Frédéric Fontang : « Le Canada, et plus précisément le Québec, a la particularité d’avoir les avantages d’une double culture. »
les avantages d’une double culture »
Aujourd’hui coach de l’espoir Félix Auger‐Aliassime, Frédéric Fontang a décidé de rejoindre la fédération canadienne en 2012. Résumé en quelques questions clés d’une aventure réussie et enrichissante.
Est‐ce que partir coacher à l’étranger était un objectif ?
Ce n’était pas un objectif précis, mais quand on est coach sur le circuit professionnel, c’est toujours une possibilité à envisager. Cela s’est concrétisé en octobre 2012 par le biais d’un appel de Louis Borfiga [Louis Borfiga est l’équivalent au Canada du DTN en France, ndlr] qui m’a proposé de travailler avec Vasek Pospisil, suite à la fin de ma collaboration avec Caroline Garcia.
Si cela n’avait pas été le Canada, est‐ce que tu serais quand même parti ?
Le fait de connaître Louis Borfiga et Guillaume Marx a favorisé ma décision, c’est certain. Mais en tant qu’entraîneur, on regarde surtout si c’est un bon projet, un challenge intéressant à relever.,C’était le cas avec Vasek Pospisil, que j’ai ainsi pu accompagner dans sa progression de 130e à 25e mondial.
Comment gères‐tu cette situation avec ta famille basée à Pau, ta ville natale ?
La vie d’entraîneur demande de partir au minimum 25 semaines par an, cela a souvent été beaucoup plus que cela. En fait, c’est surtout le nombre de semaines consécutives loin de la maison qu’il faut pouvoir gérer au mieux. En ce qui nous concerne, au‐delà de quatre semaines de séparation, cela devient difficile. J’ai la chance de travailler en binôme avec Guillaume Marx pour le projet de Félix Auger‐Aliassime, ce qui nous permet de mieux gérer l’organisation des déplacements. Mon épouse me soutient et comprend les contraintes de mon métier, les enfants ont toujours connu ce rythme, et nous sommes vigilants sur le fait de garder un bon équilibre familial dans cette vie de nomade.
Penses‐tu que la formation à la française permette de partir un peu n’importe où ?
À part les langues étrangères qui ne sont pas le point fort des Français en général, le niveau des entraîneurs français est très bon, et ce grâce aux bonnes formations de base mises en place par la Fédération française de tennis et la culture tennis dans notre pays qui reste forte. C’est un bagage de départ suffisant, mais ce qui va faire la différence ensuite, c’est la personnalité de l’entraîneur, sa compréhension du tennis, mais aussi sa capacité à toujours se remettre en question et chercher le meilleur pour son joueur.
Qu’y a‑t‐il de plus étonnant dans la culture canadienne et qui t’a permis de progresser en tant que coach ?
Le Canada, et plus précisément le Québec, a la particularité d’avoir les avantages d’une double culture. D’une part, la culture américaine, où tout est possible : on fait confiance, on se donne les moyens et on avance sans avoir peur de l’échec. Et d’autre part, la culture française avec son savoir‐vivre ainsi que l’approche plus humaine du management.
Tu as beaucoup coaché en France, notamment Jérémy Chardy. Qu’est-ce qui caractérise finalement la culture du coaching à la française ?
Les entraîneurs français sont bons, ils ont des compétences solides, en particulier sur le plan technique et tactique, par rapport à la moyenne des coachs sur le circuit.
Qu’est-ce que l’on peut améliorer ?
Il est difficile de juger en profondeur ce qui fait la qualité d’un entraîneur, car son travail est un processus qui reste la face cachée de l’iceberg. On communique rarement dessus. Chacun possède sa façon de travailler et garde un peu sa propre recette secrète. Le seul critère visible, ce sont les résultats qu’il a obtenus avec ses joueurs. Mais je dirais que pour le top niveau, le coach français peut s’améliorer dans la capacité à savoir bien s’entourer des compétences nécessaires pour construire une équipe solide et complète autour de son joueur.
Si l’expérience canadienne s’arrête demain, dans quel pays tenterais‐tu une autre expérience de ce type ?
Je ne suis fermé à aucune proposition. Ce qui emportera toujours ma décision, c’est l’intérêt du projet et le feeling avec le joueur.
Est‐ce que si je te dis French Touch, ça te parle en termes de jeu et d’entraînement ?
Pas vraiment, je ne peux pas dire qu’il existe une French Touch dans le tennis de haut niveau. On voit bien que tous les styles de jeu sont différents chez nos meilleurs joueurs. Entre Jo‐Wilfried Tsonga, Gilles Simon, Gaël Monfils, Benoît Paire, Richard Gasquet, Jérémy Chardy, il n’y a pas vraiment de similitudes. Forcément, ils ont tous été formés en France et, notre fédération ayant des moyens financiers importants, ils ont pu bénéficier d’un encadrement similaire à la base et souvent d’un bon enseignement technique. Mais ensuite, tous ont eu des parcours différents qui ont construit leur jeu, leur identité. On entend souvent dire que les Français sont trop comme ceci ou pas assez comme cela, comme s’il y avait une généralité culturelle. Même s’il y a forcément une part de culturel dans nos agissements, on a tendance à trop vouloir gommer le caractère propre à chacun. Ce sont le tempérament et les qualités individuelles qui vont permettre ou pas de devenir un champion, au‐delà de sa nationalité.
À part le vin, qu’est-ce qui te manque le plus quand tu penses à la France ?
Incontestablement, le bon pain !
Publié le jeudi 21 février 2019 à 11:00