Le dimanche soir de la victoire en Coupe Davis, dans les couloirs du Stade Mauroy, le numéro 1 tricolore s’arrête quelques minutes pour livrer ses impressions. On le sent fatigué, éreinté. Lors de la conférence de presse, il s’est peu exprimé. Interview.
Jo, tu as joué cette Coupe Davis depuis 2008, est‐ce que ces dix ans ne sont que des bons moments ?
Si la Coupe Davis n’était que des bons moments ce ne serait pas bien. Il faut passer par des moments difficiles pour que ce soit fort. Et des périodes pas simples, j’en ai vécu beaucoup. J’ai fait les quatre coins du monde. Je me suis battu. Je faisais ma préparation d’hiver. Je partais en Australie. Quand je revenais, je croyais que j’allais me reposer mais il y avait la Coupe Davis. Après, il y avait la saison indoor et comme c’est ma surface, je me devais de jouer. Après je partais aux États‐Unis pour la fameuse tournée et une fois que c’était fini là‐bas, il y avait le 2e tour de Coupe Davis. Puis c’était le moment de se préparer pour Roland‐Garros. Et comme c’est le tournoi que je kiffe, je mets les bouchées doubles et je me prépare comme un dingue. En général, après je suis cramé mais il y a le gazon qui commence. Heureusement après Wimbledon, comme cela fait six mois que je suis sur le pont, j’ai quand même le droit à deux semaines de vacances. Après, c’est à nouveau les États‐Unis, l’US Open et si tout va bien un tour de Coupe Davis, etc.
Visiblement, tout cela pèse lourd…
Cela m’a couté mais c’est fabuleux. Ce sont des émotions incroyables alors forcément il y a de la fatigue mais quand la victoire est au bout, tu oublies.
Où places‐tu ce trophée dans ta carrière ?
Au sommet, j’ai toujours été catalogué comme un joueur qui ne gagne pas surtout en France. Aujourd’hui, je peux au moins dire que j’ai gagné la Coupe Davis.
As‐tu perdu espoir à un moment ?
Ce n’est pas mon truc de perdre espoir, autrement cela aurait été le cas depuis très longtemps. Je me suis toujours accroché. Quand j’étais petit, je n’étais pas le plus fort de ma catégorie, je me suis battu. En sports‐études, j’avais 13 ans, je suis parti à 400 km de chez moi, et puis à 17 ans j’ai arrêté l’école car je voyageais beaucoup et je n’avais plus le temps. Mes parents étaient déçus car ils sont instituteurs. Malgré tous ces sacrifices, je ne savais pas si j’allais réussir. Et puis à 19 ans, alors que je commençais à bien jouer à battre des top ten, je me suis blessé au dos. Et le docteur m’a dit : ce n’est pas sûr que tu rejoues au tennis dans ta vie. Et donc à nouveau je me suis battu. J’ai eu des années de galères, j’ai mangé des pâtes tous les jours, je m’asseyais sur mes sacs de tennis dans mon petit appartement que j’avais du mal à payer, mais je n’ai rien lâché, j’ai travaillé comme une bête. J’arrivais à 8 heures à la salle de sport avant tout le monde et je partais à 20h30 le dernier, avant de faire 1h30 de transport en commun. Puis quand j’arrivais chez moi, je n’avais qu’une idée en tête, me reposer et dormir. Puis un beau jour, j’ai gagné des matchs, de plus en plus de matchs, et je suis arrivé numéro 1 français. Logiquement tes buts sont alors différents, gagner un Grand Chelem, gagner la Coupe Davis. Maintenant, j’ai la coupe et heureusement il me reste encore des objectifs, je suis encore motivé.
As‐tu déjà la volonté de défendre ce titre ?
Évidemment, je veux continuer à faire gagner l’équipe de France, et je peux le faire de plusieurs manières. Je peux être sur le terrain ou non, je pourrais même corder pour eux si je voulais. Je pourrais faire plein de choses. Pour l’instant, je ne sais pas quel sera mon rôle, mais quand l’équipe de France gagne je suis content.
Te souviens‐tu de ce dimanche où tu es tombé amoureux de la Coupe Davis ?
Bien sûr, c’est un moment important. Je jouais au foot à l’extérieur quand le match a commencé. J’ai tapé le pied d’un coéquipier, je me suis fait très mal, je pense d’ailleurs que je me suis cassé un orteil mais je ne l’ai pas dit à mes parents. J’avais un mal de chien, mais j’ai regardé le match de Boestch qui était juste dantesque. Alors c’est vrai que me retrouver quelque part à sa place c’est juste magique.
Publié le mardi 12 décembre 2017 à 09:30