Il est l’homme fort de ce début de saison. Celui qui a su renverser Rafael Nadal, Novak Djokovic, mais aussi battre son illustre compatriote, Roger Federer. Stanislas Wawrinka a d’ores‐et‐déjà marqué cette année au fer rouge. Rencontre avec un bourreau de travail, simple, humble, mais sûr de ses forces.
Comment as‐tu vécu ta nouvelle notoriété, suite à ton succès à l’Open d’Australie ?
Très bien ! En fait, j’apprécie surtout cette situation car c’est le fruit de mes résultats sur le court. Évidemment, cela change beaucoup de choses et j’ai dû modifier ma façon de gérer mon programme.
Qu’est‐ce qui a le plus évolué : le regard des gens ou l’attente du public ?
Les deux. Les attentes sont logiquement plus importantes, les sollicitations des médias plus nombreuses. Et, en même temps, mon succès en Australie m’a donné beaucoup d’ambition. D’autant qu’il y a pas mal de belles échéances à venir, comme la Coupe Davis, par exemple. Avec Roger (Federer) dans l’équipe, je sais qu’on peut viser très haut.
Vous allez jouer l’Italie. Je crois savoir que tu avais eu une idée pour recevoir Fognini et sa bande…
Bien sûr ! (Rires, ajoutant ironique 🙂 On avait vraiment envie de faire cette rencontre à Lugano (NDLR : en Suisse italophone), sur terre battue extérieure, histoire de mettre toutes les chances de notre côté (rires) !
Ici, on rêve tous d’une finale France‐Suisse. Vous en avez parlé avec Roger Federer ?
Oui, dès le début de saison, quand on a vu le tirage au sort. J’en ai aussi discuté avec mes amis français… On y pense forcément, mais la route est longue et, en Coupe Davis, tout peut arriver sur un week‐end. C’est ce qui fait le charme de cette compétition historique.
D’autant qu’à l’instar de la France, vous n’avez pas vécu un quart de finale aussi tranquille que prévu…
Sur le papier, ça devait l’être. Mais je n’ai pas trop eu peur pour la France, même quand vous étiez mené deux à zéro. Vous restiez favoris, selon moi. De notre côté, ce succès plus que difficile à obtenir va nous donner encore plus de confiance…
La confiance… On sait que c’est la clef, mais comment tu l’acquiers ?
La confiance, elle met du temps à venir et elle repart assez vite, on le sait tous. La grosse difficulté, au tennis, c’est de parvenir à la garder. Moi, pour tenter de l’apprivoiser, je m’appuie sur ce que je fais en‐dehors des matches, les bons entraînements, la qualité de ma condition physique. Enfin, je me fixe toujours des objectifs sur le long terme pour éviter d’être impatient ou de rechercher vainement un truc qui serait censé me faire progresser d’un seul coup.
Il faut donc garder une ligne directrice…
Oui, c’est cela, ne pas tout remettre en cause après une défaite. Ce n’est pas parce que je perds un match que que je vais changer de cordage, de raquette, ou me dire que je ne suis pas dans le vrai. Il faut toujours avoir en tête une vision à long terme, c’est essentiel.
« Il faut toujours avoir en tête une vision à long terme »
Le circuit s’est attaqué à la terre battue depuis quelques semaines, maintenant. Toi qui as gagné à Monte‐Carlo, j’imagine que c’est une surface que tu apprécies…
Bien évidemment ! Je sais que je peux très bien jouer sur l’ocre. Si je suis en forme physiquement, j’ai les moyens de faire de grandes choses.
A Roland Garros ?…
Je ne fonctionne pas comme cela. Ce serait trop simple. Je sais juste que, si ma préparation est bonne et que je suis en confiance, je peux être très dangereux à Roland.
C’est un rêve de gagner là‐bas ?
Sans manquer d’humilité, je ne dirais pas que j’en rêve, car je sais aussi, aujourd’hui, que je suis capable de gagner un tournoi du Grand Chelem. Je l’ai déjà fait.
Tu as battu Novak Djokovic et Rafael Nadal en Australie. Est‐ce que tu crois que tu peux rééditer cette performance à Paris ?
Sur terre battue, c’est certain que c’est encore plus difficile, surtout face à Rafael Nadal. Mais si je veux arriver à le battre, lui ou Djokovic, il faudra que j’aborde ces matches comme en Australie. Rafael Nadal est plus rapide sur terre, par exemple, mais ma puissance physique, mes frappes lourdes et ma capacité à tenir le rythme sur des rallyes sont de vrais atouts face à lui. Je n’ai pas peur des filières longues et, sur terre battue, c’est un point décisif.
Si tu devais faire un choix entre Novak Djokovic et Rafael Nadal…
Rafa garde l’avantage, car il a répété les exploits à Roland Garros, donc il sait ce qu’il doit faire. Novak, lui, sait qu’il a ses chances, cette année, mais, en même temps, il a une grosse pression, car il ne s’y est jamais imposé. C’est pour cela que cette édition sera très intéressante, très ouverte. Selon moi, il faudra prendre des indices dans les premiers tours qui ne sont pas anodins chez ce type de joueurs ; ils permettent soit d’arriver en super forme pour les grands duels, soit de se présenter avec un peu de fébrilité.
On sait que tu es proche de Roger Federer. Comment tu le sens, cette année ?
Roger est revenu à un très bon niveau. A Indian Wells, par exemple, il était tout près de remporter le titre face à Novak. Je pense que sa nouvelle raquette lui a fait beaucoup de bien. Il peut mettre plus d’effet, par exemple. Et puis, quand Roger est « fit », prêt physiquement, il peut être très dangereux sur n’importe quelle surface. Reste qu’il va avoir beaucoup de changement dans sa vie privée, donc cela peut avoir des conséquences sur sa concentration également.
« J’ai de vrais atouts face à Rafael Nadal »
Il t’a donné des conseils pour gérer l’après Open d’Australie ?
Oui, on en a parlé dans la foulée. Mais, à vrai dire, je veux gérer la chose à ma façon. Même si, je le répète, ce sont de jolis problèmes dont je ne vais pas me plaindre. De toute façon, je suis quelqu’un d’assez tranquille. J’ai 29 ans et 10 ans de carrière derrière moi. Ce n’est pas comme si cela m’arrivait alors que j’avais 20 ans.
En 1974, Björn Borg signait sa première victoire à Roland Garros. On va fêter, cette année, les 40 ans de ce succès. C’est un joueur qui te parle ?
Il a été un énorme champion. Néanmoins, je dois bien avouer que ce n’est pas cette génération que j’ai suivie à la télévision. On ne peut donc pas dire que je sois un grand fan, même si j’ai énormément de respect pour ce qu’il a accompli.
Les spécialistes expliquent souvent que Björn Borg est le champion qui a changé la manière d’aborder le tennis, en ayant une attitude hyper‐professionnelle, un regard sur l’entraînement physique, technique, le matériel aussi…
C’est vrai, c’est un avis que j’ai déjà entendu et cela ne m’étonne pas. Je sais qu’il avait une discipline de fer, qu’il ne sortait pas comme le faisaient les autres joueurs. Mais il faut bien avouer que, lorsqu’on voit les images, il s’agit presque d’un autre sport.
Tout a évolué, notamment le matériel…
Exactement, c’est logique, cela fait partie de l’évolution du sport en général. C’est pareil quand on regarde les matches de football des années 70. Il y avait beaucoup moins de vitesse ou de pressing. Au tennis, on peut faire la même analyse. Aujourd’hui, tout va plus vite, mais on a aussi beaucoup moins de temps pour s’organiser et prendre une décision.
Björn Borg s’entraînait beaucoup ; tu as l’air, toi aussi, de considérer que c’est primordial…
C’est la base de tout et c’est pour cela que je ne lâche rien à l’entraînement, que je me mets dans des conditions optimales.
On a eu la chance de voir un de tes entraînements, à Monte‐Carlo, avec Rafael Nadal. C’était presque plus impressionnant qu’en match, tant vous vous donniez à fond…
C’est bien pour cela que j’aime taper avec Rafael Nadal, on est dans le même état d’esprit. C’est cela qui nous permet de progresser. De toute façon, avec lui, on n’a pas le choix ; si on veut être à la hauteur, il faut mettre la même intensité sur chaque balle. J’adore m’entraîner avec lui, car je suis obligé de chercher des solutions en étant constamment sous pression. Cela me permet de progresser – et c’est ce que je recherche en permanence.
Et sa balle, à Rafa, parlons‐en…
En fait, ça gicle beaucoup, elle a énormément d’effet. Elle vient vite, c’est certain, mais, surtout, elle accélère encore un peu après le rebond. Elle tourne tellement qu’elle fait partir ta raquette en arrière assez violemment. Il faut donc pouvoir bouger très rapidement et déclencher son geste très tôt. Si Novak Djokovic parvient bien à contrer Rafa, c’est grâce à son timing, avant tout, qui lui permet de couper son effet et d’utiliser la puissance adverse.
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Publié le mardi 20 mai 2014 à 23:32