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Gervais : « C’est une belle revanche »

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Julie Gervais n’a que 24 ans mais possède déjà un parcours abso­lu­ment atypique. Passée proche d’arrêter le tennis après avoir intégré le centre national d’entraînement à Roland‐Garros, la native de Charleville‐Mézières vient de vivre trois derniers mois de rêve : gagnante du crité­rium puis de son premier tournoi ITF en Suède. Membre de la team Tecnifibre, elle a été récom­pensée par la marque fran­çaise en étant invitée au Masters de Londres. Après nous avoir raconté son aven­ture dans la capi­tale britan­nique, elle nous explique son parcours, loin d’être linéaire.

Julie, parlons de toi. Tu as un parcours assez atypique où tu as été proche d’arrêter le tennis…

« Effectivement, je suis rentrée au pole France à Roland‐Garros en 2008/2009. Je n’ai jamais pu faire une saison complète puisque pendant six ans, j’ai connu que des bles­sures : je me suis cassée la cheville, j’ai eu des pubal­gies, diffé­rents problèmes à l’épaule pendant quatre ans, déchi­rure et tendi­nite, le dos aussi… Tous ces pépins étaient impor­tants et m’obligeaient à m’arrêter pendant plusieurs mois. Je ne suis restée qu’un an à la Fédération. On m’a fait comprendre que je n’étais pas faite pour le tennis car j’étais trop frêle, trop fragile… En plus des bles­sures, menta­le­ment, je prends un coup quand on me dit ça. J’étais dans une spirale néga­tive d’autant que je suis une fille sensible… Derrière, je me pose beau­coup de ques­tions et je me remets en cause. Quand je ne suis pas bien dans ma tête, ça se trans­forme en blessure. »

Pendant ces six ans, as‐tu joué ou essayé de reprendre ?

« Oui, mais je ne pouvais pas. Il m’arrivait parfois d’abandonner… C’est quelque chose que je ne faisais jamais car je suis une battante sur le court ! Ensuite, comme je n’avais pas le Bac, je voulais assurer mes arrières tout en restant dans le tennis qui est ma passion. Je suis revenue dans les Ardennes, ma région, pour passer le DE. J’étais à Reims en alter­nance pour la forma­tion. J’ai essayé de conti­nuer à jouer pour garder un petit niveau, car je suis quand même redes­cendue à 0. Une fois le diplôme en poche, je suis parvenue à remonter ‑15. J’ai signé dans un club dans le Nord‐Pas‐de‐Calais en tant que prof. Comme je venais de faire 0 à ‑15 et que je suis une compé­ti­trice, je voulais essayer de conti­nuer. Malgré le fait de travailler à temps plein, je faisais des tour­nois unique­ment pendant les vacances scolaires. C’est simple, je suis passée de ‑15 à N20 ! Et je viens juste de prendre mes premiers points WTA… »

Comment expliques‐tu un tel retour ?

« Une fois le diplôme de DE en poche, j’ai eu un déclic dans ma tête. Je me sentais bien. J’ai changé d’alimentation aussi : j’ai arrêté le gluten, le laitage mais aussi les aliments grillés car ça créaient trop d’acidité dans mon corps. »

Quand as‐tu commencé les tour­nois ITF ?

« C’est tout récent puisque j’ai commencé en octobre dernier. Cette année, comme je travaillais à temps plein, je ne parti­ci­pais qu’aux tour­nois fran­çais pendant les vacances scolaires. J’ai fini la saison en rempor­tant le « Crit » (cham­pionnat de France deuxième série) sur terre. Une très belle perfor­mance car la terre n’est pas ma meilleure surface. C’était un des plus beaux jours de ma vie ! Après cette victoire, je me retrouve N20 et j’ai envie de jouer car je ne me blesse plus. J’avais démis­sionné de mon club en juin. Alors je décide de me lancer dans les tour­nois. Après la frus­tra­tion des années précé­dentes, j’ai eu envie de retenter ma chance pour ne pas avoir de regrets. J’ai joué deux semaines à Héraklion (ITF 10 000 ) où j’ai fait deux demi‐finales. Puis j’ai remporté mon premier ITF 10 000 à Stockholm. Je me retrouve main­te­nant 765 à la WTA… Je me fais plaisir et c’est le principal. »

Maintenant, quels sont tes objectifs ?

« Avec tout ce que j’ai vécu, je ne me fixe aucun objectif. Je ne me mets aucune barrière. Je joue pour me faire plaisir et on verra où cela me mènera. Je ne sais pas encore où je commen­cerai en 2016, soit en Allemagne, soit m’entraîner un peu plus pour débuter par des 25 000 en France comme Andrézieux ou Grenoble. »

Peut‐on dire que c’est une revanche ?

« Exactement ! C’est une très belle revanche pour tous ceux qui n’ont pax cru en moi et qui m’ont critiqué. Dans le tennis, quand ça ne va pas, personne ne te soutient. Quand tu gagnes, tu as beau­coup de copains… Mais je n’oublie pas d’où je viens. C’est une revanche pour toutes les personnes qui se sentent concernées. »

Possèdes‐tu une struc­ture aujourd’hui ?

« Non, c’est moi qui gère tout ! J’ai trois spar­rings et je m’entraîne avec l’équipe une mascu­line de Charleville‐Mézières où j’ai pris ma coti­sa­tion. Je fais mon entraî­ne­ment physique seule. Ce sont beau­coup de respon­sa­bi­lités mais au moins, je ne dois rien à personne. Je me connais très bien, donc je gère mon plan­ning selon comment je me sens. »

Finalement, le fait d’être passée par toutes ces étapes et d’avoir un tel parcours, te permet de mieux appré­hender le circuit ITF qui reste toujours complexe pour gagner sa vie ?

« C’est une évidence ! Je suis sur mes écono­mies, c’est moi qui finance tout. Je n’ai pas d’aide finan­cière. J’ai la chance d’avoir Tecnifibre qui me soutient sur le maté­riel. Je parle de chance car sur le plan humain, ils sont géniaux. Si on m’avait tout donné pour faire ma carrière, je n’aurais peut‐être pas le même état d’esprit. C’est un plus d’être dans cette situa­tion. Je ne suis pas dans le confort, tout me semble impor­tant et cela me donne une certaine rigueur dans ce que je fais. »

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