AccueilInterviewsLe tennis, c'est la santé (5/5) - Cuvier : "J’ai tout de suite...

Le tennis, c’est la santé (5÷5) – Cuvier : « J’ai tout de suite pensé au tenni »

-

Dans le cadre du trai­te­ment du cancer du sein, Anne Cuvier, onco­logue et passionnée, a mis en place à l’hôpital Saint‐Louis (Paris) le tennis‐santé. Explications.

Crédit photo : Philippe Kuntz

Comment cette idée de faire jouer au tennis des femmes atteintes du cancer du sein vous est‐elle venue ?

Je suis onco­logue, spécia­lisée en cancé­ro­logie du sein, et je travaille au séno­pôle de l’hôpital Saint‐Louis où est pris en charge ce type de tumeurs. Avec les progrès du dépis­tage et ceux des trai­te­ments, le taux de guérison a augmenté au cours des dernières décen­nies, attei­gnant main­te­nant 85 %. Parallèlement, diffé­rents types de soins dits « de support » améliorent la tolé­rance des trai­te­ments. Dans notre service, nous avons toujours essayé de mettre en place un accom­pa­gne­ment amélio­rant la qualité de vie des patientes Longtemps, de nombreux sports ont été contre‐indiqués aux femmes trai­tées pour un cancer du sein sous le prétexte que la solli­ci­ta­tion du bras côté opéré entraî­nait un risque de lymphœ­dème. En 2012, j’ai fait le constat que la litté­ra­ture médi­cale four­nis­sait de plus en plus d’arguments en faveur des béné­fices de l’activité physique pour ces femmes et, paral­lè­le­ment, réfu­tait le dogme « acti­vité physique‐lymphœdème ». 

C’est à ce moment‐là que vous avez décidé de vous lancer ?

J’ai pensé que dans le cadre d’une prise en charge, globale et opti­male, nous devions proposer des ateliers d’activité physique/cours de sport à nos patientes. Il est connu que la majo­rité des gens dimi­nuent leur quan­tité d’activité physique lors du diag­nostic de cancer et ne la recouvrent pas ensuite, après les trai­te­ments. Quant au choix du type d’activité physique, il a été guidé, bien sûr, par mon expé­rience person­nelle, mais aussi par des données pratiques. 

C’est-à-dire ?

Il conve­nait de proposer à nos patientes des acti­vités « clé en main », d’accès direct, sans contrainte orga­ni­sa­tion­nelle ni finan­cière. Licenciée au TC12 Bercy à Paris depuis de nombreuses années, j’ai tout de suite pensé au tennis, aidée par l’énorme atout de la présence d’un court de tennis dans l’enceinte de l’hôpital. L’association spor­tive de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris qui gère le terrain, en la personne de son président Olivier Ponzio, a tout de suite colla­boré en mettant à dispo­si­tion le court une heure par semaine. Par ailleurs, mon moni­teur DE au TC12, Paulo Leite, un passionné de l’enseignement dont je connais­sais les qualités humaines, a immé­dia­te­ment adhéré au projet, chal­lenge notable car il s’agit de femmes n’ayant pour la grande majo­rité jamais pratiqué de sport de balles ni même de sport du tout et qui, de surcroît, entrent dans le « circuit » de la maladie et de ses trai­te­ments, en parti­cu­lier la chimio­thé­rapie. Après avoir trouvé quelques spon­sors, j’ai passé, par l’intermédiaire de l’association du service, une conven­tion avec le TC12 pour une heure de cours hebdo­ma­daire à Saint‐Louis. Afin que chaque patiente puisse s’orienter vers une disci­pline « à sa conve­nance », j’ai complété l’offre avec des cours d’escrime artis­tique, de yoga et de marche nordique.

En quoi le tennis peut‐il être thérapeutique ?

Nous dispo­sons main­te­nant de nombreuses données, résul­tats de multiples études épidé­mio­lo­giques, montrant que la pratique régu­lière d’une acti­vité physique après le diag­nostic d’un cancer du sein diminue les risques de réci­dives et de décès. Il faut néan­moins un seuil minimal d’activité, l’équivalent de 150 minutes hebdo­ma­daires de marche rapide, et une pratique prolongée. La pratique spor­tive complète donc les trai­te­ments spéci­fiques du cancer (chirurgie, radio­thé­rapie, hormo­no­thé­rapie, chimio­thé­rapie), en ne les rempla­çant en aucun cas bien sûr. 

On dit aussi que la pratique spor­tive a un rôle social dans le trai­te­ment de la maladie.

En effet, l’activité physique bonifie la qualité de vie des patientes pendant et après les trai­te­ments en amélio­rant leurs perfor­mances physio­lo­giques, leur qualité de sommeil, en rédui­sant le niveau d’anxiété, les syndromes dépres­sifs et souvent en créant du lien social. L’efficacité de l’activité comme soin de support est donc inhé­rente au carac­tère régu­lier et réma­nent de la pratique. Il convient donc d’obtenir l’adhésion des patientes. Le tennis, sport ludique, rendu acces­sible à tous et toutes par un maté­riel adapté (balles mousse, inter­mé­diaires), répond parfai­te­ment aux exigences du sport‐santé – sous réserve du respect de rares contre‐indications non liées au cancer.

Est‐ce que votre exemple est imité dans d’autres spécia­lités ou centres hospitaliers ?

Oui, le sport‐santé se déve­loppe. De nombreux centres hospi­ta­liers proposent main­te­nant des cours de sport ou des séances d’activité physique. Il s’agit souvent de marche nordique, yoga, karaté, gym. L’escrime a une véri­table « histoire » avec le cancer du sein. Si les expé­riences sont nombreuses depuis 2 ou 3 ans pour le cancer du sein, elles concernent aussi les cancers diges­tifs, et d’autres patho­lo­gies chro­niques (diabète, surpoids, mala­dies cardio­vas­cu­laires, mala­dies neuro­psy­cho­lo­giques). Les poli­tiques et les écono­mistes ont réalisé les enjeux et le concept de sport‐santé a main­te­nant le vent en poupe. Néanmoins, ce n’est pas gagné ; il y a encore beau­coup de monde à convaincre et des moyens à développer.

Article précédent
Article suivant