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Stéphane Huet : « Tout est unique sur le court numéro 1 »

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Vainqueur d’Ivan Lendl en 1993, le Français revient pour nous sur cette victoire épique acquise sur le fameux court numéro 1. Une rencontre qui restera à jamais le meilleur souvenir de sa carrière. Séquence nostalgie.

Quelle est la première image de ce match qui te revient en mémoire ?

Celle des vestiaires du Central avant d’aller sur le court numéro 1. À l’époque, d’ailleurs, entre nous, on l’appelait le Central bis. Ivan Lendl cher­chait mon regard sans cesse, histoire de mettre encore plus de pres­sion, je voyais bien son « manège ». La vérité, c’est que j’étais extrê­me­ment impres­sionné. Les trois jours précé­dant la rencontre, j’avais très mal dormi, j’étais dans un stress incroyable, j’avais peur de ne pas être à la hauteur.

D’ailleurs, c’est toi qui avais demandé à jouer sur le court numéro 1…

C’est vrai. Avant le dernier tour des quali­fi­ca­tions, je savais qu’en cas de victoire j’allais affronter cet immense cham­pion. Par la suite, quand j’ai vu que Nicolas Escudé s’était pris une tôle face à Boris Becker sur le central [6–0, 6–3, 6–0, ndlr], j’ai été pris un peu de panique. Je suis donc allé voir Gilbert Ysern, le juge‐arbitre, pour lui demander de faire un geste et de me faire jouer sur le court numéro 1. C’était osé, car Ivan Lendl avait gagné trois fois Roland‐Garros et il était encore parmi les meilleurs joueurs du monde. Gilbert a accepté et cela m’a rendu un grand service.

Tu te souviens de l’entrée sur le court ?

Dans l’arène plutôt. Le court numéro 1 est un court si spécial, je l’adore, et pas unique­ment parce que j’ai réalisé ce petit exploit. Tout est unique sur le court numéro 1. L’ambiance, le son, et ce mur très haut que l’on voit en face lorsqu’on frappe dans la balle. Cela permet vrai­ment de rester dans sa bulle. C’est petit, presque étroit, mais quelles sensa­tions ! Je n’ai jamais ressenti cela ailleurs. 

Est‐ce que tu connais­sais bien ce court avant d’y affronter Ivan Lendl ?

Comme tous les passionnés et les joueurs qui s’entraînaient de temps en temps sur le site. Pour y avoir de vrais repères, j’avais demandé à le fouler la veille, une fois le stade complè­te­ment vide. Ce fut assez impres­sion­nant. Ma frappe faisait un écho de fou.

Et pour­tant, cette accli­ma­ta­tion ne t’a pas permis de bien rentrer dans le match…

C’est le moins qu’on puisse dire, j’ai été mené 4–0 en un éclair. C’était cauche­mar­desque. En fait, je le regar­dais jouer. Mais une fois mon premier jeu marqué, je me suis relaxé. J’avais la hantise de la roue de bicy­clette, en fait. 

C’est donc au deuxième set que le combat commence vraiment.

Effectivement, je joue plus relâché, je le bous­cule. Le stade se remplit peu à peu, et je sens que l’ambiance monte d’un cran. Même si je suis dans mon match à ce moment‐là, je comprends vite que comme je bous­cule une star du circuit en étant inconnu, le match devient l’attraction du jour, le duel qu’il faut suivre. Au quatrième set, le court est bondé, les spec­ta­teurs sont partout, sur les marches des esca­liers, il y a un bruit de fou, des chucho­te­ments aussi. Et croyez‐moi, sur le court numéro 1, on entend vrai­ment tout, le public est si proche des joueurs. Je sens que ce soutien agace forcé­ment Lendl qui n’est pas habitué à ce type d’ambiance, à sentir les spec­ta­teurs aussi près de lui.

Et le duel dure plus de 3h45…

Oui, il y avait de vrais rallyes, c’était un sacré combat ; les points étaient longs, fati­gants. En revanche, quand je remporte le troi­sième set 6–0, je sens que je tiens le bon bout. La balle sort bien de ma raquette, je joue aussi un peu avec le public. C’était une sensa­tion incroyable, en parler me donne encore des frissons.

Est‐ce que la balle de match fut une délivrance ?

Pas obli­ga­toi­re­ment, car plus le duel avan­çait plus je me sentais bien. Ce qui est drôle, c’est le contraste entre l’arrivée sur le court et le retour aux vestiaires. À l’arrivée, Ivan Lendl avait ses gardes du corps, et moi je suivais derrière à quelques mètres avec mon sac sur le dos, un véri­table inconnu. Au retour, ce fut tout l’inverse, j’étais assailli pour signer des auto­graphes, une vraie hystérie, alors qu’Ivan marchait tout seul, groggy par cette défaite.

Inutile de te poser la ques­tion, mais je le fais quand même. Es‐tu triste que ce court numéro 1 soit démoli ?

Forcément, mais c’est l’évolution du stade Roland‐Garros qui l’impose, donc on ne peut rien y faire. Je connais bien le circuit en tant que joueur et entraî­neur, je peux vous affirmer que le court numéro 1 est vrai­ment atypique. Plus qu’un court, c’est une véri­table arène, cela pousse forcé­ment à se trans­former en gladia­teur. Même s’il était complè­te­ment diffé­rent, son voisin, le court numéro 2 avait aussi une vraie person­na­lité, cela faisait le charme du site, et cela permet­tait surtout aux fans d’être très proches de leurs champions.

À ce sujet, un tunnel a été creusé entre le court Suzanne Lenglen et le Central pour que les joueurs puissent circuler plus faci­le­ment. Qu’en penses‐tu ?

Je regrette un peu ça, j’aurais plutôt construit une passe­relle pour que les fans puissent les voir. Il ne faut pas trop couper les joueurs du public.

Ils se souviennent du court numéro 1

Jérémy Chardy

« Bien sûr que je vais être nostal­gique, c’est une page qui se tourne. J’ai quand même joué près de 80 % de mes matchs à Roland‐Garros sur ce court, car j’étais toujours barré par d’autres joueurs trico­lores pour le Central. J’aime beau­coup ce court car il a un son incroyable et on sent surtout que c’est celui des passionnés, des fans, ceux qui n’ont pas pu avoir de places pour les grands courts. Du coup, l’ambiance est toujours assez incroyable. J’espère que le court Simonne Mathieu aura un peu de ses qualités, on m’a dit qu’il était déjà très beau, c’est déjà ça. »

Gilles Simon

« C’est le court que j’ai essayé d’esquiver. Je deman­dais toujours à ne pas y être programmé. De ce fait, j’y ai joué rare­ment et cela me convient bien. J’ai toujours été perturbé par le son qu’il produit alors que du point de vue de l’ambiance il est assez extra­or­di­naire. L’écho est très gênant, notam­ment quand tu montes à la volée, et comme tout le monde le sait, mon jeu est surtout axé sur cette théma­tique [rires]. »