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Sam Sumyk : « Cessons de comparer tennis féminin et tennis masculin ! »

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Sam Sumyk, coach de Victoria Azarenka, est un vrai spécia­liste du tennis féminin. Homme à femmes, homme de femmes… Depuis près de 20 ans, notre Breton préféré réussit des prouesses avec ses joueuses. Il était donc normal de lui laisser une place de choix dans ce dossier sur le tennis féminin. Vous le consta­terez… ça décape !

Un entre­tien réalisé dans le cadre du numéro 21 de GrandChelem, à retrouver ici.

Retrouvez l’in­té­gra­lité des inter­views réali­sées dans le cadre de cette « semaine de la femme » sur WeLoveTennis ici !

Une semaine de la femme qui commence là !

Sam, ma première ques­tion, c’est un clas­sique : pour­quoi les joueuses sont‐elles toujours coachées par des hommes ?

Voilà une ques­tion qui revient très souvent, oui. Et cette ques­tion, elle a déjà eu son lot de réponses. Le père absent, l’ami oublié, l’amant écarté… J’en passe et pas force­ment des meilleures. La plus belle réponse, ce pour­rait être : excellent choix… de femmes. Elles se sentent à l’aise avec des mecs. Parfait pour nous, les mâles. Une femme gère infi­ni­ment plus de détails qu’un homme, enfin, de ce que les hommes nomment « détails ». Leur équi­libre repose sur le clas­se­ment et l’ordre de ces‐dits détails. Qu’elle soit femme, c’est juste­ment ce qui fait la spéci­fi­cité et le charme d’une joueuse de haut niveau. Alors, elles choi­sissent des hommes pour les coacher. Faut‐il croire qu’elles y trouvent leur équi­libre ? Allons leur poser la question !

Qu’est-ce que tu réponds à ceux qui reprochent au tennis féminin d’être trop monocorde ?

Ces propos laissent entendre que le tennis masculin, lui, est « multi­corde ». C’est ma première réac­tion à cette ques­tion. En fait, cette ques­tion me gave depuis un bon moment. « Monocorde », quel vilain mot ! Ca tient d’un discours rétro. Le tennis féminin est à l’image de la psycho­logie fémi­nine. Il est fait de réflexions, d’am­bi­guités et d’analyses pous­sées. Ca se traduit par un jeu moins puis­sant, certes, mais pensé, élaboré et créatif, je crois. Peut‐être faut‐il aussi consi­dérer qu’au tennis, les filles évoluent sur une aire de jeu iden­tique à celle des garçons, avec les mêmes règles et le même terrain. En athlé­tisme, les haies sont plus basses pour les femmes, la distance est plus courte. Aucun athlète, ni spec­ta­teur n’évoque, dans cette disci­pline, le terme « mono­corde ». En fait, je crois vrai­ment qu’il y a un public pour les deux sexes. Personnellement, je suis le tennis féminin depuis presque 20 ans. Et je consi­dère qu’il progresse. En réalité, je trouve qu’un match de tennis féminin est aussi beau qu’un autre disputé par nos sacro‐saints amis, les hommes. Et puis, n’y a‑t‐il pas, en chacun d’entre nous, une part de fémi­nité ? Oublions, un instant, le bras et la force pour nous concen­trer sur nos doutes, nos trouilles, nos désordres mentaux… Nous concen­trer sur notre aspect féminin, mono­corde à souhait ? Pour finir, je citerai les propos d’un mâle affirmé : « La femme est l’avenir de l’homme. »

Autre problé­ma­tique que l’on a ciblée : Caroline Wozniacki a accédé à la place de numéro une mondiale sans victoire en Grand Chelem. Cette situa­tion est presque impos­sible chez les hommes. Il n’y a pas une réforme du système de points à mener ?

Là encore, je constate qu’on compare le tennis féminin avec le tennis masculin. Ce fameux système de points… Personne n’imagine donc le temps que les instances ont pu passer à y réflé­chir et à le conce­voir ? Ce système de points, il existe dans d’autres disci­plines spor­tives, le cyclisme, par exemple. Le plus grand nombre de points y consacre, sur une saison, le numéro un mondial. Jouer son titre sur un tournoi ou en disputer 50, ça relève d’un choix personnel. Valoriser le talent ou valo­riser la capa­cité d’en­ga­ge­ment, un certain physique, ainsi qu’une sérieuse abné­ga­tion, ça me parait éminem­ment respec­table. Par consé­quent, le titre de Wozniacki n’est pas usurpé, il est abso­lu­ment mérité. Elle n’y est pour rien dans ce système de points. Cessons de repro­cher à ce type de joueuses – comme ce fut le cas, dans le passé, avec Jankovic ou Safina – d’être ou d’avoir été numéros unes. On ne peut rien leur repro­cher. Elles ont été les plus solides sur une année entière. Après, l’idée que cette situa­tion est impos­sible chez les hommes, c’est du pipeau. Actuellement, non, mais pour­quoi ? Grâce à la quasi‐totale domi­na­tion du duo Federer‐Nadal. Ca ne durera pas éter­nel­le­ment. Quand on assis­tera à un resser­re­ment des valeurs chez les garçons, comme c’est le cas chez les femmes, on aura le même phéno­mène. Tout le monde pourra battre tout le monde. Et on l’a déjà vu par le passé, avec des numéros uns qui cédaient leur place au bout de quelques semaines. Encore une fois, je le répète, je le martèle : c’est une erreur de comparer tennis masculin et tennis féminin. Comme de les diviser. Non, ils sont complémentaires.

« Comparer tennis masculin et tennis féminin, c’est une erreur »

Certains orga­ni­sa­teurs aime­raient que les filles qui ramènent du monde béné­fi­cient de plus de byes et d’exemptions de matches… Tu penses qu’il faut mieux les protéger, ces joueuses « bankables » ?

Ouais, bof. C’est de la connerie, à mon sens. J’aime les compé­ti­tions où tout le monde doit gagner le même nombre de matches pour remporter le titre. Ca me semble normal et équi­table : des tableaux avec départ en ligne, chacun sa chance, c’est ça le sport ! Pourquoi les joueuses « bankables » joueraient‐elles moins ? Pourquoi les protéger ? On essaie de nous faire croire qu’il faut protéger les meilleures, alors que les direc­teurs de tournoi ne cherchent qu’à… protéger leur tournoi. Accorder plus de « byes »… Okay, allons‑y ! Doublons les « byes », pour donner du « bye bye » ! Non. Franchement, no comment.

Le retour rapide d’anciennes joueuses au plus haut niveau – Clijsters, Henin… –, ça ne déva­lo­rise pas le circuit ?

Tout retour est valo­ri­sable, qu’il soit masculin ou féminin. Ces retours ajoutent du piment. A 40 ans, un Autrichien bien connu tente un come back. Encore une fois, c’est un homme et personne ne parle de déva­lo­ri­sa­tion. Chez les filles, seules, c’est basse­ment décon­si­déré. Les retours, chez les femmes, sont aussi liés à leur envie de procréer. Qui pour­rait faire autre­ment ? J’ai beau­coup de respect pour toutes celles qui tentent leur retour après leur mater­nité. Où est la déva­lo­ri­sa­tion dans tout ça ? Non ! Chapeau, les nanas.

« Beaucoup de femmes nous montrent, chaque jour, qu’elles ont une sacrée paire de couilles »

Un lieu commun dit les femmes plus émotives que les hommes, faisant du mental la problé­ma­tique essen­tielle du tennis féminin…

L’émotion est, en général, le signe d’une belle et saine intel­li­gence. On ne voit rien chez le débile… Tu as raison de parler de « lieu commun ». Les filles sont plus émotives ? L’émotion est un patri­moine commun aux deux sexes. Quant à la gestion des émotions… Pour l’avoir très souvent observé, une femme gère aussi bien qu’un homme ses émotions. Parfois mieux, même. La problé­ma­tique du mental est une fausse problé­ma­tique. Elle est la même chez tous les êtres humains, quel que soit leur sexe, quelle que soit leur acti­vité ou leur métier. Pour résumer : beau­coup de femmes nous montrent chaque jour qu’elles ont une sacrée paire de couilles et beau­coup d’hommes, que règne dans leur slip, le vide, l’absence, un courant d’air… Ah, quelle émotion !

Les sœurs Williams ont une respon­sa­bi­lité dans l’état du tennis féminin actuel et sa déva­lo­ri­sa­tion ou est‐ce juste l’irrationalité du circuit masculin – avec Federer, avec Nadal – qui en est la cause ?

Mais quelle histoire de respon­sa­bi­lité, quelle irra­tio­na­lité, quelle déva­lo­ri­sa­tion ? Moi, je ne vois qu’une chose, tant chez les garçons que chez les filles : des personnes qui se battent sur un terrain, pour être la meilleure. En deux mots, merci aux sœurs Williams d’ap­porter leurs forces et leurs envies, de livrer à notre saga­cité leurs diffé­rences et leurs manières de jouer. C’est là que se situe leur seule et unique respon­sa­bi­lité. Le tennis féminin existe. Il est bel et bien là pour nous, les machos qui n’ont pas compris que grâce et beauté sont ses forces mysté­rieuses. Cessons d’élucubrer, cessons de nous justi­fier, cessons de comparer !