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Roux : « Des moments d’émotion »

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Dès son retour de l’US Open, Lionel Roux, l’en­traî­neur de l’équipe de France de Coupe Davis, est venu nous rendre visite alors que nous étions en plein bouclage de notre GrandChelem numéro 30. Lio’, comme on l’ap­pelle au sein du team France, en d’ailleurs est l’in­vité d’honneur. Il revient sur sa campagne des Jeux Olympiques de Londres, sur son avenir en Coupe Davis et sur l’ac­tua­lité plus géné­rale du tennis en cette fin d’année 2012.

GrandChelem 30, à retrouver ici !

Quel est le meilleur souvenir que tu gardes de Londres ?

Sans conteste, notre arrivée au village. C’était extra­or­di­naire. Découvrir cette petite ville, où il y avait tous les athlètes. En plus, comme Richard (Gasquet) connaît bien Karabatic (hand­bal­leur), on a échangé avec les Experts, ainsi que les basket­teurs. Avec Arnaud Di Pasquale, l’idée était de bien prendre la tempé­ra­ture de l’évé­ne­ment en demeu­rant au village quatre jours, en immer­sion. J’avoue que c’était une vraie belle idée. Hors de ces moments inou­bliables, j’ai vécu, quand même, une petite décep­tion, quand j’ai appris que je ne pour­rais pas assister à la céré­monie d’ou­ver­ture… Les places y sont comp­tées, mais je savais aussi que mon pote DiP’ allait bien me repré­senter ! (Rires)

Je pensais que ton meilleur souvenir allait être le podium…

Bien sûr ! Mais, là, le village, c’est comme un rêve d’en­fant. Mais c’est sûr que ramener deux médailles, c’est un vrai bonheur, même si, en double, on savait qu’on avait de belles chances. En revanche, durant le double mythique entre Mika, Jo et les Espagnols, j’ai craint le pire.

C’est‐à‐dire…

Tu imagines, toi, une petite finale pour la troi­sième place entre Bennet’, Richard, Jo et Mika ? Moi, pas… Si ça avait eu lieu, je serais allé loin. Très loin. J’y ai pensé durant tout ce duel contre Ferrer et Lopez. C’était insoutenable. 

Puis, ce fut la délivrance…

En finale, Jo et Mika ont mal débuté leur rencontre. Et, quand les frères Bryan sont devant, c’est plutôt diffi­cile de revenir ! De toute façon, ils étaient au‐dessus des autres lors de ce tournoi olym­pique. Pour Julien et Richard, c’est une très belle histoire. Il y avait beau­coup d’émo­tion, car ils savaient que c’était tout ou rien. Pour Mika et Jo, c’était forcé­ment différent.

Ces deux médailles ayant été obte­nues en double, on a l’im­pres­sion qu’elles ont une saveur parti­cu­lière auprès du public français…

C’est tout à fait ça ! J’ai, d’ailleurs, reçu beau­coup de messages et j’ai eu le senti­ment que l’idée d’esprit d’équipe avait eu un impact réel. C’est très bien pour le tennis et pour les Bleus. Ca confirme aussi que le tennis a vrai­ment sa place aux Jeux Olympiques. Et que je vis des moments d’émo­tions d’une rare inten­sité. J’ai vrai­ment de la chance…

Parmi tes joueurs, lequel était le plus ému ?

Difficile à dire ! Mais, le lende­main du podium, je suis rentré par surprise dans la chambre de Mika et, là, je l’ai pris en flagrant délit ! (Rires) Il avait posé sa médaille sur le lit et il la regar­dait. « Elle est belle, non ? » C’était émou­vant, surtout pour moi, qui le connais bien. Julien Benneteau était aussi très ému. D’autant qu’avec sa bles­sure à Monaco, il aurait pu passer à côté de tout ça. Pour Richard, c’était un accom­plis­se­ment et l’oc­ca­sion de se lâcher un peu. Enfin, pour Jo, c’est presque une habi­tude d’avoir des trophées ! (Rires) Mais une habi­tude qui ne le laisse pas insen­sible… Dans le vestiaire, après la victoire, face à l’Espagne, Jo, exténué, a craqué… Ce moment va me marquer à vie. C’était très, très fort. 

Le fait de jouer loin du centre névral­gique des Jeux, ça a eu une incidence ?

Tout le monde s’ac­corde à dire que c’était… Comment dire ?… Bizarre. D’abord, ça a un peu terni l’image exclu­sive du blanc à Wimbledon. (Sourire) Et l’on se sentait quand même isolés. Beaucoup ont expliqué qu’il aurait été mieux de construire 20 courts en dur près du village, pour que ça puisse avoir une autre teneur émotion­nelle. A vrai dire, je partage un peu cette idée. 

Pourtant, le tournoi a été de grande qualité ?

Oui, avec des matches qui durent et un niveau assez hallu­ci­nant. Je trouve même que l’ab­sence de Rafael Nadal n’a pas pesé. 

Murray qui l’emporte, c’est une surprise ?

Un peu ! J’avoue que je n’ai pas vu tout le match. Andy, ce n’est pas vrai­ment ma tasse de thé… Il me fait penser à Novak Djokovic au début de sa carrière. Il se plaint souvent… Je le trouve assez comé­dien. J’ai le souvenir de son match face à Jarkko Nieminen, à Roland Garros, puis celui contre Richard… Pour dire la vérité, c’était vrai­ment limite.

Du coup, tu as dû savourer le succès de Roger Federer en juillet, sur le gazon de Wimbledon…

Le fait que Roger soit à nouveau numéro un mondial, qu’il remporte son 17ème titre du Grand Chelem, qu’il égale Sampras à Wimbledon, ça remplit tout le monde de joie. Sincèrement, tout le monde du tennis a vécu le succès de Federer avec ferveur. C’est le cham­pion par excel­lence, un mythe vivant.

Pour en revenir aux matches inter­mi­nables, certains ont évoqué l’idée de changer les règles avec un tie‐break dans le dernier set des matches en cinq manches…

Je ne suis pas contre l’idée de rendre les matches moins longs, car gagner 29 à 27 dans un cinquième au couteau, c’est dur… Mais je pense plutôt à trouver une idée inter­mé­diaire, car jouer la finale de l’US Open sur un tie‐break en sept points au cinquième set, je trouve ca flip­pant… En fait, ce serait pas mal de stopper le set à 15 jeux partout, par exemple, et de jouer un super tie‐break. Voilà, c’est mon idée et, comme, par hasard je la trouve plutôt bonne ! (Rires)

Passons au dossier Coupe Davis : tu viens d’être nommé, à nouveau, entraî­neur de l’équipe de France. Ca doit être une vraie satisfaction ?

Le dialogue avec Arnaud Clément a toujours existé. Je connais bien la Clé, je l’ai coaché pendant la campagne 2010, je l’ai aussi joué – et j’avais même perdu ! (Rires) Dès sa nomi­na­tion, il est rentré dans une phase de réflexion. Il ne savait pas s’il allait tout changer ou conserver les forces en présence. Quoi qu’il en soit, je suis assez fier de voir ma mission recon­duite. La Coupe Davis, je l’ai dans le sang. Et la rela­tion que j’ai installée avec les joueurs au cours des années d’exercice avec Guy (Forget) peut permettre d’aller plus vite et d’ins­taller un climat propice à la performance. 

Parmi les joueurs qui poussent derrière, on pense forcé­ment à Benoit Paire…

Là dessus, je ne peux pas me prononcer (rires), ce n’est pas moi qui fait la sélec­tion. Plus sérieu­se­ment, Benoit Paire progresse, il a du talent, c’est évident. Mais tout le monde sait aussi qu’il doit s’améliorer dans sa gestion des émotions. Sa saison reste tout à fait posi­tive et il a franchi des paliers, c’est clair !

Tu reviens de l’US Open… D’ici, on a l’im­pres­sion que ce tournoi est un peu un bordel permanent…

Pas du tout ! L’US Open, c’est New York ! Aller au restau­rant à minuit, cette folie ambiante, ce mouve­ment… Moi, j’adore cette atmo­sphère. Je me souviens, quand j’y jouais : en même temps que je frap­pais des balles, je sentais l’odeur des hambur­gers et des hot dogs… (Rires) C’est vrai­ment l’un de mes tour­nois préférés. Et puis, on y privi­légie le côté fun. Les loges sont tout là‐haut, pas au bord du terrain, l’am­biance est rapi­de­ment élec­trique. C’est la culture améri­caine. Pour moi, il y a un exemple qui résume tout ça. Quand une balle arrive dans le public, tout le monde se bat pour l’at­traper. Et, à l’in­verse des autres tour­nois, on peut repartir chez soi avec ! Un peu comme au base­ball, quoi. 

Ca peut jouer des tours à certains joueurs qui veulent systé­ma­ti­que­ment rejouer avec la balle vainqueur…

Je te vois venir ! Tu veux parler de Richard ! Quand ça arrive, je crois qu’il a trouvé un truc : il demande la balle au risque de se faire siffler et en renvoie une autre… (Rires)

La 10ème édition du Moselle Open s’est terminée. Ca ne te fait pas envie ?

Julien et son team font un boulot de titans. C’est remar­quable. Bien sûr, ça fait envie, mais entre l’envie et la possi­bi­lité écono­mique de la réaliser, il y a un vrai gouffre. Je suis Lyonnais et, dans notre région, la fin du GPTL de Gilles Moretton a été un gros choc… Pour ce qui est du Moselle Open, on sent qu’il y a un soutien fort du Conseil Général de Moselle, de la ville de Metz… Ca donne une assise à l’évé­ne­ment. Et c’est la clé pour durer et créer un rendez‐vous de qualité.

Quant à Bercy ? Il paraît que le tournoi va changer de date pour devenir le premier Masters 1000 de la saison. Tu penses que c’est une bonne idée de le voir jouer en février ?

C’est une très bonne nouvelle pour le tournoi si ça se fait ! Sa posi­tion actuelle est déli­cate ; il y a souvent des forfaits, les joueurs sont fati­gués… Que ce soit le premier Masters 1000, après Marseille, Montpellier et Rotterdam, ce serait l’idéal…