AccueilInterviewsUne envie d'ailleurs

Une envie d’ailleurs

-

L’herbe est‐elle plus verte chez son voisin, au‐delà de l’Atlantique ? C’est un peu la ques­tion que l’on s’est posée en consti­tuant ce dossier, en donnant la parole à ceux qui ont « osé ». Partir est toujours un choix diffi­cile, car c’est souvent une prise de risques. Nos témoins ne le regrettent pas et on sent chez eux une ouver­ture, un esprit d’initiative qui en font des citoyens du monde du tennis, sûre­ment capables de s’adapter à toutes les situa­tions. Ils confirment aussi que nos ensei­gnants et autres coachs sont appré­ciés et que le « made in France » pèse toujours, même s’il doit évoluer. Ces globe‐trotters nous apprennent aussi que coacher ou apprendre le tennis reste une passion, une envie profonde où l’humain, l’athlète, l’apprenti, le cham­pion est au centre des préoc­cu­pa­tions, quelle que soit la méthode employée. Et puis on peut aussi être étranger dans son propre pays, parce qu’on a décidé de s’ouvrir à de nouvelles méthodes à travers tous les outils aujourd’hui mis à notre dispo­si­tion. Bref, l’ailleurs c’est là‐bas, loin, mais c’est aussi ici, au coin de notre porte.

Guillaume Peyre,

parti en Chine, aujourd’hui coach de Priscilla Hon

Pourquoi, à un moment de ta carrière, as‐tu décidé de partir à l’étranger ?

Après la suspen­sion de Richard Gasquet, je voulais rebondir ailleurs que dans l’environnement du tennis français. 

Est‐ce que tu regrettes ce choix ?

Non, je ne le regrette abso­lu­ment pas. 

Comment un Français est‐il reçu, notam­ment quand il arrive en Chine en tant qu’expert tennis ?

Ce fut un accueil furtif à la chinoise, j’ai envie de dire. J’ai tout de suite été mis en concur­rence directe avec d’autres entraî­neurs étran­gers. J’ai dû beau­coup travailler et me démar­quer pour obtenir mon poste d’entraîneur national en Chine. Je suis resté huit ans à plein temps, ce fut très enri­chis­sant. J’étais en charge des joueurs et joueuses de l’équipe natio­nale, puis je suis passé head coach pour les provinces. 

Si tu devais retenir trois mots qui carac­té­risent la forma­tion à la fran­çaise vue par des étrangers ?

Je dirais sans hésiter : forma­tion, tech­nique et moyens financiers. 

Es‐tu fier de tes couleurs ou te sens‐tu plus dans la peau d’un citoyen du monde, expert en tennis de haut niveau ?

Fier d’être fran­çais bien sûr, mais un peu déphasé quand je constate certains dysfonc­tion­ne­ments, et je ne parle pas de tennis. 

Que changerais‐tu dans la forma­tion à la fran­çaise qui semble peu tournée vers les expé­riences hors de ses propres frontières ?

Je chan­ge­rais le fait qu’il y ait trop d’assistanat finan­cier. Je reste convaincu qu’il faut investir son propre argent pour réussir. Il faut qu’il y ait une vraie prise de risque mutuelle, celle du joueur et le cas échéant celle de la fédé­ra­tion quand elle le peut. 

Aujourd’hui, avec ton expé­rience, penses‐tu comme certains que la France a une image de « loose » en termes de perfor­mance, mais forte en termes d’expertise technique ?

Je suis entiè­re­ment d’accord avec ce constat. Les joueurs fran­çais sont très bons, ils n’ont rien à envier sur le plan tech­nique ou tactique par rapport aux meilleurs joueurs. La diffé­rence est infime, mais elle existe en termes de géné­ro­sité et surtout de détermination.

Comme expliques‐tu certains parcours de coachs trico­lores à l’étranger ? Est‐ce que le système en France est plus fort que l’individu et son expertise ?

Il y a de très bons coachs à la Fédération fran­çaise de tennis, il n’y a pas de doute là‐dessus. Comme il y a de très bons coachs en dehors de la fédé­ra­tion. La fédé­ra­tion, c’est la sécu­rité. Quand tu n’y es pas, c’est une vraie prise de risque. Pour résumer, c’est un état d’esprit différent.

Est‐ce que jouer un rôle dans la trans­for­ma­tion de la forma­tion tennis­tique en France pour­rait t’intéresser ?

Donner le meilleur de moi‐même, c’est mon objectif majeur tous les jours. Je serai toujours déter­miné à le faire pour mon pays comme je suis déter­miné à le faire pour le pays ou le joueur/la joueuse qui me fait confiance. 

Au jour le jour et dans tes expé­riences à l’étranger, qu’est-ce qui te manquait le plus en tant que Français ?

Ce qui me manque le plus, bien sûr, ce sont mes enfants. Je ne suis pas à plaindre, mon métier reste ma passion. Je suis très chan­ceux, car mon travail me remplit, il y a beau­coup d’émotions.

Il y a tout un débat en ce moment en France sur l’aspect mental. Penses‐tu que sur ce sujet, on soit largué si on se compare à l’étranger ?

Le mental, c’est le point clé de la réus­site pour le très haut niveau. Il se déve­loppe dès le plus jeune âge. Mettre les joueurs dans le dur, ne pas se cher­cher d’excuse, mettre tout son cœur dans la bataille. Sinon, c’est mort, il n’y aura pas d’étincelle. Ils ne seront que de bons joueurs qui nous feront rêver par leur talent, mais pas obli­ga­toi­re­ment par leurs perfor­mances. On conti­nuera à dire d’eux qu’ils sont super talen­tueux. Et puis voilà, est‐ce que tu penses vrai­ment que Gaël Monfils est moins talen­tueux que Nadal ?

Selon toi, quel est le pays où fina­le­ment il est le plus facile de coacher et d’avoir des résultats ?

Un pays où le confort n’existe pas. Et si le confort existe, l’éducation pour le sport de très haut niveau domine.