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Cornu : « Federer a proposé le meilleur tennis de sa carrière »

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Avec seule­ment 5 défaites et 52 victoires, sept titres dont deux du Grand Chelem, Roger Federer a marqué, presque à la surprise géné­rale, cette saison 2017. Pour bien comprendre ce nouveau Roger Federer, on est allé à la rencontre de Cyril Cornu, notre consul­tant sur le tennis en Suisse. Décryptage.

Si tu devais résumer son année en un mot ?

Je dirais : apothéose. Selon moi cette année, Roger Federer a proposé le meilleur tennis de sa carrière. Quel plaisir de le voir frapper son revers et quelle toni­cité, vélo­cité, quel athlète. Je trouve qu’il a gommé quelques défauts qu’il avait dans son jeu même à une période où il domi­nait déjà le tennis. Je pense notam­ment à ces instants où quand son adver­saire commen­çait à tenter et réussir, il bais­sait un peu pavillon. Je me souviens par exemple de ce match face à Jo‐Wilfried Tsonga à Wimbledon en 2011 où il mène les débats. D’un coup, Jo tente le tout pour le tout. Et là Roger, qui est agressé, ne trouve pas de solu­tion, il est sans réac­tion, ne cherche pas à changer sa ligne direc­trice. Au final, il perd un match qu’il devait gagner. Si on regarde de près sa finale à l’Open d’Australie on aurait pu voir un scénario iden­tique comme on en a vu souvent face à Rafael Nadal, mais là à un moment Roger a dit non et sa rébel­lion a été de toute beauté, il s’est lâché. Tout cela, il a pu aussi l’ac­com­plir car il a changé des para­mètres dans son jeu. Il faut vrai­ment se rendre compte que Roger ne cesse jamais de cher­cher à mieux jouer.

Si tu devais donner la date de l’arrêt de sa carrière ?

Je ne suis pas devin et j’ai envie de dire, comme tous les passionnés, le plus tard possible. Je ne le vois pas en tout cas arrêter sur un coup de tête, à l’issue d’un mauvais résultat. Ce n’est pas dans son tempé­ra­ment. Cela ne lui ressemble pas. Je pense qu’il prendra cette déci­sion lorsqu’il ne ressen­tira plus de plaisir à l’en­traî­ne­ment. Son souci c’est qu’il aime vrai­ment le jeu. Et il sait mieux que quiconque qu’il n’y a pas de hasard, que les matchs se gagnent lors des prépa­ra­tions avec le bleu de chauffe, au « practice ».

Si tu devais choisir entre le physique, la tech­nique et la tactique, quelle serait la qualité que tu mettrais en avant ?

Je vais faire une réponse de normand, je dirais les trois car tout est lié. Le physique amène la tech­nique qui sert la tactique. On ne peut pas isoler une qualité en parti­cu­lier. Et cette année, sur certaines séquences, certains tour­nois, Roger a confirmé qu’il s’ap­puyait sur ces trois axes qui font de lui un joueur exceptionnel.

Si on te dit que sa saison 2017 a été aussi perfor­mante surtout parce qu’il manquait certains ténors…

Dans une carrière cela arrive, je ne parle pas de chance mais de circons­tances favo­rables mais ce serait aussi ne pas tenir compte d’une géné­ra­tion montante, je pense notam­ment à Alexander Zverev. C’est comme quand Roger perd face à David Goffin à Londres. Tout le monde nous explique que le Suisse était émoussé, pas à son niveau… Je m’ins­cris en faux. Si on regarde le match, il y a un tour­nant où Goffin prend conscience que s’il joue en cadence il n’aura aucune chance de s’im­poser. De ce fait, il change sa tactique, bous­cule Roger, joue très vite, et s’im­pose. Voilà la vérité.

Si je te dis terre battue et Roland‐Garros ?

Je l’ex­cuse car je connais les contraintes ou plutôt la prépa­ra­tion qu’il faut mettre en place pour être perfor­mant sur cette surface très exigeante. De toute façon, il faut s’ha­bi­tuer à ce type de choix. Le calen­drier, la concur­rence, il est logique au final que Roger soit aussi radical dans son programme. C’est aussi cela qui lui permet d’éviter de grosses bles­sures car on sait tous que revenir à son meilleur niveau est un sacré chal­lenge, ça ne marche pas toujours. Je n’ose pas imaginer les efforts accom­plis par Rafael Nadal pour y être parvenu cette année.

Si je te dis Laver Cup ?

Je sais qu’à GrandChelem vous avez été sévère avec cette compé­ti­tion. Personnellement, je pense qu’il ne faut pas être radical. Aujourd’hui, les meilleurs ne jouent pas la Coupe Davis qui n’a pas beau­coup évolué, la Laver Cup a le mérite de proposer quelque chose de nouveau. Que ce soit Roger qui soit aussi à l’ori­gine de ces idées nova­trices cela ne m’étonne pas du tout. Alors on peut criti­quer l’idée, le fait qu’il y ait beau­coup d’argent, il reste que la vérité c’est qu’en quelques coups de fil Roger parvient à trouver des moyens consi­dé­rables pour mettre en place un événe­ment de cette enver­gure. J’aimerais que tout le monde se retrouve autour d’une table pour réflé­chir à faire évoluer les choses. Après, beau­coup doutaient aussi de l’en­ga­ge­ment des joueurs sur cette fameuse Laver Cup et bien au final, ce fut tout le contraire, et le niveau était élevé.

Si je te dis que Roger Federer est un cham­pion trop grand pour la Suisse ?

C’est une idée qui circule. Les Suisses aiment la discré­tion, c’est une ques­tion d’édu­ca­tion. De plus, avec Roger Federer on s’ha­bitue trop faci­le­ment à la perfor­mance. Au final, Roger Federer, même s’il est Suisse, fait partie des grandes stars de l’his­toire du sport, il n’a presque plus de natio­na­lité (rires), partout où il se déplace c’est de la folie.

Si je te dis que Roger Federer est une loco­mo­tive éter­nelle pour la pratique du tennis en Suisse ?

Je te réponds que tu oublies Stan Wawrinka, lui aussi joue un rôle fonda­mental dans un autre registre. Les Suisses savent qu’ils sont gâtés avec deux cham­pions dont le parcours est très diffé­rent. Cela permet à tous les types de joueurs de s’iden­ti­fier à ces stars du circuit et cela permet de créer des voca­tions, même si je l’ai aussi déjà précisé dans ces pages les struc­tures clubs en Suisse sont très diffé­rentes de celles que je connais en France.

Retrouvez gratui­te­ment et en inté­gra­lité le numéro 61, le dernier numéro de notre maga­zine GrandChelem… Bonne lecture !