Dans le cadre d’un entretien pour le prochain numéro 69 de GrandChelem où il évoquera son rôle d’ambassadeur de l’Open Parc Auvergne‐Rhône‐Alpes de Lyon, Jo‐Wilfried Tsonga nous a accordé de son temps pour faire un tour de son actualité en répondant à certaines de vos questions. Comme toujours, Jo l’a fait avec simplicité et bonne humeur.
Quand on revient d’une période aussi dure en raison des blessures, est‐ce qu’on voit le monde du tennis différemment ? Federer, Djokovic ou encore Murray l’ont souvent expliqué après leur longue absence…
Au‐delà du fait qu’il a été difficile, car on a plus envie d’être sur le court qu’en dehors, ce moment a été important pour moi, voire bénéfique. Il m’a obligé à faire un récapitulatif de mes envies et de mes objectifs, savoir si j’avais encore envie de continuer à jouer, comment je souhaitais continuer et de quelle manière aborder ce dernier chapitre de ma carrière. Les réponses étaient assez claires. J’ai encore ça dans « le bide », cet esprit de compétition. Je suis encore prêt à faire des sacrifices et surtout à le faire du mieux possible. Cela a débouché sur des prises de conscience que j’aurais aimé avoir il y a quelques années, mais que je suis content d’avoir aujourd’hui.
Quelle a été cette prise de conscience ?
Elle a concerné pas mal d’aspects de ma carrière, notamment mon environnement, ma façon de vivre à côté du tennis. Je veux essayer de me faire encore plus confiance dans certaines choses et de m’écouter à fond. J’ai pris un entraîneur en plus (Sergi Bruguera) dans ma structure qui était déjà très bien (composée de Thierry Ascione, Xavier Moreau et un kiné), car je veux amener des choses en plus. Je travaille avec un préparateur mental depuis le milieu de l’année dernière. Ce sont des petites choses que je n’avais pas faites auparavant et qui méritaient d’être mises en place.
Peut‐on dire que l’on est plus frais mentalement lorsqu’on revient d’une si longue absence ?
On a toujours de la fraîcheur quand on a envie de jouer, mais je crois surtout que lorsque les choses sont plus claires, c’est plus simple. J’ai positionné le tennis différemment dans ma vie que par le passé. Je me mettais pas mal de pression et le tennis influait sur mon état mental : quand je jouais bien, ça allait bien ; et inversement, si je jouais mal, je me sentais moins bien dans mon corps. Quand les médias disaient du mal de moi ou que je trouvais certaines choses injustes, je ne me sentais pas bien et j’étais affecté. Tout avait une influence sur mon état et cela me fatiguait énormément. Aujourd’hui, j’ai pris du recul. Être devenu papa d’un petit garçon m’a permis de mettre ma vie personnelle en première position et cela m’aide finalement pour le tennis puisque je le prends avec plus de légèreté. J’ai moins de hauts et de bas en termes de motivation et d’état mental.
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— Jo‐Wilfried Tsonga (@tsonga7) 10 février 2019
Quels sont tes objectifs à court et moyen terme ? Si on parle à court terme, peut‐on envisager une place de tête de série à Roland‐Garros ?
Être tête de série à Roland‐Garros peut être un objectif, mais il sera très dur ! Il faut être réaliste. Je suis encore en phase de reconstruction, même si j’ai bien joué sur la période indoor. Je suis assez lucide sur le fait que l’indoor ne reflète pas forcément le reste de la saison où on joue en extérieur, dans des températures extrêmes et sur des surfaces différentes. Je fais les choses au fur et à mesure. Roland‐Garros va arriver très vite. Prendre tous les points pour être Top 30 ne sera pas simple. C’est mieux de viser étape par étape et rentrer dans le Top 50 sera un premier objectif élevé pour le moment. À plus long terme, mes objectifs seront différents, si tout se passe bien (sourire).
« Être devenu papa d’un petit garçon m’a permis de mettre ma vie personnelle en première position et cela m’aide finalement pour le tennis puisque je le prends avec plus de légèreté »
Les meilleurs du « Big 4 » ont souvent fait évoluer leur jeu au fil de leur carrière. Que souhaites‐tu améliorer dans ton jeu pour être encore plus performant ?
Pour rester au top pendant toutes ces années, j’ai dû évoluer. Le tennis change chaque année, les joueurs sont de plus en plus forts et les meilleurs sont obligés de se réinventer pour être encore plus performants. Autrement dit, ceux qui sont derrière doivent également le faire pour suivre le bon wagon (sourire). Étant resté Top 10 ou aux portes du Top 10 pendant presque dix ans, j’ai fait évoluer mon jeu et je continue à le faire. J’en ai l’envie. Le jeu est assez large et au‐delà de ce qui se passe sur le court, il y a l’extérieur. Alors, je fais évoluer mon jeu et ma carrière de manière positive.
En quoi l’annonce de ta maladie (drépanocytose) peut‐elle impacter ta fin de carrière ? Vas‐tu disputer moins de tournois ?
Je le savais depuis quelques années et j’en ai pris conscience seulement dernièrement. C’était important pour moi d’expliquer pourquoi il n’est pas simple d’être régulier au plus haut niveau. On a tous nos petites « casseroles » derrière nous (sourire), et celle‐là en a fait partie dans ma carrière. C’était dur d’enchaîner un tournoi quand je devais prendre l’avion entre les deux et sur le circuit, c’est souvent le cas. À chaque fois, cela a été une lutte afin d’être prêt le jour J. En l’annonçant, c’est aussi un moyen d’en faire le deuil et que je l’accepte désormais. Je dois vivre avec. J’en prends conscience maintenant que je travaille avec un préparateur mental pour accepter les choses et avancer sans me mettre de frein.
Quel sera ton programme pour les prochaines semaines, et notamment jusqu’à Roland‐Garros ?
Avec mon classement, le programme ne peut être défini longtemps à l’avance. Pour l’instant, je sais que je ne vais pas aller à Indian Wells et que je vais jouer Miami. Ensuite, je vais essayer de faire pas mal de matchs sur terre battue. Il y a de fortes chances pour que je joue un tournoi avant Monte‐Carlo. Cela va aussi dépendre de mon parcours à Miami. En raison de mon classement dans les Masters 1000, je joue une tête de série dès le deuxième tour. Si ça ne se passe pas très bien, on peut sortir très vite du tournoi. Aller à Indian Wells était trop court au regard de tous les efforts que j’ai faits pour revenir. Il était important pour moi de prendre du repos et de me réentraîner. Ça n’avait pas de sens d’y aller sans être réellement prêt. Après Miami, j’attaquerai la saison sur terre battue qui sera un moment fort de ma saison puisqu’il y aura beaucoup de tournois (dont l’Open Parc Auvergne‐Rhône‐Alpes de Lyon) et j’aurai la possibilité de prendre pas mal de points.
À bientôt 34 ans (le 17 avril prochain), penses‐tu à l’après-carrière et au fait de devenir coach par exemple ?
Il est vrai que j’ai toujours aimé transmettre. Avec ma carrière et l’expérience que j’ai eue sur le tour, je peux en inspirer car j’ai tout vécu. J’ai une expérience assez globale de mon sport, avec des moments très durs comme de la réussite et de grandes joies au cours de grands matchs. J’ai des choses à raconter. Loin de moi la prétention de faire du conseil, mais mettre ma carrière à disposition de jeunes joueurs pour les inspirer et prendre de bonnes décisions, oui, c’est envisageable.
Question plus ouverte pour finir : on parle beaucoup de la « NextGen », quel joueur de cette nouvelle génération pourrait avoir une carrière semblable à un membre du « Big 4 » ?
C’est très difficile à dire, car ils sont tellement jeunes et il peut se passer énormément de choses dans leur carrière. De nombreux joueurs de plus de 30 ans donnent leur avis sur le futur du tennis mondial, mais ils continuent de gagner et il ne reste pas grand‐chose (rire). On ne sait pas encore comment ils vont réagir lorsqu’ils vont arriver dans les derniers carrés. Il y en a eu en Australie, mais on a vu qu’ils ne sont pas encore au niveau des meilleurs. Il y a encore beaucoup de travail à accomplir et je pense que la suite se définira dans les deux prochaines années.
Publié le mardi 26 février 2019 à 17:01