Mary Pierce a beau être encore en rééducation, elle n’en perd pas moins sa sympathie et sa bonne humeur. Elle répond en exclusivité aux questions de WLT, sur le circuit féminin, sa carrière, et son avenir.
Justine Hénin a arrêté sa carrière à 25 ans. Vaidisova a déclaré qu’elle arrêterait à 25 ans. Est‐il possible de jouer au tennis après 25 ans chez les filles ? Comment fais‐tu ?
Il faut prendre soin de son corps. C’est aussi important de gérer le côté mental et ses émotions.
Elles ont l’air fatiguées mentalement. Comme Amélie, qui dit « J’ai du mal à me relancer ». C’est difficile ça ?
Je pense que ce qui est important c’est de bien gérer la saison, de bien alterner entraînements et compétitions. Il faut bien regarder tous les tournois. Moi, on peut dire que je ne suis pas une joueuse qui a beaucoup joué. Il y a des filles qui font 28–30 tournois dans l’année. Moi, je faisais entre 16 et 20, guère plus. Je crois qu’il faut prendre des moments de coupure, de repos dans la saison. Comme le corps et la tête ne sont pas trop usés.
Tu as porté la flamme olympique. A GrandChelem, on est très intéressé par les doubles cultures. Peux‐tu me dire ce qui t’a marquée lorsque tu es arrivée des Etats‐Unis, en France ?
(Rires) Moi ce qui m’a marquée, ce sont les voitures et les parkings. En France, il y a des voitures plus petites et très peu de parkings. Alors qu’aux Etats‐Unis, il y a plein de grosses voitures et des places de parking partout. C’est très facile de se garer.
Si j’osais une métaphore, est‐ce qu’on peut dire qu’en France on voit les choses en petit, alors qu’aux Etats‐Unis, peut être du fait de la grandeur du territoire, on voit les choses en grand. On se dit que « tout est possible » ?
Je crois qu’il est dommage de ne pas penser comme ça. De partout d’ailleurs, pas seulement en France. Je pense qu’il est important d’avoir des buts, des rêves, et de faire le maximum pour les atteindre.
Pour prendre un exemple, Amélie ou d’autres joueuses ou joueurs, qui sont Français, ont des problèmes de confiance en soi. On n’a jamais vu ça chez toi. C’est pas une différence ?
En fait, je n’ai jamais remarqué ça. Je ne suis pas dans la tête des autres et je ne veux pas comparer. Moi, j’ai toujours été comme ça. J’ai toujours eu des buts et des objectifs. Et j’ai toujours regardé comment faire pour les atteindre et essayer de tout mettre en œuvre pour les atteindre.
Tu n’as jamais senti que les victoires en Grand Chelem que tu as acquises, ont entraîné le tennis féminin français derrière toi ? Ne serait‐ce que parce que les filles voulaient te battre ?
(Hésitation) Oui, j’espère. J’espère que ça a donné envie à d’autres Françaises. Que cela les a motivées, que ça leur a donné envie de mieux faire, de jouer, de travailler plus.
Et elles ne sont jamais venues te remercier ?
(Rires) Pourquoi ? Il n’y a aucune raison de me remercier. Me féliciter oui, mais me remercier, non.
Est‐ce que le niveau des filles a progressé ?
Les filles n’ont pas beaucoup changé et le niveau non plus. Il y a bien sûr des jeunes filles qui sont arrivées sur le circuit, mais elles n’ont pas encore percé. Je pense que ça va prendre un ou deux ans. A ce moment là, il y aura un changement sur le circuit. Mais pour le moment, c’est plus ou moins pareil.
Qu’est ce que tu penses des attaques d’un certain nombres d’anciens grands champions, qui trouvent que le tennis féminin est trop stéréotypé ?
Ils devraient regarder plus de matches de filles. Moi, j’ai vu des matches avec des amorties, des lobs, des filles qui viennent au filet, des services‐volées. On ne regarde pas les mêmes matches je crois.
As‐tu des griefs, des manques, des lacunes, envers le tennis masculin ?
Il y a quelques années, je le trouvais beaucoup moins intéressant. Mais maintenant, il y a Nadal, que j’aime beaucoup, qui donne beaucoup d’émotions sur le court. Il y a aussi Djokovic, que j’aime aussi, qui a beaucoup de charme sur le court.
Y a‑t‐il des choses dans le tennis masculin dont tu t’inspires ? Dont les filles devraient s’inspirer ?
Oui, pour mon propre jeu, je regarde beaucoup les garçons. Mon père me faisait regarder beaucoup de matches de garçons. Par exemple, pour faire des retours et monter au filet, ou faire des services‐volées.
On parle beaucoup du lien entre les parents et leurs enfants au tennis. Tu dis que ton père a joué un rôle pour toi. Quelle place peut occuper ta maman dans ces cas‐là ?
Je pense que ça dépend beaucoup en fonction de chaque famille. Ma maman a été là pour du soutien. Lorsque j’avais besoin d’elle, elle prenait soin de moi et de toutes les autres petites choses. Mais c’est différent pour tout le monde. Par exemple, la maman de Sharapova, on ne la voit pas, on ne l’entend pas. C’est différent selon les gens.
Est‐ce qu’aujourd’hui tu te considères comme véritablement Française ?
On peut voir ça de deux manières : il faut demander aux gens, s’ils me considèrent comme une véritable Française. De mon point de vue, il est impossible de dire que je suis Française à 100% parce que je suis née au Canada, j’ai vécu aux Etats‐Unis, je suis arrivée en France à 13 ans, je fais des fautes quand je parle en français et j’ai un accent. Mais j’ai toujours joué pour la France puisque c’est la fédération qui m’a aidée quand je suis arrivée. Mon père m’a dit « Tu resteras toujours fidèle, ils t’ont aidée » . Je suis très heureuse de jouer pour la France. J’ai vécu de belles choses en Fed Cup, aux Jeux Olympiques et pleins d’autres choses.
Et tu ne t’es jamais énervée lorsque tu finissais un discours sur quelques mots d’anglais, ou une dédicace en anglais pour ton papa, et que les gens sifflaient, s’énervaient, ou étaient interloqués ?
Non, jamais, je n’ai jamais ressenti cela.
Publié le lundi 15 septembre 2008 à 14:39