est un conti­nent émergent qui a besoin de voir du spec­tacle. L’ATP mènent des réflexions pour 2018 et doit s’ouvrir sur quelque chose de plus moderne. L’ITF reste campée sur ses mêmes prin­cipes. Aux joueurs profes­sion­nels et à l’ATP d’évoluer vers la moder­nité en allant vers les marchés émer­gents et surtout, d’écouter ce que veulent voir les gens. »

Que voulez‐vous dire quand vous dites que l’ITF reste accro­chée à ses positions ?

« L’ITF aurait du commencer à travailler sur la Coupe Davis il y a plusieurs années déjà. Je n’ai pas la solu­tion miracle, mais à force de vouloir conserver ses prin­cipes, on a une compé­ti­tion qui reste anachro­nique dans le temps. Si on regarde la parti­ci­pa­tion des meilleurs joueurs sur les quinze dernières années, elle est très faible. En Grands Chelems non, car ils font parti des piliers du jeu, la Coupe Davis non. On essaie de la main­tenir mais il faut réflé­chir à un système pour l’alléger comme avoir des matches en trois manches pour que les joueurs puissent se sentir prêts physi­que­ment à la jouer. »

Vous n’êtes pas favo­rable à une compé­ti­tion tous les deux ans comme certains joueurs l’avaient préconisé ?

« Non, car il faudra revoir le calen­drier tous les deux ans du coup. Moi je suis plus pour changer le format des matches afin de l’alléger un peu. Je ne suis pas favo­rable à une Coupe Davis tous les deux ans ou à un endroit précis. La force de la Coupe Davis c’est de jouer dans les pays. Si on fait une Coupe Davis à un endroit précis comme ce qui avait été fait à Düsseldorf pour la Nations Cup, il n’y a aucun intérêt, que ce soit sportif ou national. Alors c’est sans doute une compé­ti­tion très sympa­thique, mais aucun attrait et les joueurs ne savaient pas. C’est pour ça que faire une épreuve sur dix jours par exemple, ce n’est pas la formule idéale. Djokovic ce qui lui plait c’est de jouer pour son pays et dans son pays devant 15 000 personnes ! L’ITF n’a toujours pas entamé la réflexion, il faut le faire avant que les joueurs le fassent mais contre la Coupe Davis. »

Partagez‐vous l’inquiétude qui domine comme l’a expliqué Gilbert Ysern récemment ?

« Contrairement à Gilbert (YSern), je ne pense pas que les Grands Chelems seront touchés. Je vais prendre l’exemple du golf. Ils ont créé la FedEx Cup avec de plus en plus d’épreuves, de plus en plus de points, mais vous dire qui l’a gagné… Alors que par contre Augusta, le Bristish Open ou l’US Open oui. Les joueurs qui gagnent ont beau­coup plus marqué l’histoire. Les Grands Chelems sont les piliers du jeu et vont le rester, il n’y a pas de danger là‐dessus. Les joueurs viennent pour le titre, pour gagner un Grand Chelem et ils le prouvent chaque année en les dispu­tant. Les plus grands comme Federer, Nadal ou Djokovic sont marqués à fond par l’histoire du jeu. Les voir à Manille ne me choque pas, ils font la promo­tion du jeu. Il y a peu de moment dans la saison où ils peuvent le faire. Quand on voit le succès à Manille, qui est sans doute la ville la plus améri­caine de l’Asie, il y a un engoue­ment excep­tionnel. Un tournoi plus tradi­tionnel, je ne suis pas sûr qu’il y aurait eu le même intérêt. Pour que ça marche, il faut que ça soit des gens formés pour voir du tennis. Là ils veulent du spectacle. »

C’est-à-dire ?

« Sur une partie de l’Asie ou toute l’Asie, le Japon est quand plus tradi­tionnel dans son approche, on doit se demander s’il ne faut pas aller vers des événe­ments comme ceux‐là. Par exemple, le tournoi de Kuala Lumpur (ATP 250) qui a une très belle salle, un tableau de qualité, est souvent vide. Si on fait la même opéra­tion que l’IPTL en France pas sûr que ça marche. Il faut être à l’écoute du marché plané­taire et selon la région où on est. Les joueurs ont besoin de gagner des trophées, des tour­nois offi­ciels pour arriver dans les Grands Chelems. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir pour ça, il ne faut pas diabo­liser l’IPTL. »

En février dernier, vous aviez évoqué une solu­tion qui était de revoir le clas­se­ment et les points ?

« Il y a pas mal de choses oui, et l’étude doit être menée avec des direc­teurs de tournoi, des médias, des spon­sors pour une meilleure arti­cu­la­tion et harmo­ni­sa­tion du circuit. Je suis pour une libé­ra­li­sa­tion du système. Je suis contre les appel­la­tions des tour­nois 250, 500, 1000 à la limite. Selon moi, il y aura toujours des tour­nois plus forts que d’autres comme Indian Wells, Miami ou Madrid. Quand on regarde Monte‐Carlo, les joueurs se sont élevés contre l’ATP quand elle a voulu déclasser le tournoi. Ils ont conservé le même statut mais sans les mêmes avan­tages car les joueurs ne sont pas obligés de venir. Finalement, le tournoi n’a rien perdu, le palmarès reste excep­tionnel et les meilleurs sont toujours là. Ils ont eu raison de se battre. Le calen­drier est fait autour des Grands Chelems et Masters 1000 et les meilleurs jouent pour les préparer. Quand on descend de caté­gorie, il y a très peu de top 10 en 250, la moyenne doit être de 0,9. Quand on enlève Marseille et Doha qui en ont souvent quatre, sur 41 tour­nois, une ving­taine doit avoir un seul top 10. C’est peu. Le calen­drier est surchargé. Mais il faut regarder la réalité en face que ça soit écono­mique, physique ou spor­tive pour les joueurs : ils arti­culent la saison selon certains points forts. Pourquoi des joueurs vont à Brisbane ou Sydney ? Parce que derrière il y a l’Open d’Australie, sinon ils n’iraient pas. »

Comment fonc­tion­ne­rait cette libéralisation ?

« Je suis pour la libé­ra­li­sa­tion des 250 et 500. Un tournoi qui va mettre 2 millions de prize money doit avoir plus de points que celui qui en met moins. C’est pareil pour la qualité du tableau, il doit y avoir un meilleur ratio de points. En fonc­tion de cette libé­ra­li­sa­tion des points selon le prize money et la force du tableau, ce n’est pas normal qu’un tournoi comme Marseille donne le même nombre points que Bucarest ou Vina del Mar, car pour le gagner il faut battre trois top 10. Il est presque plus fort spor­ti­ve­ment que Hambourg ou Washington. Il y a des 250 où il n’y en a pas un. Également, le fait de marquer 2000 points pour la victoire en Grand Chelem, ça me choque. Car si vous gagnez les quatre, vous êtes sûr de finir numéro un. Plus aucun intérêt de jouer. Aujourd’hui, avec ce système, le rapport est de 1 sur 8. Le joueur se dit : comme je ne marque pas de point et pas d’argent dans les autres tour­nois, je veux des garan­ties finan­cières très fortes. Il faut arriver à réar­ti­culer tout ça. Etienne de Villiers (ancien président de l’ATP) voulait faire quelque chose de très bien, donner plus de clarté au circuit. Mais cela s’est fait dans un cadre trop figé, avec des tour­nois déclassés et d’autres surclassés. Avec une libé­ra­li­sa­tion, on retrou­ve­rait les mêmes gros tour­nois et les mêmes valeurs. Maintenant l’IPTL, qui fait parti des choses qui se passent et que je pensais être un fiasco au départ, je m’aperçois que non et que la manière dont les joueurs se prennent au jeu est très bien pour la promo­tion du jeu et peut faire rentrer de nouveaux acteurs dans le tennis. »

Est‐ce qu’une modi­fi­ca­tion du format de jeu égale­ment comme le NO AD peut améliorer le jeu ?

« J’ai toujours été très favo­rable au NO AD, pour une raison très simple. Quand le tie‐break est arrivé il y a quarante ans main­te­nant, on a dit que ça allait déna­turer le jeu. Or cela n’a pas simple­ment écourté le match mais cela a donné plus d’intérêt au match. Là, on va démul­ti­plier l’intérêt. Le point à égalité est un point qui ne sert à rien je trouve, presque pour se reposer. Le NO AD va donner de l’intérêt à chaque point, à chaque jeu et donc de l’émotion et de la tactique. En revanche, le let au service, ça me gène. »

Le calen­drier ne pose t‑il pas problème ? Car si les joueurs font la promo­tion du jeu par des exhi­bi­tions ok, mais ils ne doivent pas se plaindre dans quelques semaines qu’il est trop chargé…

« Le calen­drier est un leurre total. C’est là où il faut faire atten­tion. Les joueurs doivent être honnêtes. S’ils intègrent cette partie dans leur calen­drier, ça peut gêner des tour­nois mineurs en début d’année ou en Europe en février. Les joueurs se sont plaints pour faire des exhi­bi­tions derrière. S’ils veulent du temps, ils l’auraient si on libé­ra­li­sait, ils pour­raient jouer ce qu’ils veulent. Encore une fois, je le dis, les Grands Chelems ne sont pas en danger car les joueurs ont besoin de jouer. Je pense qu’il y a 10 ou 15 tour­nois qui n’ont pas leur place dans le circuit. On ne peut dire j’ai un tournoi mais je ne peux pas proposer les meilleurs et profiter du « système commu­niste de l’ATP » comme disait McEnroe et râler ensuite parce qu’ils n’ont pas les meilleurs. Ce n’est pas facile à faire entendre je pense. Maintenant on la chance d’avoir avec l’ATP des président et une instance qui réflé­chissent à l’intérêt du sport et du sportif. Ils ne réflé­chissent pas seule­ment à l’économique, mais à l’intérêt du tour et du sport. L’ITF n’a pas cette démarche pour le déve­lop­pe­ment du jeu. L’ATP joue ce rôle‐là. »