Olivier Delaitre a intégré le team de coaches de notre partenaire, l’ISP Academy, à Sophia Antipolis, depuis le début de l’année. Il dresse un constat pragmatique de son après‐carrière et de sa reconversion en tant qu’entraîneur. Cet ex‐spécialiste du double qu’on dit écorché vif est un véritable amoureux du tennis et son discours tranché bouscule les habitudes.
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QUE SONT‐ILS DEVENUS ?
- Pascal Portes
- Séverine Beltrame
- Nathalie Herreman
- Corinne Vanier
- Yahiya Doumbia
- Jean‐Philippe Fleurian
- Olivier Delaitre
- Mary Pierce – à suivre
Comment as‐tu été recruté ici, chez ISP ?
En fait, j’habite à côté, à Cagnes‐sur‐Mer. Je suis simplement venu voir Charles Auffray (NDLR : Directeur d’ISP Academy) et j’ai été très bien reçu. Charles a compris ma situation, j’avais besoin de travailler. Tout de suite, il m’a donné ma chance en me confiant un joueur ukrainien. Comme je suis un peu « ours », il a dû se dire que j’allais bien m’entendre avec un jeune venant d’un pays de l’est (sourire).
C’est le cas ?
Oui, même si ce n’est pas toujours évident de communiquer. Mais je prends du plaisir à enseigner et à chercher des solutions pour continuer à le faire progresser. En même temps, c’est un peu ça le métier d’entraîneur…
La cerise sur le gâteau, c’est que tu peux aussi voyager…
(Rires) Là, tu me charries, je sais que tout le monde t’a parlé de mon aller‐retour express en Lituanie… 23 heures de trajets, en train, en bus, en avion… tout ça pour voir quelques échanges à peine, mon joueur étant malade. On peut dire que ça a été épique ! Mais, au final, je ne vais pas me plaindre, toute expérience est bonne à prendre. Même lorsque vous êtes au fin fond de la Lituanie, perdu au milieu de nulle part.
Tu le sais, on fait un dossier « Que sont‐ils devenus ? ». De ton côté, on a l’impression que tu as eu un parcours assez atypique…
Je ne crois pas, non. Dès la fin de ma carrière, j’ai intégré dans la foulée la Fédération Française. Au début, on m’a confié un groupe de jeunes. Puis, une fois aguerri, j’ai quand même eu la responsabilité de Gilles Simon et Jo‐Wifried Tsonga à l’INSEP, ce n’est pas rien. Cela a duré six ans. Et puis, tout s’est arrêté d’un coup, assez brutalement…
C’est l’épisode avec Patrice Dominguez qui prend en main la DTN et qui décide de se séparer de toi ?
Oui, et on pourrait en parler des heures. Aujourd’hui, c’est du passé. Mais, avec le temps, j’ai bien l’impression que ce choix était plus dicté par l’envie de montrer une certaine autorité que guidé par la compétence. Le DTN de l’époque avait besoin de montrer qu’il était prêt à trancher dans le vif…
Un nouveau patron qui arrive met aussi souvent son équipe en place, cela paraît logique…
Je ne dis pas que c’est illogique, mais il y a des façons de le faire. A l’époque, ça a été très difficile à accepter. Moi, j’ai dû changer de vie, quitter Paris, ma famille, mes filles… Or, quoi que l’on dise, quand vous partez de la capitale, vous sortez du système.
« Malgré ce qu’on veut nous faire croire, le tennis français se décide uniquement à Paris »
C’est‐à‐dire ?
Malgré ce qu’on veut nous faire croire, le tennis français se décide uniquement à Paris. Ce que je déplore vraiment, car nos régions ont de vraies qualités. Mais bon, on va encore dire qu’Olivier Delaitre ouvre sa gueule, alors je n’ai pas envie de polémiquer (sourire)…
Pourquoi ? Il y a une forme d’omerta ?
Non, il ne faut pas en faire des tonnes, mais ce n’est pas toujours simple de dire les choses. Et c’est souvent mal compris. Moi, j’ai fini de me battre pour ça. Je connais mes qualités et mes défauts (rires). Et, surtout, mon envie, mes compétences.
Je me souviens d’une interview dans notre numéro 19 où ton expertise et ta capacité d’analyse avaient fait mouche (rires)…
C’est peut‐être pour cela qu’un temps, j’ai été consultant à la télévision. Plus sérieusement, je suis l’actualité du tennis de très loin, sauf peut‐être quand Roger Federer joue un grand match. Là, je me surprends à chercher un bon streaming pour observer ce champion exceptionnel.
Récemment, tu as aussi aidé Gaël Monfils. Vous semblez avoir une vraie connexion…
C’est le cas. Gaël est très attachant, il est unique dans son approche. Je me souviens d’une anecdote, au Challenger d’Orléans… Il affrontait Michael Llodra. Lors du brief d’avant‐match, je lui ai expliqué que Mika allait forcément se jeter au filet le plus tôt possible et qu’il fallait prendre l’initiative et le repousser loin pour l’en empêcher. Résultat : Gaël a fait service‐volée tout au long du match (rires) ! Dernièrement, à Bercy, je lui ai fait remarquer qu’il servait ses secondes balles systématiquement kickées sur le revers. Il m’a simplement répondu : « Et alors ? » Il est comme ça, il a une logique qui est parfois très singulière…
On peut parler de gâchis avec lui ?
Surtout pas ! Et je vous défends de dire cela. Gaël est un garçon à part, certes, mais il fait des efforts. Quand mentalement il va bien, il est terriblement fort. Mis à part Rafael Nadal et Novak Djokovic, je ne vois pas un mec capable de défendre aussi bien que lui. Mais son équilibre est fragile, c’est une certitude.
Que lui manque‐t‐il ?
Pas grand chose. Un petit pas vers l’avant sur chaque frappe…
Tu n’aimerais pas devenir son coach ?
Cela impliquerait que je sois présent sur le circuit tout au long de l’année, donc c’est assez difficile à concevoir. Mais, sur un système un peu plus flexible, je ne dirais pas forcément non.
Tu faisais partie du groupe qui a gagné la Coupe Davis en 1991. Cela doit rester gravé dans ta mémoire, comme le reste de ta carrière…
Pas vraiment, mais dans celles de mes parents, c’est une certitude. Ils ont tout gardé, mes trophées, mes coupures de presse. L’autre fois, je les ai feuilletées. C’était marrant, même si j’avoue ne pas être du tout nostalgique. Concernant ma carrière, s’il y a eu des moments forts, le temps et, surtout, la suite des événements ont un peu effacé ces instants de joie et d’allégresse…
On te sent un peu amer…
C’est juste un constat. Tout le monde sait que je n’étais pas un boute‐en‐train, ni un gros fêtard. Toute ma carrière, je me suis concentré uniquement sur mon métier et cela m’a joué des tours. Je n’ai jamais vraiment eu la volonté de me créer un réseau d’influence. Or, force est de constater que c’est décisif dans le monde actuel.
Pourquoi ? C’est dans les soirées que tout se passe ?
C’est toi qui le dit (sourire). Moi, je dis juste que tu es forcément un peu exclu, quand tu ne participes pas systématiquement à certaines fêtes de « famille ». Et cela peut avoir des conséquences auxquelles tu ne t’attends pas.
C’est ce que tu as ressenti ?
Je ne veux pas m’épancher là‐dessus. Le tennis reste la passion de ma vie, il m’a tout donné. Quand Charles et son équipe m’ont offert une nouvelle chance ici, je me suis dit qu’il y avait encore des personnes qui n’attachaient pas d’importance aux étiquettes qu’on vous colle. C’est vraiment réconfortant. Il ne s’agit pas de se lamenter. J’ai encore de vraies envies. Et, lorsque je suis dans de bonnes conditions de travail, je sais être performant, attentif et précis.
C’est vrai que tu as l’air en forme !
Je vais bien, oui. Comme je l’ai dit, je me sens bien chez ISP. L’âge aidant, on apprend aussi à prendre du recul. Quand je viens ici le matin sous le soleil pour faire mon métier avec des jeunes, je ne traîne pas les pieds. De toute façon, j’ai besoin de travailler et d’échanger. Si on fait ce métier sans une réelle motivation, on va droit dans le mur.
Être sur le court en permanence, j’imagine que ça doit aussi être pesant, non ?
Ce n’est pas toujours simple, mais c’est là où tout se passe. Évidemment, dans un monde idéal, j’aimerais avoir des missions d’encadrement plus larges. Mais bon, j’ai encore le temps, je n’ai que 47 ans (rires).
Il paraît que tu joues encore ?
Oui, je fais encore de la compétition, quelques tournois pour garder la forme. Je joue 1⁄6, à peu près, mais, dans les bons jours, si ça rigole, mon adversaire passe un mauvais quart d’heure (rires). A l’inverse, si je fais une « contre », ça ne va pas m’empêcher de dormir !
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Olivier Delaitre, 46 ans
- Carrière pro : 1986–2000
- Meilleur classement : 33ème
- 4 finales ATP
- 8 sélections en Coupe Davis
Publié le vendredi 25 avril 2014 à 13:33