Marc Gicquel est désormais un jeune retraité. Le Breton a vu sa carrière se terminer en quarts de finale du Challenger de Rennes face à Nicolas Mahut, son ami, à 37 ans et après 15 ans sur le circuit professionnel. Marco s’est confié à WLT sur ses impressions et sensations après un tournoi émotionnellement fort et la nouvelle vie qui l’attend.
Comment sait‐on que c’est le bon moment d’arrêter sa carrière finalement ?
C’est une question de motivation. L’envie d’aller s’entraîner 1h30, 2 heures par jour était moins là. Quand je tape 45 minutes, ça me suffit. Or pour être compétitif, il faut beaucoup jouer, beaucoup s’entraîner et cette envie est moins présente. C’est une décision mûrement réfléchie. Je n’ai pas joué de l’été, j’ai commencé à raccrocher tout doucement en 2014. Je savais que je n’allais pas continuer et repartir sur une saison en 2015.
De quand date cette réflexion ?
Je pense mars ou avril. Il n’y a pas un moment précis. J’y ai pensé tout doucement. J’ai eu 37 ans cette année. Même si j’ai bien joué à Montpellier en début d’année (quart de finaliste), je me disais « tiens peut‐être que je vais faire une bonne saison ». Mais l’envie n’est pas forcément là et si on ne s’investit pas à fond sur le circuit, ça ne sert à rien. Soit on donne tout, soit on fait autre chose.
Y a t‑il eu un élément déclencheur ?
Non, vraiment, c’est venu tout doucement. Il n’y a pas eu de moment précis, pas une situation qui fait que. L’enchaînement des matches, une victoire, deux… qui m’a gavé finalement. Je n’étais plus très motivé. Parfois j’étais sur le terrain pour dire d’être sur le terrain. Et le plaisir est moins présent.
Finalement, arrêter à Rennes, presque à domicile, c’était parfait ?
Quitte à choisir un tournoi, c’était le lieu parfait. Je l’aurais peut‐être fait à Saint‐Brieuc, où c’est vraiment chez moi, mais je ne me voyais pas jouer et tenir jusqu’en mars. Rennes tombait au moment idéal. J’ai joué devant ma famille, mes amis, le tournoi rêvé pour arrêter.
C’est plus facile de se souvenir de son premier ou dernier match ?
Pour l’instant, ça va être le dernier, c’est encore tout frais. Après le tournoi entier le restera avec tout ce qui s’est passé autour. J’ai perdu sur Nico (Mahut) avec qui je venais juste de gagner le double à Mons la semaine précédente. Sans manquer de respect à Gerard Melzer au premier tour, c’est plus cool de finir sa carrière et perdre contre un copain. Si j’avais fini sur un titre, cela aurait été encore mieux aussi ! Mais une défaite contre un pote, c’est parfait. Cela aurait été pareil contre Paulo (Paul‐Henri Mathieu) au deuxième tour.
Qu’est-ce que l’on garde de toutes ces années sur le circuit professionnel ?
On se souvient de tous ces voyages, tournois, les matches contre les grands joueurs sur les grands courts. Si on joue au tennis, c’est pour vivre ce genre de moments. Il y a pleins de bons souvenirs. Il n’y a rien à changer, je ne regrette aucun choix de carrière et j’en suis très heureux. Un très bon souvenir restera sans doute le huitième de finale de l’US Open 2006 face à Roger Federer. Mes finales à Lyon en 2006 et 2007 aussi, ou celle d’Hertogenbosch. Il y a plus de bons souvenirs que de mauvais, heureusement d’ailleurs (rires) !
Qu’est-ce qui a été le plus dur, d’intégrer le top 100 ou de s’y maintenir ?
Le plus dur aura été d’arriver dans le top 100. J’y suis resté pendant quasiment cinq ans. J’en suis sorti, pas à cause de mon niveau, mais à cause d’une blessure. On essaie toujours d’éviter ce genre de coup dur, mais j’ai été assez épargné au cours de ma carrière.
Quelle est ta plus belle victoire ?
Si on parle en terme de classement, le succès face à Tommy Robredo à Lyon où il était neuvième. Il y a eu Gasquet aussi à Hertogenbosch, neuvième aussi. Mais mon parcours à l’US Open 2006 avec des succès sur Ferrero et Gaudio. Contre l’Argentin, ça me permet de jouer Roger derrière en huitièmes ! Je gagne 7–6 au cinquième au terme d’un match très intense. Tout ce scénario, je m’en souviens. J’en garde un très bon souvenir !
Vous vous souvenez de ce que Federer a pu vous dire à l’US Open à l’issue de la rencontre ?
Je crois qu’il m’avait félicité pour mon parcours. Je l’ai recôtoyé depuis, on s’est affronté à trois reprises. J’ai tapé la balle à l’entraînement cette année à Roland‐Garros. Quand on arrive sur le circuit et que l’on est passionné, on rêve tous de ce genre de moments. On a les yeux grands ouverts. Mais il faut gommer ce côté‐là pour leur montrer qu’on peut les battre, que l’on n’est pas des fans mais qu’on est là pour les taper.
Est‐ce que finalement le seul regret serait de ne pas avoir disputé Roland‐Garros cette saison ?
J’avais eu une wild‐card la saison dernière. J’ai eu 37 ans, place aux jeunes tout simplement. Je n’aime pas forcément les cérémonies, je suis assez discret. J’ai échoué en qualifications, j’ai passé un tour en double. Il faut un dernier match, un dernier Roland‐Garros, même si ce n’est pas facile à encaisser. J’y ai pensé à Mons, le soir ça m’arrive aussi d’avoir un peu le cafard, mais on passe à autre chose. Ce qui va faire drôle, c’est l’année prochaine lorsque les copains vont s’entraîner alors que je vais venir en spectateur !
Quelle est la première chose que vous allez faire maintenant ?
Profiter de la famille ! C’est essentiel. Après avec Thierry Ascionne, Jonathan Dasnières de Veigy et Nicolas Copin, on va ouvrir une académie de tennis dans un club sur Paris.
Car l’objectif est d’entraîner ?
Pour moi, l’académie signifie entraîner. Le tennis est ma passion, donc je ne pouvais pas ne plus en entendre parler. Je veux transmettre ce que j’ai appris, faire partager aux autres. Si je peux entraîner, j’adorerais bien sûr. Il faut bien commencer en bas de l’échelle, se faire connaître. Je prendrai étape par étape. Aujourd’hui, c’est ce que j’ai envie de faire.
Cette idée avait été réfléchie avant d’arrêter ?
C’est vrai que l’on y pense. J’avais ça dans un coin de ma tête. Il n’y avait pas encore de structure sûr, Thierry (Ascione) nous en a parlé. Ça m’a tout de suite branché. À 37 ans, on pense forcément à son après‐carrière. Maintenant je vais aussi faire des matches en CNGT (Circuit national des grands tournois) et en matches par équipes. Si je peux encore un peu jouer, je vais le faire ! J’adore les matches par équipes, l’ambiance est différente, on joue pour le club et les copains. Je vais d’ailleurs m’entraîner pour être prêt pour novembre !
Pour le plaisir, un des plus beaux points de la carrière de Marc Gicquel : une volée en total extension contre Rainer Schuettler au premier tour d’Halle en 2009 :
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Publié le lundi 13 octobre 2014 à 20:26